Criminal proceedings against Ioannis Doulamis.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:701
Date22 November 2007
Celex Number62005CC0446
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-446/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 22 novembre 2007 (1)

Affaire C‑446/05

Procureur du Roi

contre

Ioannis Doulamis

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique)]

«Législation nationale interdisant aux prestataires de soins dentaires de faire de la publicité auprès du public pour leurs prestations – Articles 81 CE et 10 CE – Articles 43 CE et 49 CE – Restriction – Protection de la santé publique – Proportionnalité»





1. La présente procédure préjudicielle a pour objet de permettre à la juridiction de renvoi d’apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de sa législation nationale qui interdit aux prestataires de soins dentaires de faire de la publicité auprès du public pour leurs prestations.

2. Elle a pour origine des poursuites pénales engagées en Belgique à l’encontre de M. Doulamis, qui exploite dans cet État membre un laboratoire et une clinique dentaires et à qui il est reproché d’avoir inséré des annonces publicitaires en faveur de ce laboratoire et de cette clinique dans l’annuaire Belgacom.

3. Le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique), jugeant en matière de police correctionnelle, s’interroge sur la compatibilité de la législation qui fonde ces poursuites avec l’article 81 CE, lu en combinaison avec les articles 3, paragraphe 1, sous g), CE et 10, second alinéa, CE, et pose à la Cour une question préjudicielle en interprétation de ces dispositions.

4. Dans les présentes conclusions, nous indiquerons que la législation en cause, à notre avis, n’entre pas dans le champ d’application desdites dispositions, de sorte que celles‑ci doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’y opposent pas.

5. Nous y exposerons également que c’est à l’aune des articles 43 CE et 49 CE, relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, que la compatibilité de cette législation avec le droit communautaire doit être examinée.

6. Nous indiquerons qu’une interdiction de toute publicité en matière de soins dentaires auprès du public constitue une restriction à l’exercice de ces libertés. Nous exposerons en quoi cette restriction, selon nous, est justifiée par la protection de la santé publique dès lors que la législation nationale en cause n’a pas pour effet d’interdire à un prestataire de soins dentaires de mentionner simplement, sans caractère attractif ou incitatif, dans un annuaire téléphonique ou d’autres moyens d’information accessibles au public, les indications permettant de connaître son existence en tant que professionnel.

I – Le cadre juridique

A – Le droit national

7. L’article 3 de la loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires (2) sanctionne les comportements qui contreviennent à l’article 1er de ladite loi, qui est rédigé comme suit:

«Nul ne peut se livrer directement ou indirectement à quelque publicité que ce soit en vue de soigner ou de faire soigner par une personne qualifiée ou non, en Belgique ou à l’étranger, les affections, lésions ou anomalies de la bouche et des dents, notamment au moyen d’étalages ou d’enseignes, d’inscriptions ou de plaques susceptibles d’induire en erreur sur le caractère légal de l’activité annoncée, de prospectus, de circulaires, de tracts et de brochures, par la voie de la presse, des ondes et du cinéma, par la promesse ou l’octroi d’avantages de toute nature tels que ristournes, transports gratuits de patients, ou par l’intervention de rabatteurs ou de démarcheurs.

Ne constitue pas la publicité définie au présent article le fait pour les cliniques et polycliniques mutualistes de porter à la connaissance de leurs membres les jours et heures des consultations, le nom des titulaires de celles‑ci et les modifications qui s’y apportent.»

B – Le droit communautaire

1. Le traité CE

8. Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

9. L’article 10, second alinéa, CE fait obligation aux États membres de s’abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité.

10. L’article 3, paragraphe 1, sous g), CE dispose que l’action de la Communauté européenne comporte, dans les conditions et selon les rythmes prévus par le traité, un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur.

11. L’article 43 CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

12. Aux termes de l’article 47, paragraphe 3, CE, la libération progressive des restrictions à la liberté d’établissement, en ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres. Les soins dans le domaine dentaire ont fait l’objet des directives 78/686/CEE (3) et 78/687/CEE (4).

13. L’article 49 CE prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

14. Selon les articles 46 CE et 55 CE, les articles 43 CE et 49 CE ne font pas obstacle aux restrictions justifiées par des raisons de santé publique.

2. Le droit dérivé en matière de publicité

15. Le droit dérivé en matière de publicité comprend un régime général et des réglementations spéciales applicables, d’une part, à des produits déterminés et, d’autre part, à des vecteurs d’information spécifiques.

16. Le régime général, à l’époque des faits du litige au principal, était prévu par la directive 84/450/CEE (5), ayant pour objet d’harmoniser les législations nationales en matière de protection contre la publicité trompeuse. Cet acte a été modifié par la directive 97/55/CE (6), qui a étendu son champ d’application à la publicité comparative, et par la directive 2005/29/CE (7). La directive 84/450 a été abrogée et remplacée par la directive 2006/114/CE (8).

17. La directive 84/450 définit la publicité comme toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations (9).

18. Selon la même directive, est qualifiée de trompeuse toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent (10).

19. La publicité comparative, quant à elle, est celle qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou des services offerts par un concurrent (11). Elle n’est licite que si elle respecte plusieurs conditions (12).

20. Les États membres doivent prendre les moyens idoines afin de lutter contre la publicité trompeuse et de faire respecter les conditions de licéité de la publicité comparative. En outre, ils sont autorisés à prendre des mesures de protection plus étendues que celles prévues par la directive 84/450 en ce qui concerne la lutte contre la publicité trompeuse.

21. Les définitions et les dispositions susmentionnées sont reprises dans la directive 2006/114.

22. Parallèlement à ce régime général, le législateur communautaire a pris des dispositions qui encadrent la publicité applicable à des produits déterminés, tels que le tabac et les médicaments (13). Les mesures prises en ce qui concerne les médicaments sont fondées sur la protection de la santé publique. Elles prévoient une interdiction pure et simple de la publicité auprès du public pour des catégories de médicaments, comme ceux vendus uniquement sur prescription médicale, ainsi que les conditions devant être respectées par la publicité pour les autres catégories de médicaments et celle destinée aux professionnels de santé.

23. Le législateur communautaire a également coordonné les réglementations nationales régissant la publicité diffusée par la télévision (14) et la publicité électronique (15). La directive 89/552 prévoit, notamment, que la publicité télévisée et le téléachat ne doivent pas encourager des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité (16). Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, la publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale dans l’État membre de la compétence duquel relève l’organisme de radiodiffusion télévisuelle est interdite. Selon l’article 14, paragraphe 2, de ladite directive, le téléachat concernant des médicaments faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché ainsi que le téléachat concernant des traitements médicaux sont interdits. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/552, les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées dans les domaines couverts par celle‑ci.

II – Les faits du litige au principal

24. M. Doulamis exploite un laboratoire et une clinique dentaires dans la commune de Saint‑Gilles, dans la...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Criminal proceedings against Ioannis Doulamis.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 March 2008
    ...C-446/05 Procédure contre Ioannis Doulamis (demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal de première instance de Bruxelles) «Article 81 CE, lu en combinaison avec l’article 10 CE — Législation nationale interdisant la publicité en matière de prestations de soins dentaires» ......
1 cases
  • Criminal proceedings against Ioannis Doulamis.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 March 2008
    ...C-446/05 Procédure contre Ioannis Doulamis (demande de décision préjudicielle, introduite par le tribunal de première instance de Bruxelles) «Article 81 CE, lu en combinaison avec l’article 10 CE — Législation nationale interdisant la publicité en matière de prestations de soins dentaires» ......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT