Davidoff & Cie SA and Zino Davidoff SA v Gofkid Ltd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:204
Date21 March 2002
Celex Number62000CC0292
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-292/00
EUR-Lex - 62000C0292 - FR 62000C0292

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 21 mars 2002. - Davidoff & Cie SA et Zino Davidoff SA contre Gofkid Ltd. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Directive 89/104/CEE - Articles 4, paragraphe 4, sous a), et 5, paragraphe 2 - Marques renommées - Protection contre l'usage d'un signe pour des produits ou des services identiques ou similaires. - Affaire C-292/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-00389


Conclusions de l'avocat général

1. En vertu de la directive sur les marques , le titulaire d'une marque valable doit pouvoir interdire à tout tiers de faire usage d'un signe ou d'enregistrer un signe en tant que marque si a) le signe est identique à sa marque antérieure et les produits ou les services concernés sont identiques à ceux pour lesquels cette marque est protégée, ou b) le signe est identique ou similaire à la marque antérieure, les produits ou les services concernés sont également identiques ou similaires et il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion.

2. La directive permet également à un État membre d'accorder une protection au titulaire lorsque le signe que le tiers a l'intention d'enregistrer, ou dont il entend faire usage, est au moins similaire à la marque enregistrée, mais concerne des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels cette marque antérieure est protégée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'État membre et que l'usage du signe sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. La protection susceptible d'être accordée dans de tels cas ne requiert pas l'existence d'un quelconque risque de confusion.

3. Dans le cadre du présent recours préjudiciel, le Bundesgerichtshof (la cour fédérale de justice) (Allemagne) interroge, en substance, la Cour sur les points de savoir a) si les États membres ont également le pouvoir de prévoir une telle protection supplémentaire dans des cas où les produits ou services concernés sont identiques ou similaires, mais où il n'existe pas de risque de confusion, et/ou b) si la protection supplémentaire n'est permise que dans des cas où l'usage du signe tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice, ou si d'autres règles de droit interne - éventuellement, celles concernant la concurrence déloyale - peuvent également être appliquées.

Cadre juridique

Règles de droit communautaire

4. D'après son préambule, la directive vise à rapprocher les législations des États membres en matière de marques dans la mesure où - mais seulement dans la mesure où - elles sont susceptibles d'entraver la liberté du commerce, de fausser la concurrence et d'affecter directement le fonctionnement du marché intérieur . Les marques enregistrées doivent donc jouir de la même protection dans tous les États membres, ceux-ci conservant toutefois la faculté d'accorder «une protection plus large aux marques ayant acquis une renommée» . La protection de base conférée - laquelle vise notamment à garantir la fonction d'origine de la marque - est absolue en cas d'identité entre la marque et le signe et entre les produits ou services, mais elle vaut également en cas de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services, auquel cas elle suppose, comme condition spécifique, l'existence d'un risque de confusion .

5. Pour ce qui concerne la présente affaire, l'article 4 de la directive dispose:

«1. Une marque est refusée à l'enregistrement ou est susceptible d'être déclarée nulle si elle est enregistrée:

a) lorsqu'elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée;

b) lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association avec la marque antérieure.

[...]

4. Un État membre peut en outre prévoir qu'une marque est refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où:

a) la marque est identique ou similaire à une marque nationale antérieure [...] et si elle est destinée à être enregistrée ou a été enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque la marque antérieure jouit d'une renommée dans l'État membre concerné et que l'usage de la marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu'il leur porterait préjudice.

[...]»

6. L'article 5 contient des dispositions parallèles, rédigées comme suit:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'État membre et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

[...]»

7. Il ressort des observations écrites présentées par la Commission que tous les États membres ont en fait mis en oeuvre les dispositions de l'article 4, paragraphe 4, sous a), et de l'article 5, paragraphe 2, bien que la protection qu'elles visent soit facultative.

8. En vertu des articles 4 et 5, certains aspects des réglementations nationales existant au moment de la transposition de la directive peuvent continuer à sortir leurs effets après celle-ci. Selon l'article 4, paragraphe 6, un État membre peut prévoir que les motifs de refus ou de nullité qui étaient applicables dans cet État avant la date de transposition de la directive doivent s'appliquer aux marques dont la demande a été déposée avant cette date. En outre, en vertu de l'article 5, paragraphe 4, l'État membre, lorsque son droit interne, antérieurement à la date de transposition, ne permettait pas d'interdire l'usage d'un signe, peut prévoir que le droit conféré par une marque (postérieure) n'est pas opposable à la poursuite de l'usage de ce signe.

9. De plus, bien qu'ils ne soient pas directement concernés en l'espèce, on peut noter que l'article 8, paragraphes 1 et 5, et l'article 9, paragraphe 1, du règlement sur la marque communautaire contiennent des dispositions identiques en substance à celles, respectivement, de l'article 4, paragraphes 1 et 4, sous a), et de l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive. En outre, en cas de conflit entre une marque nationale et une marque communautaire antérieure jouissant d'une renommée dans la Communauté, l'article 4, paragraphe 3, de la directive prévoit, dans des termes identiques en substance à ceux de l'article 4, paragraphe 4, sous a), que, si les produits ou services concernés ne sont pas similaires, l'enregistrement doit en être refusé ou doit être déclaré nul.

Règles de droit allemand

10. Antérieurement à la mise en oeuvre de la directive, le droit allemand des marques était régi par le Warenzeichengesetz, qui a été remplacé par le Markengesetz, entré en vigueur le 1er janvier 1995 . L'article 9, paragraphe 1, nos 1 à 3, du Markengesetz met en oeuvre l'article 4, paragraphes 1 et 4, sous a), de la directive, tandis que l'article 14, paragraphe 2, nos 1 à 3, met en oeuvre l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive. Dans les deux cas, les termes sont analogues en substance à ceux de la directive.

11. Le Markengesetz contient également des dispositions transitoires qui reflètent celles de la directive. L'article 153, paragraphe 1, de la loi prévoit, en substance, que les droits conférés par la nouvelle législation ne peuvent pas être invoqués à l'encontre d'une marque ayant existé avant le 1er janvier 1995 si la législation précédente ne permettait pas de contester celle-ci; l'article 163, paragraphe 1, ajoute qu'un recours en annulation d'un enregistrement effectué avant le 1er janvier 1995 ne peut aboutir que s'il est considéré comme fondé en vertu de la législation tant ancienne que nouvelle.

12. Selon l'ordonnance de renvoi, le titulaire d'une marque avait, avant 1995, la possibilité, en vertu des dispositions pertinentes du Warenzeichengesetz considérées conjointement avec celles du Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (la loi allemande relative à l'interdiction de la concurrence déloyale), d'empêcher l'usage ou l'enregistrement d'un signe similaire à sa marque, celle-ci devant être notoirement connue auprès du public concerné, jouir d'une renommée et d'un prestige particuliers et donc avoir une grande valeur pour le titulaire, lorsque le signe s'est inspiré de la marque antérieure de manière délibérée et sans nécessité contraignante.

Procédure

13. Davidoff & Cie SA et Zino Davidoff SA (ensemble «Davidoff») sont deux sociétés...

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