Commission of the European Communities v Hellenic Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:94
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-391/92
Date04 April 1995
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number61992CC0391
61992C0391

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 4 avril 1995 ( *1 )

Table des matières

A — Introduction

B — Appréciation

I. L'applicabilité de l'article 30 du traité

II. Le monopole des pharmacies en tant que mesure d'effet équivalent

III. La justification de la mesure

1. Les exigences impératives tenant à la protection des consommateurs

2. La protection de la santé et de la vie des personnes

a) L'assimilation des préparations pour nourrissons aux médicaments

b) Le faible taux de natalité et la mortalité infantile

3. Les régimes comparables existant dans d'autres États membres

C — Conclusions

A — Introduction

1.

Dans la présente procédure en manquement, la Commission demande qu'il plaise à la Cour constater que, en imposant, à l'article 10 de l'arrêté ministériel no A 2/oik. 361 du 29 janvier 1988, la vente exclusive des laits transformés du premier âge en pharmacie, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CEE ( 1 ). La disposition contestée reconnaît aux pharmaciens un monopole de distribution des préparations pour nourrissons jusqu'à l'âge de 5 mois. La seule dérogation prévue à ce monopole concerne les communes dépourvues d'officines ( 2 ). Sous certaines conditions ( 3 ), les préparations pour nourrissons peuvent également y être commercialisés ailleurs.

2.

La procédure en manquement remonte à une plainte déposée par l'association grecque des entreprises d'aliments pour l'enfance auprès des services de la Commission en avril 1988. D'après cette plainte, les importations seraient plus faciles si l'article 10 de l'arrêté n'avait pas été adopté. La Commission a introduit son recours en novembre 1992, à l'issue de la procédure précontentieuse.

3.

Dans sa requête, la Commission allègue que la réglementation litigieuse constituerait une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 30, au sens de la « formule Dassonville » ( 4 ). Certes, faute de réglementation communautaire en la matière, la compétence en ce qui concerne les circuits de distribution des préparations pour nourrissons appartiendrait en principe aux États membres. Cependant, cette compétence ne saurait être exercée que dans le respect du traité. Conformément aux arrêts Delattre ( 5 ) et Monteil ( 6 ), la canalisation des circuits de distribution résultant du monopole des ventes constituerait une mesure d'effet équivalent qui ne saurait être justifiée.

4.

Selon le gouvernement grec en revanche, le régime qu'il applique ne constituerait en aucun cas une mesure d'effet équivalent. Au cours de l'année d'introduction de la mesure litigieuse, la consommation d'aliments pour nourrissons n'aurait pas varié par rapport à la même période de l'année précédente, ce qui plaiderait contre la thèse de l'effet restrictif. Du reste, la mesure serait en tout cas justifiée. Le gouvernement grec invoque à cet égard la protection de la santé publique. Il renvoie tout d'abord aux conditions climatiques particulières régnant en Grèce. D'autre part, il fait valoir l'existence d'un faible taux de natalité et d'une mortalité infantile relativement élevée, qui imposeraient des mesures draconiennes.

5.

Les préparations pour nourrissons présenteraient les caractéristiques des médicaments, de sorte qu'il serait juste que leur achat soit subordonné à la présentation d'une ordonnance médicale. Cette nécessité appellerait à son tour celle de la commercialisation exclusive par les pharmacies. Il conviendrait d'autre part d'encourager l'allaitement maternel, dans l'intérêt de la santé des nourrissons. La majorité des quelque 110000 nouveau-nés par an seraient entièrement — ou du moins partiellement — nourris au biberon. Ce mode d'alimentation présenterait des risques notables, notamment en cas de préparation incorrecte ou de choix d'un produit qui ne serait pas parfaitement adapté aux besoins. Étant donné le faible niveau d'instruction — allant jusqu'à l'analphabétisme — d'une grande partie des femmes grecques en âge de procréer ( 7 ), les indications portées sur l'étiquette ne suffiraient pas pour assurer l'information sur la composition et le mode de préparation correcte des aliments pour nourrissons. Le client devrait dès lors pouvoir recourir aux conseils d'un spécialiste au moment de l'achat, et seul un pharmacien serait en mesure de jouer valablement ce rôle, grâce à ses connaissances professionnelles spécifiques.

6.

Seules les pharmacies pourraient, grâce à l'infrastructure dont elles disposent, réagir avec rapidité et efficacité en cas d'altération de la marchandise ou de lancement d'une opération visant à retirer celle-ci des circuits commerciaux. Enfin, les obligations assorties de sanctions auxquelles les pharmaciens sont tenus en vertu des règles déontologiques applicables à leur profession constitueraient une garantie du respect de la diligence requise lors du stockage et de la vente du lait de premier âge.

7.

Le régime appliqué par la Grèce ne serait d'ailleurs nullement une exception. D'autres États membres appliqueraient des régimes comparables à la distribution des préparations pour nourrissons.

8.

Comme la procédure écrite s'était achevée avant le prononcé de l'arrêt dans l'affaire Keck et Mithouard ( 8 ), par lequel la Cour a modifié sa jurisprudence relative aux mesures d'effet équivalent au sens de l'article 30, les parties ont été invitées à présenter leurs observations par écrit sur cette jurisprudence et ses éventuelles conséquences pour la présente affaire.

9.

La Commission maintient à cet égard son point de vue selon lequel il s'agirait en l'occurrence d'une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30, ce qu'elle a d'ailleurs confirmé, arguments à l'appui, lors de son plaidoyer au cours de la procédure orale. Le gouvernement hellénique en revanche estime que la réglementation litigieuse constitue une « modalité de vente » au sens des arrêts Keck et Mithouard ( 9 ) ainsi que Hünermund ( 10 ) et serait, de ce seul fait, exclue du champ d'application de l'article 30.

B — Appréciation

I. L'applicabilité de l'article 30 du traité

10.

La question de l'applicabilité de l'article 30 est essentielle pour trancher la présente affaire; or, après l'arrêt Keck et Mithouard, cette applicabilité exige à tout le moins d'être vérifiée. Depuis l'arrêt Dassonville, la définition que la Cour donne des mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation est la suivante:

«Toute réglementation commerciale des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire... ». ( 11 )

L'arrêt Cassis de Dijon ( 12 ) a précisé que même des dispositions indifféremment applicables aux marchandises nationales et aux marchandises importées peuvent constituer des mesures d'effet équivalent.

11.

Partant, tant les réglementations étatiques relatives aux produits ( 13 )que celles relatives au mode de commercialisation ( 14 ) relèvent en principe du champ d'application de l'article 30. Pour les réglementations relatives au mode de commercialisation, les années 80 ont vu se dessiner une évolution par laquelle certaines mesures étatiques ont pu échapper au couperet de l'article 30, toujours après une évaluation par la Cour de l'ensemble des éléments en cause. La Cour a suivi diverses voies pour parvenir à ce résultat. Certaines fois, elle a reconnu la validité de justificatifs au sens de l'article 36 ( 15 ), tandis que dans d'autres cas, elle a estimé que l'affaire n'entrait même pas dans le champ d'application potentiel de l'article 30 ( 16 ).

12.

Depuis l'arrêt Keck et Mithouard ( 17 ) — plusieurs fois confirmé depuis ( 18 ) — la Cour de justice semble avoir adopté une approche restrictive en ce qui concerne les régimes de commercialisation étatiques qui sont applicables sans discrimination. Dans cet arrêt, la Cour de justice ne dit nulle part qu'elle entendrait restreindre sa jurisprudence antérieure, mais simplement qu'elle veut la « préciser ». Elle se garde d'ailleurs bien de toucher à la formule selon laquelle constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative toute mesure susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire ( 19 ). Elle observe cependant aux points 16 et 17 que:

«16.

En revanche, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce qui a été jugé jusqu'ici, n'est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville ..., l'application à des produits en provenance d'autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d'autres États membres.

17.

En effet, dès lors que ces conditions sont remplies, l'application de réglementations de ce type à la vente des produits en provenance d'un autre État membre et répondant aux règles édictées par cet État n'est pas de nature à empêcher leur accès au marché ou à le gêner davantage qu'elle ne gêne celui des produits nationaux... » ( 20 )

13.

L'innovation se rapporte donc à certaines modalités de vente, appliquées dans les conditions...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Comisión de las Comunidades Europeas contra República Helénica.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 29, 1995
    ...circulation des marchandises - Laits transformés du premier âge - Interdiction de commercialisation en dehors des pharmacies. - Affaire C-391/92. Recueil de jurisprudence 1995 page I-01621 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés ++++Libre circulati......
1 cases
  • Comisión de las Comunidades Europeas contra República Helénica.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • June 29, 1995
    ...circulation des marchandises - Laits transformés du premier âge - Interdiction de commercialisation en dehors des pharmacies. - Affaire C-391/92. Recueil de jurisprudence 1995 page I-01621 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés ++++Libre circulati......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT