BASF AG v Präsident des Deutschen Patentamts.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:198
Date22 April 1999
Celex Number61998CC0044
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-44/98
EUR-Lex - 61998C0044 - FR 61998C0044

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 22 avril 1999. - BASF AG contre Präsident des Deutschen Patentamts. - Demande de décision préjudicielle: Bundespatentgericht - Allemagne. - Libre circulation des marchandises - Mesures d'effet équivalent - Brevet européen privé d'effet pour cause de manque de traduction. - Affaire C-44/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06269


Conclusions de l'avocat général

I - La question préjudicielle et le cadre normatif et factuel de l'affaire au principal

1 Par ordonnance inscrite au registre le 20 février 1998, le Bundespatentgericht (Allemagne) a demandé à la Cour d'interpréter les articles 30 et 36 du traité CE eu égard à la législation allemande de mise en oeuvre de la convention sur la délivrance de brevets européens (ci-après la «convention») qui prévoit que, lorsque la traduction en langue allemande du texte d'un brevet européen déjà délivré ou en cours de l'être n'est pas fournie, le brevet est, dès l'origine, réputé sans effet en Allemagne. La question préjudicielle posée par le juge a quo est ainsi formulée:

«Est-il compatible avec les principes de la libre circulation des marchandises (articles 30, 36 du traité CE) qu'un brevet accordé par l'Office européen des brevets avec effet pour un État membre, et rédigé dans une autre langue que la langue officielle de cet État membre, soit, dès l'origine, réputé sans effet lorsque le titulaire du brevet n'a pas fourni à l'Office des brevets de l'État membre concerné, dans un délai de trois mois à compter de la date de la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet, une traduction du fascicule du brevet dans la langue officielle de l'État membre?»

2 La convention a été signée à Munich en Bavière le 5 octobre 1973 et est entrée en vigueur le 7 octobre 1977. En sont actuellement parties, outre les États membres, la Confédération suisse, la principauté de Liechtenstein, la principauté de Monaco et la république de Chypre. Ainsi qu'il résulte de ses articles 1er et 2, la convention a institué un droit commun aux États contractants en matière de délivrance de brevets d'invention «européens». Dans chacun des États membres pour lesquels il est délivré, le brevet européen a les mêmes effets et est soumis au même régime qu'un brevet national délivré dans cet État, pour autant que la convention n'en dispose pas autrement. En particulier, en application de l'article 64, paragraphe 1, de la convention, «... le brevet européen confère à son titulaire, à compter du jour de la publication de la mention de sa délivrance et dans chacun des États contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet État». En conséquence, le brevet européen, une fois délivré, consiste en substance en un «faisceau» de droit nationaux. Cela signifie que le droit commun prenant sa source dans la convention est en principe limité à la procédure de délivrance.

3 Pour résoudre le présent litige, le régime linguistique de la convention revêt une importance particulière. Il est destiné à concilier des exigences différentes: l'efficacité de la procédure devant l'Office européen des brevets (ci-après l'«OEB») et le même rang des langues des États contractants; les intérêts du demandeur ou du titulaire du brevet et ceux de ses concurrents (1). L'article 14 de la convention stipule que les demandes de brevets doivent être présentées dans une des langues officielles de l'OEB, c'est-à-dire l'allemand, l'anglais et le français. Néanmoins, les personnes physiques ou morales ayant leur domicile ou ayant leur siège sur le territoire d'un État contractant dont la langue officielle est différente des langues officielles de l'OEB ainsi que les ressortissants de cet État domiciliés à l'étranger peuvent déposer leur demande dans une des langues officielles de cet État, mais doivent en fournir une traduction en allemand, en anglais ou en français dans les trois mois, et en tout état de cause moins de treize mois à compter de la date de priorité, en cas de dépôt national régulier préalable (voir règle 6, paragraphe 1, du règlement d'exécution de la convention, ci-après le «règlement»). La langue dans laquelle le demandeur choisit de rédiger ou de traduire la demande de brevet est utilisée dans toutes les procédures devant l'OEB relatives à cette demande ou au brevet délivré à la suite de celle-ci. En particulier, c'est dans la langue de procédure que sont publiées les demandes et les fascicules de brevet européen (2), seules les revendications devant être traduites dans les deux autres langues officielles de l'OEB (article 14, paragraphe 7, de la convention). En outre, conformément à l'article 70, paragraphe 1, de la convention, le texte de la demande ou du brevet rédigé dans la langue de la procédure fait foi, en règle générale, dans toutes les procédures devant l'OEB ou les juges nationaux des États contractants.

4 La caractéristique fondamentale du système de brevet européen consiste dans le caractère national de la protection offerte par chacun des pays désignés (voir ci-dessus, point 2). Cela explique donc que les États contractants dont la langue nationale est différente de celle de la langue de la procédure doivent disposer d'un texte rédigé ou traduit dans leur langue, également dans l'intérêt de la capacité d'innovation et de la compétitivité de l'économie nationale. Le régime de publicité des actes produisant des effets juridiques erga omnes en la matière doit en outre être mis en liaison avec les dispositions des articles 67, paragraphe 3, (3) et 65 (4) de la convention concernant, respectivement, la protection provisoire ou définitive de la personne qui demande la protection du brevet: la première est offerte au demandeur après la publication de la demande, alors que la protection définitive fait suite à la délivrance du brevet européen. Ces dispositions sont destinées à compenser la situation initiale défavorable des États contractants dont la langue nationale est différente des langues officielles de l'OEB (ou en tout cas de celle de la procédure), en leur permettant de subordonner l'efficacité de ces documents sur leur territoire à l'existence d'une traduction dans la langue nationale (5).

5 L'article 65 de la convention (voir ci-dessus, note 4) a été mis en oeuvre dans l'ordre juridique allemand par les dispositions dont la compatibilité avec le traité est contestée dans l'affaire au principal. L'article II, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de la Gesetz über internationale Patentübereinkommen (loi sur les conventions internationales en matière de brevets) du 20 décembre 1991 (6) (ci-après l'«IntPatÜG») dispose que:

«1) Lorsque le texte dans lequel l'Office européen des brevets envisage de délivrer un brevet européen avec effet pour la République fédérale d'Allemagne n'est pas rédigé en langue allemande, le demandeur ou le titulaire du brevet doit, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la mention de la délivrance du brevet européen au Bulletin européen des brevets, fournir à l'Office allemand des brevets une traduction allemande du fascicule du brevet et acquitter une taxe selon le tarif fixé.

...

2) Lorsque la traduction n'est pas fournie dans les délais ou sous une forme permettant sa publication régulière ou que la taxe n'a pas été acquittée dans les délais, le brevet européen est, dès l'origine, réputé sans effet en Allemagne.

3) L'Office allemand des brevets publie la traduction...» (7).

6 BASF AG, la société demanderesse dans l'affaire au principal, est titulaire du brevet européen n_ 0 398 276 - «composition de vernis pour revêtement d'automobile». Ce brevet, délivré par l'OEB avec effet (entre autres) pour la République fédérale d'Allemagne, lui a été cédé par BASF Corporation, société constituée selon les lois du New Jersey (USA), par acte transcrit dans le registre allemand des brevets le 26 août 1997. La mention de la délivrance du brevet litigieux, rédigé en langue anglaise, a été publiée dans le Bulletin européen des brevets du 24 juillet 1996. Par ordonnance du 5 mai 1997, notifiée à BASF Corporation le 22 mai suivant, l'Office allemand des brevets a déclaré que le brevet précité était sans effet ex tunc en Allemagne, en application de l'article II, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, de l'InPatÜG, cette société n'ayant pas fourni dans les délais la traduction du fascicule en langue allemande. C'est précisément pour obtenir l'annulation de cette décision de l'Office allemand des brevets que BASF Corporation a introduit la présente action devant le Bundespatentgericht, laquelle a ensuite été poursuivie par BASF AG.

II - Les arguments de BASF, des gouvernements nationaux intervenus et de la Commission

7 Tous les États membres (à l'exception du grand-duché de Luxembourg; mais voir ci-dessus, note 4) et la Commission ont fait valoir de façon concordante, avec des arguments analogues en substance, que l'article 30 du traité ne s'oppose pas à une législation nationale du type de celle qui est ici en cause (8).

8 Les observations présentées à la Cour par BASF vont dans un sens différent. La demanderesse au principal soutient que le coût élevé de la traduction du fascicule, prescrite par la République fédérale allemande (ainsi que par les autres États membres qui se sont prévalus de la faculté prévue par l'article 65 de la convention), empêche de nombreux titulaires de brevets européens, en particulier des petites ou moyennes entreprises, d'obtenir que le brevet produise des effets dans tous les États membres (9). Faute de moyens financiers suffisants, ils seraient donc contraints de renoncer à la protection du brevet dans une partie du territoire communautaire. Le résultat de cette limitation serait le cloisonnement du marché intérieur en une «zone protégée» et une...

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