Fratelli Pardini SpA v Ministero del Commercio con l'Estero and Banca Toscana (Lucca branch).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1987:495
Docket Number338/85
Celex Number61985CC0338
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 November 1987
EUR-Lex - 61985C0338 - FR 61985C0338

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 18 novembre 1987. - Fratelli Pardini SpA contre Ministero del commercio con l'estero et Banca toscana (filiale di Lucca). - Demande de décision préjudicielle: Pretura di Lucca - Italie. - Annulation de la fixation à l'avance de montants compensatoires monétaires. - Affaire 338/85.

Recueil de jurisprudence 1988 page 02041


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les questions qui vous ont été déférées par le Pretore di Lucca à l' occasion du différend qui oppose la société Pardini au ministre italien du Commerce extérieur et à la Banca toscana s' articulent autour de deux thèmes dont l' importance de principe vous est connue : la légalité de l' adoption de mesures d' application rétroactives, la signification et la portée du principe de confiance légitime . S' il est vrai que votre jurisprudence permet déjà de dégager une certaine orientation à cet égard, il n' en demeure pas moins que l' affaire dont vous êtes saisis présente des particularités qui en accentuent la difficulté .

I - Sur la compétence

2 . L' examen au fond de cette affaire comporte un préalable processuel . Comme vous le savez, la Commission a exprimé, initialement, dans ses observations écrites, de sérieux doutes quant à la recevabilité de la présente demande, et vous avez estimé nécessaire d' interroger le gouvernement italien sur certains aspects relatifs à la procédure d' urgence, prévue par l' article 700 du code de procédure civile italien, dans le cadre de laquelle le Pretore vous a saisis . En même temps, tant le gouvernement italien que la requérante au principal ont été invités à prendre position sur le noeud du problème, à savoir la compétence de votre Cour - notion qui nous paraît plus exacte que celle de recevabilité de la demande - pour répondre, en vertu de l' article 177 du traité, aux questions posées par une juridiction nationale dès lors que cette dernière estime qu' une décision préjudicielle est nécessaire pour rendre son jugement .

3 . Si les réponses fournies à vos questions ont bien clarifié le stade processuel actuel de l' affaire au principal et nous ont éclairé sur le déroulement de la procédure d' urgence en droit italien, et alors même que la Commission a, à l' audience, rétracté, pour l' essentiel, pour s' en remettre à la sagesse de votre Cour, les objections par elle formulées à cet égard, nous devons dire que nos propres doutes n' ont pas, pour autant, été entièrement dissipés . En effet, l' exposé des traits essentiels de la procédure interne à l' occasion de laquelle vous étiez saisis laisse encore planer quelque incertitude quant à votre compétence .

4 . Si vous avez déjà eu, à plusieurs reprises, l' occasion de vous pencher sur l' interprétation de l' article 177 lui-même, vous n' avez pas encore considéré, à notre connaissance, l' aspect particulier qui se présente aujourd' hui . La lettre de cet article et, incontestablement, l' esprit qui l' anime conduisent, naturellement, à répondre aux questions d' interprétation et de validité du droit communautaire posées par une juridiction nationale dès lors que la réponse de la Cour doit servir au juge de renvoi, lui-même appelé à trancher un litige . Or, dans le cas présent, la décision de renvoi est une ordonnance, prescrivant des mesures provisoires, rendue inaudita altera parte par le juge a quo qui vous interroge à la requête expresse de la société Pardini, dont la demande présentée de ce chef est fondée sur la nécessité de fournir au juge du fond - qui n' est pas le Pretore statuant au provisoire et dont il n' est pas certain qu' il soit saisi - les éléments de droit communautaire par elle estimés nécessaires à la solution du litige . C' est cette circonstance inhabituelle qui nous oblige à formuler quelques considérations d' ordre général sur l' admissibilité d' une demande de décision préjudicielle telle que la présente .

5 . Relevons-le à titre préliminaire : ici, la décision de renvoi a été prise en violation, semble-t-il, du code de procédure civile italien, qui l' aurait obligé à fixer une date pour la comparution des parties devant lui afin de confirmer, modifier ou rétracter contradictoirement la mesure d' urgence accordée de façon unilatérale . Mais il apparaît que la Cour de cassation italienne considère qu' une telle irrégularité n' entache pas l' ordonnance et que le Pretore reste toujours en droit de convoquer les parties tant que la procédure au fond n' est pas engagée .

6 . Mais l' irrégularité de la procédure nationale ne saurait avoir incidence sur votre saisine . En effet, vous avez jugé dans votre arrêt Reina ( 1 ) qu' il ne vous appartient pas de vérifier si la décision de vous saisir a été prise conformément aux règles d' organisation et de procédure judiciaires du droit interne .

7 . Plus important est ce qui suit . En effet, c' est nécessairement le juge appelé à trancher le litige qui est seul habilité à vous saisir . Cette exigence résulte, en premier lieu, de la lettre même de l' article 177 . S' agissant de juridictions dont les décisions sont susceptibles de recours de droit interne, il est expressément précisé que c' est pour rendre son jugement qu' une telle juridiction peut vous saisir préjudiciellement . Cet impératif est le corollaire de la large autonomie reconnue à la juridiction de renvoi . Outre la décision sur l' opportunité de la saisine, le choix de son moment, la pertinence et la formulation de la question, qui appartient, seule, au juge de renvoi, cette autonomie se rencontre non seulement vis-à-vis des parties au principal, mais aussi à l' égard des juridictions supérieures . Aucune de vos décisions ne l' illustre mieux que l' arrêt Rheinmoehlen ( 2 ), où, après avoir rappelé que les juridictions nationales visées à l' article 177, alinéa 2,

" ont la faculté la plus étendue de saisir la Cour de justice si elles considèrent qu' une affaire pendante devant elles soulève des questions comportant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit communautaire nécessitant une décision de leur part",

vous avez déclaré

" qu' il résulte de ces considérations qu' une règle de droit national, liant les juridictions ne statuant pas en dernière instance à des appréciations portées en droit par la juridiction supérieure, ne saurait enlever à ces juridictions la faculté de saisir la Cour de justice de questions d' interprétation du droit communautaire concerné par de telles appréciations en droit ".

En d' autres termes, une juridiction nationale ne saurait être privée, par une décision d' une juridiction supérieure qui réforme ou casse la décision de renvoi, du droit de vous saisir .

8 . Cette autonomie des juridictions internes a sa contrepartie, à savoir qu' aucune d' elles ne devrait être contrainte à recevoir une réponse à une question préjudicielle qu' elle n' aurait pas elle-même formulée .

9 . Nul ne conteste que le recours préjudiciel postule la prise en considération de votre arrêt, en premier lieu, par le juge de renvoi lui-même . C' est cette idée qui vous a conduits à affirmer, par exemple dans l' affaire Irish Creamery ( 3 ), devant un argument tendant à contester la recevabilité de la demande préjudicielle en raison de son caractère prétendument prématuré, que, puisque le juge de renvoi "doit assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir", c' est à lui qu' il revient de décider du moment opportun et du stade de la procédure auxquels il convient de vous saisir . Cette même idée vous a servi, dans vos arrêts Damiani ( 4 ) et Moser ( 5 ), à expliquer que c' est pour cette même raison qu' il lui incombe d' apprécier la pertinence des questions soulevées et la nécessité d' une décision préjudicielle "pour être en mesure de rendre son jugement" ( 6 ). Vous venez de rappeler cette jurisprudence dans votre récent arrêt Pretore de Salo ( 7 ), dans lequel vous vous référez, par ailleurs, comme dans votre ordonnance du 5 mars 1986 dans l' affaire Woensche ( 8 ), au "juge national destinataire" de l' arrêt préjudiciel .

10 . Tout concourt donc à démontrer que seul le juge qui aurait à rendre un jugement à la suite de votre arrêt préjudiciel peut vous solliciter au titre de l' article 177 . Les protagonistes dans ce dialogue entre juges sont une juridiction nationale saisie d' un litige concret et la Cour de justice, invitée, à l' occasion de ce litige, à apporter les éléments de droit communautaire nécessaires à sa solution, même si, par l' autorité des arrêts, la réponse préjudicielle aura des répercussions au-delà de l' affaire à propos de laquelle elle a été formulée .

11 . Certes, l' autorité des arrêts préjudiciels implique que les juridictions d' appel et de cassation sont liées par les décisions préjudicielles rendues à la demande du juge de première instance . Mais, dans une telle hypothèse, le juge de renvoi aura bel et bien rendu son jugement à la suite et en conséquence de votre arrêt, et c' est par le biais de voies de recours nationales que les juridictions supérieures rencontrent celui-ci . Dans cette perspective, c' est la question de l' autorité des arrêts préjudiciels qui se pose, mais en des termes bien différents de ceux qui se présentent ici . D' ailleurs, conformément à votre jurisprudence, les juridictions nationales peuvent vous saisir à nouveau . Toujours à propos de l' autorité dans l' espace des arrêts préjudiciels, vous n' avez jamais directement explicité la position de juridictions nationales appelées à connaître d' une affaire qui avait donné lieu, en première instance, à un tel arrêt . Mais il n' est pas sans intérêt de noter que, à la différence du dispositif des arrêts au contentieux qui emploie la formule "la Cour déclare et arrête", celle consacrée dans les arrêts préjudiciels est "la Cour dit pour droit", ce qui traduit une conception objective de l'...

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