Office national de l'emploi v Marie-Rose Melchior.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2301
Date16 October 2014
Celex Number62013CC0647
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-647/13
62013CC0647

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 16 octobre 2014 ( 1 )

Affaire C‑647/13

Office national de l’emploi

contre

Marie-Rose Melchior

[demande de décision préjudicielle formée par la cour du travail de Bruxelles (Belgique)]

«Accès aux allocations de chômage dans un État membre — Prise en compte des périodes de travail effectuées comme agent contractuel au service d’une institution de l’Union — Assimilation de la période de chômage dans les institutions européennes à une période de travail — Principe de coopération loyale»

1.

La demande de décision préjudicielle objet de la présente affaire porte sur l’interprétation du principe de coopération loyale et de l’article 34, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»). Elle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Melchior à l’Office national de l’emploi (ci-après l’«ONEM») au sujet du refus de ce dernier de lui octroyer le bénéfice d’allocations de chômage.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

2.

Aux termes de l’article 96, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le «RAA»), l’ancien agent contractuel, se trouvant sans emploi après la cessation de son service auprès d’une institution de l’Union, bénéficie, à certaines conditions, d’une allocation mensuelle de chômage. Le deuxième alinéa du même paragraphe prévoit que, lorsqu’il peut prétendre à une allocation de chômage au titre d’un régime national, l’ancien agent contractuel est tenu d’en faire la déclaration auprès de l’institution dont il relevait. Dans ce cas, le montant de cette allocation vient en déduction de celle versée par l’Union.

3.

Conformément au paragraphe 2 du même article, pour bénéficier de ladite allocation, l’ancien agent contractuel est, entre autres, tenu de s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de l’État membre où il établit sa résidence et doit remplir les obligations prévues par la législation de cet État membre incombant au titulaire de prestations de chômage au titre de cette législation. Le paragraphe 4 précise que l’allocation est versée à compter du jour de la cessation du service pour une période maximale de 36 mois et, en tout cas, n’excédant pas le tiers de la durée effective du service accompli. Le versement peut être interrompu si, au cours de cette période, l’ancien agent contractuel cesse de remplir les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2. L’allocation est de nouveau versée si, avant l’expiration de cette période, l’ancien agent contractuel remplit à nouveau lesdites conditions sans avoir acquis le droit à une allocation de chômage national.

4.

Aux termes de l’article 96, paragraphe 7, tout agent contractuel contribue pour un tiers au financement du régime d’assurance contre le chômage. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé et versée, augmentée des deux tiers restant à charge de l’institution, à un Fonds spécial de chômage commun aux institutions et géré par la Commission européenne.

5.

Conformément au paragraphe 9 du même article, «[l]es services nationaux compétents en matière d’emploi et de chômage, agissant dans le cadre de leur législation nationale, et la Commission assurent une coopération efficace afin d’assurer une bonne application du présent article».

B – Le droit national

6.

L’arrêté royal, du 25 novembre 1991, portant réglementation du chômage (Moniteur belge du 31 décembre 1991, p. 29888, ci-après l’«arrêté royal»), dans sa version applicable à l’époque des faits du litige au principal, prévoit, à son article 30, que, pour être admis au bénéfice des allocations de chômage, le travailleur à temps plein de plus de 50 ans doit accomplir un stage comportant 624 journées de travail au cours des 36 mois précédant la demande d’allocations.

7.

Aux termes de l’article 37, paragraphe 1, de l’arrêté royal:

«[...] sont prises en considération comme prestations de travail, le travail effectif normal et les prestations supplémentaires sans repos compensatoire, effectuées dans une profession ou une entreprise assujetties à la sécurité sociale, secteur chômage, pour lesquelles simultanément:

[…]

ont été opérées sur la rémunération payée, les retenues réglementaires pour la sécurité sociale, y compris celles pour le secteur chômage.

[...]»

8.

L’article 37, paragraphe 2, premier alinéa, de l’arrêté royal dispose:

«Le travail effectué à l’étranger est pris en considération s’il l’a été dans un emploi qui donnerait lieu en Belgique à des retenues pour la sécurité sociale, y compris celles pour le secteur chômage.

L’alinéa 1er ne vaut toutefois que si le travailleur a, après le travail effectué à l’étranger, accompli des périodes de travail comme salarié en vertu de la réglementation belge.»

Selon l’article 38, paragraphe 1, sous 1°, a), de l’arrêté royal, sont assimilées à des journées de travail pour l’application des articles 30 et suivants dudit arrêté les journées qui ont donné lieu au paiement d’une indemnité en application de la législation relative à l’assurance chômage.

II – Les faits du litige au principal et la question préjudicielle

9.

Il ressort de la décision de renvoi que Mme Melchior, de nationalité belge, a occupé différents emplois en qualité de travailleur salarié en Belgique avant de travailler à la Commission à Bruxelles, du 1er mars 2005 au 29 février 2008, en qualité d’agent contractuel.

10.

Par décision du 5 mars 2008, l’ONEM lui a refusé le bénéfice des allocations de chômage, qu’elle avait sollicité le 1er mars 2008, au motif qu’elle ne justifiait pas avoir accompli 624 journées de travail au cours des 36 mois précédant sa demande, cet organisme ne prenant pas en compte la période pendant laquelle l’intéressée a travaillé à la Commission. Il a néanmoins prolongé la période de référence à concurrence de la durée de cette période.

11.

Après avoir obtenu le bénéfice de l’allocation de chômage prévue par le RAA pour une durée de 12 mois à partir du 1er mars 2008 et occupé divers emplois en Belgique entre le 20 août 2008 et le 13 juillet 2009, Mme Melchior a, le 14 juillet 2009, introduit une nouvelle demande d’allocations de chômage qui a été rejetée par l’ONEM le 26 août 2009 au motif, encore, qu’elle ne prouvait pas avoir accompli 624 journées de travail au cours des 36 mois précédant ladite demande, à savoir au cours de la période allant du 14 juillet 2006 au 13 juillet 2009. Dans son calcul, l’ONEM a refusé, d’une part, de prendre en compte la période d’activité au service de la Commission et, d’autre part, d’assimiler, sur la base de l’article 38, paragraphe 1, sous 1, a), de l’arrêté royal, la période de chômage indemnisée au titre du RAA à une période de travail.

12.

Mme Melchior a contesté la décision de l’ONEM du 26 août 2009 devant le tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 14 février 2012, a annulé ladite décision, déclaré l’intéressée admissible au bénéfice des allocations de chômage à compter du 14 juillet 2009 et condamné l’ONEM au paiement des allocations de chômage échues à compter de cette date.

13.

L’ONEM a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Bruxelles, à laquelle elle demande de réformer celui-ci et de rétablir la décision du 26 août 2009. Nourrissant des doutes quant à la compatibilité avec le droit de l’Union des articles 37 et 38, paragraphe 1, sous 1°, a), de l’arrêté royal, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le principe de coopération loyale et l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’une part, l’article 34, paragraphe 1, de la [Charte], d’autre part, s’opposent-ils à ce que, pour l’admissibilité au bénéfice des allocations de chômage, un État membre refuse:

de prendre en compte des périodes de travail effectuées comme agent contractuel au service d’une institution de l’Union européenne établie dans cet État membre, en particulier lorsque, tant avant qu’après la période d’occupation comme agent contractuel, des prestations ont été accomplies comme travailleur salarié en vertu de la réglementation dudit État membre;

d’assimiler les journées de chômage indemnisées dans le cadre du [RAA] à des journées de travail alors que les journées de chômage indemnisées conformément à la réglementation dudit État membre bénéficient d’une telle assimilation?»

III – Analyse

A – Observations liminaires

14.

Il convient, à titre liminaire, d’une part, de rechercher si la situation de la requérante tombe dans le champ d’application des dispositions du droit primaire ou dérivé en matière de libre circulation des travailleurs et, d’autre part, de prendre position sur l’argumentation avancée par la Commission dans ses observations, tirée du caractère réglementaire du RAA et de son application directe aux faits de la procédure au principal.

1. Sur l’application du droit primaire ou du droit dérivé en matière de libre circulation des travailleurs à la situation de la requérante au principal

15.

Selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire de l’Union européenne ‐ auquel doit être assimilé un agent contractuel relevant du RAA ‐ a la qualité de travailleur au sens de l’article 45, paragraphe 1, TFUE à condition qu’il ait fait usage de son droit à la libre circulation ( 2 ). À cet égard, la Cour a précisé que la période d’activité dans un service public international, tel celui de l’Union européenne, ne peut pas être assimilée à une période accomplie dans le service public d’un autre État...

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