Hugo Fernando Hocsman v Ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:426
Date16 September 1999
Celex Number61998CC0238
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-238/98
EUR-Lex - 61998C0238 - FR 61998C0238

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 septembre 1999. - Hugo Fernando Hocsman contre Ministre de l'Emploi et de la Solidarité. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne - France. - Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) - Directive 93/16/CEE du Conseil - Ressortissant communautaire titulaire d'un diplôme argentin reconnu par les autorités d'un Etat membre comme équivalant dans celui-ci au titre de licencié en médecine et en chirurgie - Obligations d'un autre Etat membre saisi d'une demande d'exercer la médecine sur son territoire. - Affaire C-238/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06623


Conclusions de l'avocat général

1 La question qui se pose dans la présente affaire est celle de savoir dans quelle mesure il peut être exigé d'un État membre qu'il prenne en considération, en vue d'accorder l'autorisation d'exercer la médecine, l'expérience et les titres d'un ressortissant communautaire dont le diplôme médical de base a été acquis dans un pays situé hors de la Communauté européenne mais reconnu dans un autre État membre, notamment lorsque ladite personne a obtenu un titre de spécialiste dans cet autre État membre.

Les faits et la procédure au principal

2 Les faits, tels qu'ils ressortent de l'ordonnance de renvoi et des diverses observations présentées à la Cour sont les suivants:

3 M. Hocsman avait à l'origine la nationalité argentine. Il a acquis la nationalité espagnole en 1986 et, après le début de la présente procédure devant la juridiction nationale, la nationalité française.

4 M. Hocsman est titulaire d'un diplôme de médecine délivré en 1977 par l'Université de Buenos Aires, Argentine. En 1980, ce diplôme a été reconnu par le ministère espagnol des universités et de la recherche comme équivalent, à des fins académiques et professionnelles, au diplôme espagnol de base de «Licenciado en Medicina y Cirurgía» (Licencié en médecine et en chirurgie) et il a été autorisé à exercer la médecine en Espagne dans les mêmes conditions que le titulaire de ce diplôme espagnol. Depuis 1981, il est membre du «Collegi Oficial de Metges de Barcelona» (Ordre officiel des médecins de Barcelone).

5 En 1982, M. Hocsman a obtenu du ministère espagnol de l'éducation et de la science, à des fins universitaires, le diplôme de médecin spécialiste en urologie et de l'université de Barcelone, un diplôme de spécialiste en urologie. En 1986, le Ministère de l'éducation et de la science a reconnu au diplôme universitaire de M. Hocsman une validité à des fins professionnelles, après que ce dernier ait obtenu la nationalité espagnole. Divers certificats attestent qu'il a accompli les stages prévus avant d'obtenir ces titres et qu'il a occupé ensuite différents postes en qualité de résident, puis d'assistant, en Espagne et, depuis 1990, en France, en se spécialisant à chaque fois en urologie.

6 Il semble que M. Hocsman ait été employé en France dans différents hôpitaux sur la base d'un certain nombre de contrats à durée déterminée, en application de dispositions autorisant les établissements publics à engager, sous la responsabilité d'un médecin, des personnes détenant des titres médicaux obtenus à l'extérieur de la Communauté ou de l'Espace économique européen. Ces dispositions ont été abrogées en 1995 avec pour conséquence qu'il n'a pas été possible de renouveler plus longtemps le contrat de M. Hocsman lorsqu'il a expiré par la suite. Nous avons été informés à l'audience que M. Hocsman est par conséquent sans emploi depuis fin 1997.

7 M. Hocsman a demandé en 1996 son inscription à l'Ordre des Médecins, l'organisme professionnel français, en vue de pouvoir pratiquer sa spécialité médicale à titre indépendant. Il a été informé

par l'Ordre en cause que son diplôme argentin ne pouvait être reconnu «suite à la directive du 25 juillet 1978 du conseil des communautés européennes, et notamment, de celle de son article 7». Cette affirmation semble faire référence à l'article 7 de la directive du Conseil (concernant les dentistes) (1) tel qu'il a été interprété par la Cour dans l'arrêt Tawil-Albertini (2).

8 Le 11 avril 1997, suivant apparemment le conseil qui lui avait été donné dans la lettre lui refusant son inscription à l'Ordre des Médecins, M. Hocsman a adressé au ministre de la santé une demande d'autorisation individuelle d'exercice de la médecine en France en qualité d'urologue.

9 La réponse à cet demande semble avoir été fournie dans une lettre du 27 juin 1997 adressée à M. Hocsman par le ministère du Travail et des Affaires sociales confirmant que:

«...Monsieur Hocsman ne remplit pas les conditions pour exercer la médecine en France...

Dans l'arrêt concernant l'affaire TAWIL-ALBERTINI (...), la Cour (...) a interprété l'article 7 de la directive 78/686/CEE du Conseil (...). La Cour a estimé que l'article 7 n'impose pas aux États membres la reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres qui ne sanctionnent pas une formation de l'art dentaire acquise dans l'un des Etats membres de la communauté.

Cette interprétation est transposable aux règles communautaires concernant l'exercice de la médecine; par conséquent, le diplôme délivré par l'Argentine dont M. Hocsman est titulaire, et reconnu par les autorités espagnoles équivalent au diplôme espagnol, n'ouvre pas droit à l'exercice de la médecine en France.

(...)»

10 M. Hocsman a mis en cause la décision du 27 juin 1997 devant le Tribunal Administratif de Châlons en Champagne qui a jugé le 23 juin 1998 que ni les dispositions du traité de Rome, ni celles de la directive n'imposent à un État membre la reconnaissance d'un diplôme qui ne sanctionne pas une formation en médecine acquise dans l'un des États membres, de sorte que la décision du ministère de l'emploi et de la solidarité n'était entachée d'aucune erreur de droit. Toutefois, en application de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) tel qu'il a été interprété par la Cour de justice, lorsqu'une personne demande l'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, l'État membre doit prendre en considération les qualifications que l'intéressé a acquises dans le but d'exercer cette même profession dans un État membre, en procédant à une comparaison entre les compétences attestées par ces diplômes et les connaissances et qualifications exigées par les règles nationales. Le Tribunal de Châlons a sursis à statuer et saisi la Cour de justice de la question de savoir si:

«une équivalence donnée par un État membre doit conduire un autre État membre à vérifier, sur le fondement de l'article 52 du traité de Rome, si les expériences et qualifications attestées par cette équivalence correspondent à celles exigées par les diplômes et titres nationaux, notamment dans l'hypothèse où le bénéficiaire de l'équivalence est titulaire d'un diplôme attestant d'une formation spécialisée acquise dans un État membre et inclus dans le champ d'application d'une directive portant reconnaissance mutuelle des diplômes»

11 M. Hocsman, les gouvernements finlandais, français, italiens, espagnol, du Royaume-Uni et la Commission ont présenté des observations écrites. Des observations orales ont été présentées à l'audience au nom de M. Hocsman, des gouvernements français, italiens, néerlandais et espagnols ainsi que de la Commission.

12 La Commission a indiqué à l'audience qu'un nombre important de médecins se trouvent dans une situation comparable à celle de M. Hocsman et sont la source de nombreuses plaintes; le gouvernement français a indiqué qu'environ 300 à 400 diplômes étrangers de docteur en médecine, sont reconnus par an alors qu'il y a environ 1200 médecins qualifiés à l'étranger exerçant en France. Il est par conséquent clair que, en dépit du fait que l'arrêt de la Cour ne peut apporter une réponse qu'à la question qui lui a été posée dans la présente affaire, ses répercussions seront d'une portée plus large.

Les dispositions communautaires pertinentes

13 Selon l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), «les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont (...) supprimées...» («... interdites» dans la version modifiée).

14 L'article 57 du traité CE (devenu, après modification, article 47 CE) prévoit l'adoption de directives du Conseil concernant la reconnaissance mutuelle de qualifications et la coordination des dispositions nationales concernant l'accès aux activités non salariées et la poursuite de celles-ci. Il continue en précisant:

«3. En ce qui concerne les profession médicales (...) la libération progressive des restrictions sera subordonnée à la coordination de leurs conditions d'exercice dans les différents États membres».

15 Dans le domaine de la reconnaissance mutuelle des diplômes médicaux et de la coordination des dispositions concernant l'exercice de la médecine, différentes directives du Conseil ont été en vigueur depuis 1975 (3). La disposition actuellement en vigueur est la directive 93/16/CEE (4) (ci-après: la directive).

16 Conformément à l'article 2 de la directive, «chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément à l'article 23 et énumérés à l'article 3, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités du médecin et l'exercice de celles-ci, le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres qu'il délivre».

17 La liste...

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