Criminal proceedings against Krister Hanner.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:317
Docket NumberC-438/02
Celex Number62002CC0438
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 May 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 25 mai 2004(1)



Affaire C-438/02

Åklagaren
contre
Krister Hanner



[demande de décision préjudicielle formée par le Stockholms tingsrätt (Suède)]

«Article 31 CE – Monopoles d'État – Monopole de la vente au détail de médicaments – Discrimination – Justification – Article 86, paragraphe 2, CE»






1. Dans la présente affaire, le Stockholms tingsrätt (tribunal de première instance de Stockholm) (Suède) pose plusieurs questions préjudicielles relatives à la légalité du monopole de la vente au détail des médicaments en Suède. Ces questions s’inscrivent dans une procédure pénale engagée contre M. Krister Hanner, à qui l’on reproche d’avoir vendu certains médicaments, en contravention avec la législation suédoise qui réserve la vente de ces produits à l’État ou à un organe désigné par l’État. 2. Cette affaire pose essentiellement la question de savoir si un droit exclusif de vente au détail peut être considéré comme compatible avec l’article 31 CE. Dans la négative, il conviendra de se demander si le maintien d’un tel droit peut être justifié sur la base des dispositions dérogatoires du traité CE et, en particulier, de l’article 86, paragraphe 2, CE. 3. L’une des difficultés du dossier vient de ce que, sur ces différents points, la jurisprudence de la Cour apporte des éléments de réponse contradictoires. I – Le cadre juridique national 4. En 1969, les autorités suédoises ont organisé la dissolution des pharmacies privées et instauré un monopole d’État de la vente au détail des médicaments. Ce monopole couvre l’ensemble des médicaments, à savoir les médicaments à usages humain et vétérinaire ainsi que les médicaments soumis à prescription médicale et ceux non soumis à prescription. Il est actuellement régi par la lagen (1996:1152) om handel med läkemedel m.m. (loi n° 1152 de 1996 sur le commerce des médicaments) (2) . 5. L’article 2 de cette loi définit la notion de «vente au détail» comme étant la vente aux consommateurs ainsi qu’aux personnes autorisées à prescrire des médicaments. Selon l’article 3 de cette même loi, toute autre forme de vente constitue une «vente en gros» et nécessite une autorisation du Läkemedelsverket (agence suédoise des médicaments). 6. L’article 4 de la loi de 1996 fonde le monopole de l’État suédois. Il indique que «[s]auf disposition contraire de la présente loi, la vente au détail des [médicaments] est réservée à l’État ou à une ou plusieurs personnes morales sur lesquelles l’État a une influence décisive» et que «[l]e gouvernement détermine la ou les personne(s) habilitée(s) à exercer ce commerce ainsi que les modalités de cet exercice». 7. Par dérogation à cette disposition, la vente au détail des médicaments aux établissements hospitaliers peut être faite par les personnes titulaires d’une autorisation de vente en gros (3) . 8. Aux termes de l’article 11 de la loi de 1996, les personnes qui méconnaissent les dispositions instaurant le monopole de l’État sont passibles d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement qui peut aller jusqu’à deux ans. 9. En vertu d’une convention signée en 1970, l’État suédois a chargé la société Apoteksbolaget AB, spécialement créée à cet effet, d’exercer l’activité de vente au détail des médicaments. Apoteksbolaget AB a ensuite changé de nom et est devenue, en 1988, la société Apoteket AB (4) . 10. Apoteket est une société dont le capital est détenu par l’État et dont la direction est essentiellement composée d’hommes politiques et de fonctionnaires. Elle regroupe actuellement 11 000 personnes. 11. En vue d’assurer la vente des médicaments au public, Apoteket a recours aux 800 pharmacies qu’elle possède et qu’elle gère elle‑même. Ces officines sont généralement implantées dans les zones à forte densité de population, comme les centres urbains, les centres commerciaux et les centres de soins. 12. Dans les zones rurales, où la création d’une pharmacie ne serait pas rentable, Apoteket assure la vente des médicaments en s’adressant à quelque 970 «Apoteksombud» (agents en pharmacie). Il s’agit d’opérateurs privés, avec lesquels elle a conclu un accord et qui acceptent, moyennant rémunération, de délivrer des médicaments soumis à prescription médicale aux patients. Ces agents en pharmacie sont également habilités à vendre au public un assortiment limité de médicaments non soumis à prescription. Ils sont placés sous le contrôle d’Apoteket, qui détermine le prix de vente des médicaments ainsi que l’assortiment des produits. Les agents en pharmacie ne reçoivent aucune formation spécifique et ne sont pas autorisés à dispenser des conseils aux clients en ce qui concerne l’utilisation des médicaments. 13. Il ressort du dossier que, depuis le printemps 2002, Apoteket vend également des médicaments sans ordonnance par Internet et par téléphone. À terme, elle pense pouvoir vendre l’ensemble des médicaments, y compris ceux qui sont soumis à prescription médicale, par ces moyens. Dans ce cas, elle expédierait les médicaments aux clients, avec les informations et les conseils d’utilisation requis. 14. S’agissant des conditions d’approvisionnement, Apoteket se fournit exclusivement auprès des deux grossistes présents sur le marché suédois, à savoir Tamro et Kronans Droghandel. Elle n’est pas autorisée à importer elle‑même des médicaments en provenance des autres États membres. 15. À l’époque des faits au principal, les relations entre l’État et Apoteket étaient régies par la convention du 20 décembre 1996, telle que prorogée et modifiée par la convention du 21 décembre 1998 (5) . 16. Cette convention prévoit qu’Apoteket doit assurer un approvisionnement satisfaisant en médicaments sur l’ensemble du territoire et garantir aux consommateurs une information indépendante des producteurs de médicaments. À cet effet, Apoteket doit organiser un système national de distribution et assurer des stocks et des capacités de livraison suffisants pour répondre aux demandes du système de santé. Dans ce contexte, Apoteket détermine elle‑même le nombre et le lieu d’implantation des pharmacies ainsi que des autres points de vente de médicaments. Elle doit être en mesure de fournir tous les médicaments (soumis ou non à prescription médicale) couverts par son droit exclusif. 17. L’article 8 de la convention de 1996 impose à Apoteket de pratiquer un prix de vente unique pour chaque médicament. Pour les médicaments remboursables, le prix de vente – et donc la marge bénéficiaire d’Apoteket – est fixé par le Läkemedelsförmånsnämnden (comité des prix des médicaments). En revanche, pour les médicaments qui ne sont pas remboursés, Apoteket fixe elle‑même le prix des produits ainsi que sa marge bénéficiaire. Les médicaments remboursables sont les médicaments soumis à prescription médicale ainsi que certains médicaments non soumis à prescription. II – Le renvoi préjudiciel 18. Les autorités suédoises ont engagé des poursuites pénales à l’encontre de M. Hanner pour infraction à l’article 4 de la loi de 1996. Elles lui reprochent d’avoir vendu, en mai et en juillet 2001, douze emballages de timbres Nicorette et de gommes à mâcher Nicorette, à savoir des succédanés de nicotine destinés à aider les fumeurs à arrêter de fumer. Le ministère public a souligné que ces produits étaient classés comme médicaments par le Läkemedelsverket et relevaient donc du monopole de l’État suédois. 19. Devant le juge de renvoi, M. Hanner a reconnu les faits, mais a contesté leur caractère infractionnel. Il a soutenu que le monopole de l’État suédois était contraire aux articles 31 CE, 28 CE et 43 CE. 20. Considérant que la solution du litige dépendait de l’interprétation de ces dispositions, le Stockholms tingsrätt a décidé de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1)
Il existe au plan national un système autonome de contrôle et d’autorisation des médicaments qui vise à garantir la bonne qualité des médicaments et à prévenir les effets néfastes des médicaments. Certains médicaments sont soumis en outre à une obligation de prescription (ordonnance) par un médecin agréé. L’article 31 CE s’oppose‑t‑il dans de telles conditions à une législation nationale qui prévoit que le commerce de détail des médicaments ne peut être exercé que par l’État ou une personne morale sur laquelle l’État a une influence dominante et dont l’objet est de répondre au besoin de médicaments sûrs et efficaces?
2)
Eu égard à ce qui a été indiqué dans le cadre de la première question, l’article 28 CE s’oppose‑t‑il à une législation telle que celle qui est visée dans la première question?
3)
Eu égard à ce qui a été indiqué dans le cadre de la première question, l’article 43 CE s’oppose‑t‑il à une législation telle que celle qui est visée dans la première question?
4)
Dans le cadre de l’examen des première, deuxième et troisième questions, le principe de proportionnalité s’oppose‑t‑il à une législation nationale telle que celle qui est visée dans la première question?
5)
Quelle est l’incidence, dans le cadre de l’appréciation opérée en ce qui concerne les première, deuxième, troisième et quatrième questions, du fait que les médicaments dits en vente libre échappent, totalement ou partiellement, à la prescription du droit national en vertu de laquelle le commerce de détail des médicaments ne peut être exercé que par l’État ou par une personne morale sur laquelle l’État a une influence dominante?»
III – L’objet des questions préjudicielles 21. La demande préjudicielle du Stockholms tingsrätt pose deux séries de questions. 22. D’abord, le juge de renvoi souhaite savoir si les...

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