Teresa Mascellani v Ministero della Giustizia.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:479
Docket NumberC-221/13
Celex Number62013CC0221
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 May 2014
62013CC0221

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 22 mai 2014 ( 1 )

Affaire C‑221/13

Teresa Mascellani

contre

Ministero della Giustizia

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale ordinario di Trento (Italie)]

«Politique sociale — Directive 97/81/CE — Accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES — Transformation d’un contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein contre la volonté du travailleur»

1.

La directive 97/81/CE ( 2 ) fait-elle obstacle à ce qu’un État membre prévoie des dispositions autorisant un employeur à modifier unilatéralement un contrat de travail, obligeant ainsi le travailleur à passer, contre sa volonté, d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein? Telle est, en substance, la question sur laquelle la Cour est appelée à statuer en l’espèce.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

2.

La directive 97/81 incorpore au droit de l’Union l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (ci-après l’«accord‑cadre»). L’accord-cadre figure en tant que tel à l’annexe de la directive 97/81.

3.

Comme le rappelle le considérant 5 de la directive 97/81, les conclusions du Conseil européen d’Essen ont souligné la nécessité de prendre des mesures pour promouvoir l’emploi et l’égalité des chances des femmes et des hommes et appelé à prendre des mesures visant une augmentation de l’intensité en emploi de la croissance, en particulier par une organisation plus souple du travail, qui répondent tant aux souhaits des travailleurs qu’aux exigences de la concurrence.

4.

Aux termes du considérant 11 de la directive 97/81:

«[…] les parties signataires ont souhaité conclure un accord-cadre sur le travail à temps partiel énonçant les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à temps partiel; […] ils ont manifesté leur volonté d’établir un cadre général pour l’élimination des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et de contribuer au développement des possibilités de travail à temps partiel sur une base acceptable pour les employeurs et pour les travailleurs».

5.

Le deuxième considérant de l’accord-cadre est ainsi libellé:

«Reconnaissant la diversité des situations dans les États membres et que le travail à temps partiel est une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs et activités, le présent accord[-cadre] énonce les principes généraux et prescriptions minimales relatifs au travail à temps partiel. Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour l’élimination des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et de contribuer au développement des possibilités de travail à temps partiel sur une base acceptable pour les employeurs et pour les travailleurs.»

6.

Aux termes de la cinquième considération générale de l’accord-cadre, les parties au présent accord attachent de l’importance aux mesures qui faciliteraient l’accès au travail à temps partiel pour les hommes et les femmes en vue de préparer la retraite, de concilier la vie professionnelle et la vie familiale et de profiter des possibilités d’éducation et de formation pour améliorer leurs compétences et leur progression professionnelle, dans l’intérêt mutuel des employeurs et des travailleurs et d’une manière qui favorise le développement des entreprises.

7.

La clause 1 de l’accord-cadre, intitulée «Objet», est libellée comme suit:

«Le présent accord-cadre a pour objet:

a)

d’assurer la suppression des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et d’améliorer la qualité du travail à temps partiel;

b)

de faciliter le développement du travail à temps partiel sur une base volontaire et de contribuer à l’organisation flexible du temps de travail d’une manière qui tienne compte des besoins des employeurs et des travailleurs».

8.

La clause 3, point 2, de l’accord-cadre, intitulée «Définitions», définit l’expression «travailleur à temps plein comparable». Cette expression désigne un salarié à temps plein du même établissement ayant le même type de contrat ou de relation de travail et un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte d’autres considérations pouvant inclure l’ancienneté et les qualifications/compétences. La clause 3, point 2, précise que, lorsqu’il n’existe aucun travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou pratiques nationales.

9.

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre, intitulée «Principe de non-discrimination», dispose:

«[p]our ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives».

10.

La clause 5 de l’accord-cadre, intitulée «Possibilités de travail à temps partiel», prévoit:

«1.

[d]ans le contexte de la clause 1 du présent accord et du principe de non-discrimination entre travailleurs à temps partiel et à temps plein:

a)

les États membres, après consultation des partenaires sociaux conformément aux législations ou pratiques nationales, devraient identifier et examiner les obstacles de nature juridique ou administrative qui peuvent limiter les possibilités de travail à temps partiel et, le cas échéant, les éliminer;

b)

les partenaires sociaux, agissant dans leur domaine de compétence et au travers des procédures prévues dans les conventions collectives, devraient identifier et examiner les obstacles qui peuvent limiter les possibilités de travail à temps partiel et, le cas échéant, les éliminer.

2.

Le refus d’un travailleur d’être transféré d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel, ou vice versa, ne devrait pas en tant que tel constituer un motif valable de licenciement, sans préjudice de la possibilité de procéder, conformément aux législations, conventions collectives et pratiques nationales, à des licenciements pour d’autres raisons telles que celles qui peuvent résulter des nécessités du fonctionnement de l’établissement considéré.

3.

Autant que possible, les employeurs devraient prendre en considération:

a)

les demandes de transfert des travailleurs à temps plein à un travail à temps partiel qui devient disponible dans l’établissement;

[…]

d)

les mesures visant à faciliter l’accès au travail à temps partiel à tous les niveaux de l’entreprise, y compris les postes qualifiés et les postes de direction, et, dans les cas appropriés, les mesures visant à faciliter l’accès des travailleurs à temps partiel à la formation professionnelle pour favoriser la progression et la mobilité professionnelles;

[…]»

11.

La clause 6 de l’accord-cadre, intitulée «Dispositions sur la mise en œuvre», énonce certaines règles. En vertu de son point 1, les États membres peuvent introduire des dispositions plus favorables que celles prévues dans l’accord-cadre. En outre, le point 2 prévoit:

«[l]a mise en œuvre des dispositions du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord, et ceci sans préjudice du droit des États membres […] de développer, eu égard à l’évolution de la situation, des dispositions législatives, réglementaires ou contractuelles différentes, et sans préjudice de l’application de la clause [5, point 1] pour autant que le principe de non-discrimination visé à la clause [4, point 1] soit respecté».

B – Le droit italien

12.

Conformément à l’article 16 de la loi italienne no 183, du 4 novembre 2010 ( 3 ) (ci-après la «loi no 183/2010»), certaines administrations publiques ont la faculté, au stade de la première application des dispositions introduites par le décret-loi no 112, du 25 juin 2008 (ci-après le «décret-loi no 112/2008») ( 4 ), de réévaluer les décisions octroyant la transformation de contrats de travail à temps plein en contrats de travail à temps partiel lorsque de telles décisions ont été adoptées avant l’entrée en vigueur du décret-loi no 112/2008. Ces réévaluations doivent être faites dans un délai de 180 jours à compter de la date d’entrée en vigueur de l’article 16 de la loi no 183/2010, dans le respect des principes d’équité et de bonne foi.

13.

La direction de la fonction publique italienne a adopté une circulaire ministérielle fournissant des indications et des orientations sur l’application, notamment, de l’article 16 de la loi no 183/2010 ( 5 ). Aux termes de la circulaire, cette disposition se justifie par les limites budgétaires plus strictes qui s’appliquent dans le contexte de la crise financière mondiale. La circulaire précise également que le pouvoir unilatéral accordé aux employeurs publics d’ordonner à un employé de revenir à un emploi à temps plein doit être considéré comme exceptionnel et doit s’exercer dans les limites mentionnées au point 12 des présentes conclusions.

14.

L’interprétation de l’article 16 de la loi no 183/2010, telle qu’énoncée dans cette circulaire ministérielle, a été confirmée depuis lors par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) ( 6 ).

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal...

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