Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:183
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-389/05
Date03 April 2008
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - fondé
Celex Number62005CC0389

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 3 avril 2008 (1)

Affaire C‑389/05

Commission des Communautés européennes

contre

République française

«Manquement d’État – Articles 43 CE et 49 CE – Liberté d’établissement et libre prestation des services – Réglementation nationale conférant à des centres agréés le droit exclusif de prester le service d’insémination artificielle des bovins sur un territoire donné et subordonnant la délivrance des licences d’inséminateur à la conclusion d’une convention avec un de ces centres»





I – Introduction

1. Par la présente procédure, ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 226 CE par la Commission des Communautés européennes à l’encontre de la République française, la Cour est, une fois encore, appelée à examiner, à la lumière du droit communautaire, le régime juridique français relatif à l’insémination artificielle des bovins, caractérisé, en particulier, par un monopole de services conféré sur une base régionale à des centres agréés quant à l’activité d’insémination des femelles de cette espèce (2).

2. La Cour, après avoir déjà eu l’occasion d’examiner ledit régime en relation avec l’article 37 du traité CE (devenu, après modification, article 31 CE), relatif aux monopoles commerciaux à caractère national (3), avec les dispositions combinées des articles 86 et 90, paragraphe 1, du traité CE (devenus articles 82 CE et 86, paragraphe 1, CE), en matière d’abus de position dominante par une entreprise titulaire de droits exclusifs (4), ainsi qu’avec les directives 77/504/CEE (5) et 87/328/CEE (6), concernant les bovins reproducteurs de race pure (7), doit maintenant l’examiner en relation avec les articles 43 CE et 49 CE, relatifs, respectivement, à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services (8). La Commission demande en effet à la Cour de constater que, en réservant l’exercice des activités liées à l’insémination artificielle des bovins aux seuls centres d’insémination agréés en France, l’État membre défendeur a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces derniers articles.

3. Au cours de la procédure, la République française a modifié le régime juridique contesté par la Commission, en supprimant les aspects qui font l’objet des griefs formulés par cette institution dans le cadre du présent recours. Le gouvernement français précise, cependant, que les modifications intervenues au niveau normatif visaient non pas à mettre l’ordre juridique interne en conformité avec les obligations découlant des articles 43 CE et 49 CE, mais simplement à l’adapter aux exigences du secteur, qui avaient changé. Selon ce gouvernement, le régime en vigueur antérieurement ne présentait pas les éléments d’incompatibilité avec le droit communautaire reprochés par la Commission.

4. La présente procédure vise donc à faire constater un manquement qui est contesté par l’État membre défendeur et qui, de toute façon, n’existe plus.

II – Réglementation nationale

5. Avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2007 – et donc au cours de la procédure – de la loi n° 2006‑11, du 5 janvier 2006 (9), d’orientation agricole, de l’ordonnance n° 2006‑1548 du président de la République, du 7 décembre 2006, relative à l’identification, au contrôle sanitaire des activités de reproduction, ainsi qu’à l’amélioration génétique des animaux d’élevage (10), et du décret n° 2006‑1662 du président de la République, du 21 décembre 2006, relatif à l’identification et à l’amélioration génétique des animaux (11) – mesures qui ont profondément modifié la réglementation française relative à l’insémination artificielle des animaux des espèces bovine, ovine, porcine et caprine –, en France, l’insémination artificielle des bovins était régie par la réglementation suivante:

– les articles L. 653‑1 à L. 653‑10 du code rural, codifiant, conformément à la loi n° 98‑565, du 8 juillet 1998 (12), les dispositions correspondantes déjà contenues dans la loi n° 66‑1005, du 28 décembre 1966, sur l’élevage (13), et abrogées par la loi n° 98‑565;

– les dispositions réglementaires d’application contenues dans les articles R.*653‑102 à R.*653‑114 du code rural, codifiant, conformément au décret n° 2003‑851 du Premier ministre, du 1er septembre 2003 (14), les dispositions correspondantes déjà contenues dans le décret n° 69‑258 du Premier ministre, du 22 mars 1969, relatif à l’insémination artificielle (15), abrogé par le décret n° 2003‑851;

– l’arrêté du ministre de l’Agriculture, du 17 avril 1969, relatif aux autorisations de fonctionnement des centres d’insémination artificielle (16), tel que modifié par l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 12 novembre 1969 (17), et par l’arrêté du ministre de l’Agriculture et de la Forêt, du 24 janvier 1989 (18);

– l’arrêté du ministre de l’Agriculture et de la Forêt, du 21 novembre 1991, relatif à la formation des inséminateurs et des chefs de centre et à l’attribution des licences correspondantes (19), tel que modifié par l’arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, du 30 mai 1997 (20);

– l’arrêté du ministre de l’Agriculture et de la Pêche, du 27 décembre 2000, relatif à la mise en place de la semence bovine par les éleveurs (21).

6. En vertu de cette réglementation, telle qu’elle résulte de la description qu’en a donnée le gouvernement français, l’exploitation des centres d’insémination artificielle des bovins est soumise à une autorisation ministérielle (article L. 653‑5 du code rural). Une distinction est faite entre les centres chargés de la production de la semence et les centres assurant la mise en place de celle‑ci, mais un même centre peut exercer ces deux types d’activité. Les activités de production consistent à entretenir un dépôt de reproducteurs mâles, à mettre les reproducteurs à l’épreuve sur la descendance, ainsi qu’à procéder à la récolte, au conditionnement, à la conservation et à la cession de la semence. Les activités de mise en place de la semence consistent à assurer l’insémination des femelles avec la semence fournie par les centres de production (article R.*653‑103 du code rural).

7. L’autorisation d’ouvrir et de faire fonctionner un centre d’insémination artificielle peut être accordée à des personnes physiques ou morales. Pour la délivrance de cette autorisation, aucune distinction n’est faite entre citoyens français et citoyens des autres États membres de la Communauté (article 1er de l’arrêté du 17 avril 1969, tel que modifié).

8. Chaque centre de mise en place de la semence dessert une zone qui est délimitée par l’autorisation et à l’intérieur de laquelle il est le seul habilité à intervenir. Les éleveurs se trouvant dans la zone d’action d’un centre de mise en place peuvent, cependant, demander à celui‑ci de leur fournir de la semence provenant de centres de production de leur choix (article L. 653‑7 du code rural).

9. Tout opérateur économique autre qu’un centre de mise en place qui importe des semences provenant d’un État membre de la Communauté européenne doit les livrer à un centre de mise en place ou de production agréé de son choix (article 10 de l’arrêté du 17 avril 1969, tel que modifié). La semence doit être conservée dans un dépôt placé sous la responsabilité d’un chef de centre titulaire d’une licence; en ce qui concerne les centres de mise en place, il peut s’agir d’un dépôt «principal» ou d’un des dépôts «annexes» répartis dans la zone assignée au centre de mise en place, qui peuvent aussi se trouver à l’intérieur d’une exploitation agricole (article 7 de l’arrêté du 17 avril 1969, tel que modifié). Pour des raisons sanitaires, la semence provenant d’un autre centre d’insémination artificielle autorisé ou d’un autre État membre ou importée directement d’un pays tiers doit, de toute façon, transiter par le dépôt principal d’un centre d’insémination artificielle: la semence est livrée, aux fins de stockage, au centre d’insémination artificielle qui la dirige vers le dépôt annexe destinataire (article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2000).

10. L’opération de mise en place de la semence ne peut être effectuée que par les titulaires d’une licence de chef de centre d’insémination artificielle ou d’inséminateur, sous l’autorité d’un centre de mise en place de la semence autorisé territorialement compétent et sous la responsabilité technique du chef de ce centre (articles L. 653‑4 et R.*653‑102 du code rural et article 1er de l’arrêté du 21 novembre 1991, tel que modifié) (22). La licence d’inséminateur est délivrée par le préfet sur présentation du certificat d’aptitude à la fonction d’inséminateur pour l’espèce concernée et d’une attestation du directeur du centre de mise en place autorisé territorialement compétent, certifiant que le demandeur est placé sous son autorité pour ce qui concerne les opérations de mise en place de la semence. Pour les agents n’ayant pas le statut de salarié du centre de mise en place, en particulier les docteurs vétérinaires d’exercice libéral, cette attestation est délivrée après la signature d’une convention entre le président du centre de mise en place et l’intéressé, convention qui doit préciser les conditions techniques, administratives et financières dans lesquelles ce dernier pratiquera l’insémination conformément à la législation en vigueur (article 2 de l’arrêté du 21 novembre 1991, tel que modifié).

11. Les mesures adoptées par les autorités françaises en 2006 ont profondément modifié le cadre juridique susmentionné à compter du 1er janvier 2007. En particulier, le régime d’exclusivité géographique en faveur des centres de mise en place agréés a été abrogé et remplacé par un régime qui autorise, après déclaration à l’autorité compétente, la pratique de l’insémination artificielle des ruminants en monte publique, en tout endroit du territoire français, par les opérateurs titulaires d’un agrément sanitaire en qualité de centre de collecte ou de centre de stockage de semence ou par les...

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