Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:403
Docket NumberC-110/94
Celex Number61994CC0110
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 November 1995
61994C0110

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 23 novembre 1995 ( *1 )

A — Introduction

1.

Dans la présente affaire, le Rechtbank van eerste aanleg te Brugge sollicite l'interprétation par la Cour de la notion d'« activité économique » au sens de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (ci-après la « sixième directive TVA ») ( 1 ). Le litige au principal oppose l'Inzo (Intercommunale voor zeewaterontzilting), société anonyme en liquidation, à l'État belge. L'Inzo a été fondée, entre autres, en 1974 par les provinces de Flandre-Occidentale et de Flandre-Orientale et un certain nombre de communes côtières en vue de développer et d'exploiter des procédés relatifs au traitement de l'eau de mer et de l'eau saumâtre et de transformer ces eaux en eau potable en vue de leur distribution. L'Inzo a ensuite ouvert un bureau et conclu plusieurs emprunts ainsi qu'un contrat avec la ville d'Ostende portant sur un terrain pour la construction d'une installation de dessalement d'eau. Elle a surtout fait réaliser à partir de 1976 une étude de rentabilité.

2.

La société a été enregistrée par les autorités fiscales belges comme assujettie et elle a fait valoir un droit à une déduction en amont pour les activités précitées d'un montant de 4913001 BFR pour la période de 1978 à 1982. Cette déduction a été acceptée par l'administration fiscale.

3.

Après que cette étude eut montré de nombreux problèmes de rentabilité et que quelques investisseurs se furent retirés, l'assemblée générale du 27 mai 1988 a décidé la dissolution anticipée de la société. La commercialisation prévue n'était par conséquent plus possible.

4.

L'administration fiscale avait déjà constaté en 1983, dans le cadre d'un contrôle fiscal, que l'Inzo n'avait jusqu'à cette date pas fait la preuve qu'elle avait réalisé des opérations imposables. Elle a donc réclamé la restitution de la TVA récupérée par la société dans le cadre de son droit à déduction. L'administration fiscale d'Ostende a délivré une contrainte datée du 3 février 1992, déclarée exécutoire le 14 février 1992, à laquelle l'Inzo a fait opposition. L'administration a réclamé la restitution d'un montant de 4913001 BFR, majoré de 736500 BFR d'amende et d'intérêts moratoires, au motif que la demanderesse n'avait pas droit à déduction puisque l'Inzo n'était pas un assujetti au sens de la législation sur la TVA. Selon la juridiction nationale, il est nécessaire de déférer à la Cour, conformément à l'article 177 du traité CE, une question relative à l'interprétation de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive TVA. Ces paragraphes sont libellés comme suit:

« 1.

Est considéré comme assujetti quiconque accomplit d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.

Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5.

La disposition de la sixième directive TVA, pertinente ici, relative au droit à déduction est rédigée comme suit:

« Article 17

Naissance et étendue du droit à déduction

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)

la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

... »

6.

La juridiction nationale a donc déféré la question suivante à la Cour de justice en vue d'obtenir une décision à titre préjudiciel:

« Dans la mesure où l'activité concrète d'une société constituée avec un objet social bien déterminé (‘la recherche, l'étude, l'installation, l'exploitation et la promotion de tous procédés destinés à traiter, capter et vendre de l'eau de mer et de l'eau saumâtre’) s'est bornée à la commande et au paiement d'une vaste étude de rentabilité relative au procédé à développer, laquelle a démontré la nonrentabilité de celui-ci et a, du même coup, entraîné la liquidation de la société, cette activité doit-elle être considérée comme une activité économique au sens de l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive TVA du 17 mai 1977? »

B — Analyse

7.

Il n'est pas contesté que l'Inzo n'a jamais débuté l'activité économique qu'elle avait l'intention d'avoir et qu'elle n'a par conséquent jamais réalisé d'opérations imposables. L'administration fiscale nationale a certes enregistré la société comme assujettie et lui a accordé le droit de procéder à des déductions; l'Inzo s'est toutefois contentée de faire réaliser une étude de rentabilité et n'a procédé par ailleurs qu'à d'autres actes préparatoires. C'est sur ce point que réside la différence essentielle entre la présente affaire et les autres affaires sur lesquelles la Cour a statué jusqu'à présent.

8.

Dans l'arrêt Rompelman ( 2 ), cité dans tous les mémoires présentés dans la présente affaire, il s'agissait, par exemple, de la question de savoir si un acte préparatoire peut être imputé sur une opération économique ultérieure et, si tel est le cas, dans quelles conditions, avec la conséquence que l'opérateur peut être considéré comme assujetti avec droit à déduction. Cela signifie que, au moment où la Cour a rendu son arrêt, l'activité économique avait déjà débuté. La Cour a donc tranché a posteriori la question de savoir si un acte devait être considéré comme un acte préparatoire à une activité économique. La Cour a indiqué dans les motifs de l'arrêt qu'une activité économique au sens de l'article 4 de la directive peut consister en plusieurs actes consécutifs, les activités préparatoires devant être imputées sur les activités économiques ( 3 ). Cela signifie cependant que les actes préparatoires ne sont pas encore par eux-mêmes une activité économique, mais sont à traiter comme tels.

9.

Dans la présente affaire, il ne s'agit pas en premier lieu de la question de savoir si une activité doit être imputée en tant qu'activité préparatoire à une activité économique ultérieure, mais de la question de savoir si une décision d'une administration nationale considérant un acte comme un acte préparatoire et l'opérateur comme un assujetti avec droit à déduction peut être annulée lorsqu'il est constaté que l'activité économique prévue n'a jamais débuté et qu'aucune opération imposable n'a été effectuée.

10.

De l'avis de la demanderesse, une telle annulation n'est pas possible. Elle fait valoir que ses activités doivent être considérées, en application de la jurisprudence Rompelman comme activités préparatoires et, partant, comme activités économiques. Selon la demanderesse, le fait que cette activité économique n'a jamais débuté pour des raisons qu'elle n'a pas à justifier ne joue à cet égard aucun rôle. L'Inzo estime qu'elle doit être considérée comme assujettie du fait qu'elle a effectué l'activité préparatoire en cause et que cette qualité ne saurait lui être contestée ultérieurement. La demanderesse se réfère à cet égard à l'arrêt Rompelman, selon lequel le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée garantit la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités ( 4 ).

11.

La jurisprudence dans l'affaire Rompelman ne saurait, selon nous, être appliquée telle quelle à la présente affaire. Dans l'affaire Rompelman, il était clair que l'activité économique avait débuté. La Cour a jugé a posteriori la situation existant à l'époque à laquelle les activités préparatoires ont été réalisées en sachant qu'elles avaient débuté. Elle s'est prononcée à cet égard certes en ce sens qu'il y a lieu de traiter tout opérateur économique de la même manière pour des motifs de neutralité fiscale, et également en ce qui concerne les actes préparatoires. Il n'est pas justifié de dénier à un opérateur économique la qualité d'assujetti jusqu'au moment où l'activité économique débute réellement et, partant, de ne pas lui accorder de droit à déduction pour les activités préparatoires. On ne peut pas, par exemple, distinguer arbitrairement entre les dépenses d'investissement antérieures à ou concomitantes de l'activité économique. Même si une déduction était accordée, mais qu'elle ne l'était qu'au moment où l'activité...

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