Foreningen af danske Videogramdistributører, acting for Egmont Film A/S, Buena Vista Home Entertainment A/S, Scanbox Danmark A/S, Metronome Video A/S, Polygram Records A/S, Nordisk Film Video A/S, Irish Video A/S and Warner Home Video Inc. v Laserdisken.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:254
Docket NumberC-61/97
Celex Number61997CC0061
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 May 1998
EUR-Lex - 61997C0061 - FR 61997C0061

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 26 mai 1998. - Foreningen af danske Videogramdistributører, agissant pour Egmont Film A/S, Buena Vista Home Entertainment A/S, Scanbox Danmark A/S, Metronome Video A/S, Polygram Records A/S, Nordisk Film Video A/S, Irish Video A/S et Warner Home Video Inc. contre Laserdisken. - Demande de décision préjudicielle: Retten i Ålborg - Danemark. - Droit d'auteur et droits voisins - Location de vidéodisques. - Affaire C-61/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-05171


Conclusions de l'avocat général

I - Les faits et le contexte juridique de l'affaire au principal qui font l'objet de la présente demande de décision préjudicielle

1 Retten i Aalborg a demandé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité, de lui fournir les éléments d'interprétation qui lui sont nécessaires pour répondre aux questions suivantes:

«L'article 30, combiné avec l'article 36, ainsi que les articles 85 et 86 du traité CE [ci-après le `traité'] font-ils obstacle à ce qu'une personne, à qui le titulaire de droits exclusifs sur une oeuvre cinématographique a transféré un droit exclusif de production et de distribution de copies de cette oeuvre dans un État membre, puisse donner son accord à la location de ses propres produits et interdire simultanément la location de produits importés, mis sur le marché dans un autre État membre, où le titulaire des droits exclusifs de fabrication et de distribution de copies a transféré la propriété sur ces copies en acceptant tacitement que lesdites copies soient louées dans ce dernier État membre?

Compte tenu de l'entrée en vigueur de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle [ci-après la `directive' (1)), la même question est posée sur la base de la prémisse que cette directive est pertinente aux fins de la réponse.»

La Cour est ainsi appelée par le juge de renvoi à apporter une précision supplémentaire à la problématique relative au droit de location - entendu comme la faculté de mettre à disposition pour l'usage une création intellectuelle incorporée à un support matériel pour un temps limité -, droit entrant dans l'ensemble des facultés reconnues à quiconque est titulaire du droit d'auteur (2). Le principe de l'épuisement d'un droit à la suite de la première mise en circulation sur le territoire communautaire par la vente du produit sur lequel l'oeuvre protégée a été fixée n'est pas applicable au droit de la location. La Cour en a jugé ainsi dans l'arrêt Warner Brothers et Metronome Video (3), et cette solution a été ultérieurement consacrée sur le plan normatif par la directive. Dans l'arrêt qui vous a été demandé par Retten i Aalborg, vous devrez dire si une solution analogue s'impose lorsque même la première diffusion du support a eu lieu sous forme de location.

2 Les faits à l'origine de l'affaire au principal, tels qu'ils résultent de l'ordonnance de renvoi, peuvent être résumés dans les termes suivants. Laserdisken, la défenderesse dans la présente affaire, est une entreprise dont le siège est à Aalborg et qui distribue des oeuvres cinématographiques sur vidéodisques (c'est-à-dire sur des disques à lecture laser, laquelle garantit une grande fidélité de reproduction) (4). Laserdisken importait directement les vidéodisques du Royaume-Uni où ceux-ci étaient légalement produits par quelques sociétés, conformément à des accords de licence valides. Les produits en question n'étaient commercialisés au Danemark (et ne le sont pas encore aujourd'hui) ni directement par les titulaires du droit d'auteur sur les oeuvres en cause ni par des tiers avec leur consentement (de telles oeuvres sont par ailleurs disponibles en vidéocassettes, voir ci-après point 3). A partir de 1987, Laserdisken a commencé à proposer en location - en plus de la vente - des copies des vidéodisques importés. Par cette politique commerciale, l'entreprise se proposait de stimuler la vente des produits en cause qui, vu leur prix élevé (notamment par rapport à celui des mêmes oeuvres reproduites en vidéocassettes), sont principalement achetés par des consommateurs qui ont déjà visionné et apprécié l'oeuvre. Selon l'ordonnance de renvoi, les titulaires pour le Royaume-Uni des droits d'auteur sur les oeuvres reproduites sur les vidéodisques en cause auraient en fait toléré que ces oeuvres soient proposées en location sur le territoire britannique, après la première vente; et cela également en ce qui concerne les copies mises en vente après le 1er août 1989, date de l'entrée en vigueur du Copyright, Designs and Patents Act 1988 (loi britannique de 1988 relative à la propriété intellectuelle en matière de droit d'auteur, de modèles et de brevets), qui a institué un droit de location exclusif au bénéfice - pour ce qui intéresse le cas d'espèce - des producteurs d'oeuvres cinématographiques (voir les sections 16 à 18) (5). Ce point est cependant contesté par les demanderesses qui affirment n'avoir jamais autorisé, tacitement ou d'une autre manière, la mise en location de vidéodisques au Royaume-Uni ou dans un autre État membre (tout en concluant qu'une telle circonstance est dépourvue de pertinence aux fins d'apprécier si le droit exclusif de location sur le territoire danois est ou non épuisé: voir ci-après, point 4). La circonstance que Laserdisken a proposé les produits en cause en location au Danemark, sans en avoir acquis auparavant le droit auprès des demanderesses, n'est, à l'inverse, pas contestée.

3 En janvier 1992, Laserdisken a été attaquée en justice par Foreningen af danske Videogramdistributører (ci-après la «FDV»), l'association des producteurs danois de vidéogrammes, en vue de répondre de la violation de l'article 23, paragraphe 3, de la loi sur les droits d'auteur (6), selon lequel: «lorsqu'une oeuvre cinématographique est diffusée par vente au public, les copies vendues peuvent être remises en circulation. Elles ne peuvent toutefois, sans l'accord de l'auteur, faire l'objet d'une nouvelle diffusion au public par prêt ou location» (traduction libre). La FDV agit au nom de huit sociétés (7), qui avaient respectivement acquis pour le territoire danois des licences portant sur les droits exclusifs de production et de distribution, sous toute forme existante (y compris, par conséquent, en vidéodisques), des copies doublées en danois de la plus grande partie des oeuvres cinématographiques que Laserdisken distribuait sous forme de vidéodisques. Le juge de renvoi a relevé que les sociétés demanderesses proposaient en location sur le marché danois les oeuvres en cause en vidéocassettes (c'est-à-dire fixées sur un support matériel différent). Selon les observations présentées à la Cour par Warner, c'était la FDV qui négociait pour le compte de ses adhérents les termes de la vente aux revendeurs au détail des vidéocassettes pour lesquelles ces sociétés avaient acquis des droits d'auteur. Les contrats uniformes conclus par la FDV avec les différents revendeurs incluaient des clauses spécifiques restrictives de la faculté de distribution moyennant une mise en location et une interdiction expresse de locations «en chaîne». Par mesure provisoire prise par le fogedret en février 1992, confirmée en appel par le Vestre Landsret au cours du mois de septembre de la même année, il a été interdit à Laserdisken de continuer à proposer en location les produits en cause et ordonné à FDV de verser une garantie de 1 000 000 DKR pour les dommages qui pourraient résulter de l'interdiction mentionnée. C'est précisément dans le cadre du jugement de confirmation de la mesure en question que Retten i Aalborg a adressé à la Cour la présente demande de décision préjudicielle.

II - Les arguments présentés par les parties

4 La FDV et les sociétés au nom desquelles elle agit font observer, en se référant à l'arrêt de la Cour dans l'affaire Warner Brothers et Metronome Video, que la loi danoise qui protège les droits d'auteur qu'elles invoquent en l'espèce ne vise pas à faire obstacle ou à limiter les importations de vidéodisques du Royaume Uni aux fins de la revente au Danemark. Par ailleurs, selon les demanderesses, en dépit du fait que les flux commerciaux transfrontières des supports audiovisuels en cause sont soumis à l'application des règles du traité sur la libre circulation des marchandises, tout acte servant à l'exercice du droit de location doit être assimilé - ce qui n'est pas différent de ce qui est le cas pour le droit de représentation publique - à une prestation de services et constitue une forme d'exploitation de l'oeuvre protégée, tout à fait distincte de l'acte de vente de son support matériel. Le droit de contrôler l'ensemble des possibilités de location des copies vendues relève de l'objet spécifique du droit d'auteur, dont la protection peut, par principe, être de nature à justifier, conformément à l'article 36 du traité, des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives, qui sinon seraient incompatibles avec l'article 30 du même traité (8). Selon la FDV et les sociétés au nom desquelles elle agit, le droit de location n'est donc, en raison de sa nature, soumis ni sur le plan national ni sur le plan communautaire au principe de l'épuisement du droit lors de la première mise en circulation du support matériel: la question de savoir si cette première mise sur le marché a eu lieu sous forme de vente ou sous forme de location est dépourvue de pertinence à cet égard. Il en résulte que - indépendamment du fait que les produits visés aient été importés, et même si l'on entendait admettre qu'ils ont été proposés en location au Royaume-Uni avec le consentement tacite du titulaire du droit en cause - Laserdisken les a en tout état de cause proposés en location au Danemark sans en avoir acquis le droit, de manière expresse ou tacite, auprès...

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