Tiercé Ladbroke SA v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:233
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-353/95
Date13 May 1997
Celex Number61995CC0353
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
EUR-Lex - 61995C0353 - FR 61995C0353

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 13 mai 1997. - Tiercé Ladbroke SA contre Commission des Communautés européennes. - Concurrence - Aides d'Etat - Prélèvement sur les enjeux des paris pris sur les courses de chevaux - Transfert de ressources à une entreprise établie dans un autre Etat membre. - Affaire C-353/95 P.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-07007


Conclusions de l'avocat général

Dans la présente affaire, la Cour de justice est invitée à statuer sur le pourvoi introduit par la société belge Tiercé Ladbroke SA (ci-après «Ladbroke») au titre de l'article 49 du protocole sur le statut CEE, en vue de l'annulation de l'arrêt prononcé le 18 septembre 1995 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (1). Cet arrêt a rejeté le recours que la société requérante avait introduit au titre de l'article 173 du traité CE (ci-après «le traité») contre la décision du 18 janvier 1993, par laquelle la Commission avait rejeté sa plainte (IV/34.013) fondée sur les articles 92 et 93 du traité et relative aux conditions dans lesquelles des paris sur les courses hippiques belges sont conclus en France.

I - Les faits et la procédure

1 Les faits sont décrits en détail aux points 1 à 23 de l'arrêt attaqué, auxquels nous renvoyons. En l'occurrence, il suffira de rappeler les éléments suivants: le 18 mars 1991, le Pari mutuel urbain français (2) (ci-après le «PMU français») et le Pari mutuel unifié belge (3) (ci-après le «PMU belge») ont conclu un accord en vertu duquel le premier était autorisé à prendre, au nom du second, en France, des paris sur les courses de chevaux belges.

2 Cet accord a été conclu dans le cadre de la législation nationale française alors en vigueur et, en particulier, de la loi de finances n_ 64-1279, du 23 décembre 1964, pour l'année 1965. Dans son article 15, paragraphe 3, cette loi prévoit que les sociétés de courses de chevaux autorisées à organiser le pari mutuel (4) en dehors des hippodromes peuvent être habilitées à recevoir des paris engagés en France sur des courses étrangères. Ces paris sont centralisés et incorporés dans la répartition en liaison directe avec le ou les organismes chargés de gérer les paris mutuels dans le pays considéré. Selon cette même disposition, les paris ainsi recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur dans le pays où la course est organisée et le produit de ces prélèvements est réparti entre le pays où les paris sont recueillis et celui où la course est disputée. La répartition ainsi effectuée peut comprendre une part spéciale consacrée aux frais de gestion.

3 En France, le taux cumulé des divers prélèvements légaux et fiscaux dont peuvent faire l'objet les enjeux des paris recueillis sur les courses de chevaux ne peut dépasser 30 %, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 18 de la loi de finances pour l'année 1967. En Belgique en revanche, ces prélèvements sur le produit des paris engagés sur les courses de chevaux peuvent atteindre 35 % au maximum.

4 Dans le cadre de ce dispositif législatif, l'accord précité, conclu par le PMU et le PMU belge, prévoit que les prélèvements, au taux de 35 %, sur le produit des paris pris en France sur les courses de chevaux belges sont répartis suivant un système tenant compte du chiffre d'affaires réalisé. A cet effet, l'accord en question prévoit quatre tranches. La première tranche est constituée par un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs français (FF): les attributaires publics français reçoivent 6,386 % du prélèvement et la partie belge 23,114 %. La deuxième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 50 et 75 millions de FF: la part française s'élève à 10,817 % et la part belge descend à 16,183 %. La troisième tranche est constituée par un chiffre d'affaires compris entre 75 et 100 millions de FF: la part française atteint alors 15,238 % et la part belge 9,762 %. Enfin, pour un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de FF, la part belge descend à 5,602 % et la part française s'élève à 19,169 %.

5 Le 12 juillet 1991, Tiercé Ladbroke SA, dont l'activité consiste à prendre en Belgique des paris à la cote sur les courses de chevaux courues à l'étranger, a introduit, contre le PMU français, le PMU belge et la République française, une plainte auprès de la Commission, au titre, notamment, des articles 92 et 93 du traité. Par cette plainte, Ladbroke invitait la Commission à constater que l'accord conclu le 18 mars 1991 entre le PMU français et le PMU belge avait comme effet l'octroi, par la France au PMU belge, d'une aide étatique illégale, qui n'avait en tout cas pas été notifiée à la Commission. Selon Ladbroke, le fait que l'État français, le PMU français et les sociétés de courses retiennent seulement 9 % du prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses belges et non pas 28 %, comme c'est le cas pour le prélèvement sur les enjeux des paris sur les courses françaises, est un traitement fiscal qui, impliquant une charge pour l'État français et un profit pour son bénéficiaire, le PMU belge, constitue une aide d'État illégale au profit de ce dernier.

6 La partie de la plainte de Ladbroke concernant le prétendu octroi d'une aide d'État illégale a été rejetée par la Commission dans sa décision du 18 janvier 1993 au motif que l'accord précité entre les deux PMU ne contiendrait aucune aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité (5).

7 Comme indiqué ci-dessus, Ladbroke a saisi le Tribunal le 22 mars 1993 d'un recours contre la décision de la Commission. Ce recours a été rejeté le 18 septembre 1995 par l'arrêt prononcé dans l'affaire T-471/93.

8 Le pourvoi du 17 novembre 1995 vise à l'annulation de cet arrêt, à l'annulation de la décision initialement attaquée et à la condamnation de la Commission à l'ensemble des dépens. Pour sa part, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens. Comme en première instance, le gouvernement français est intervenu au soutien des conclusions de la Commission.

II - Le moyen du pourvoi

9 La partie requérante fait valoir que l'arrêt attaqué doit être annulé parce que le Tribunal a omis d'examiner ses arguments, tels qu'ils sont repris aux points 35 et 36 de cet arrêt. Ladbroke qualifie d'erroné le raisonnement de la décision de première instance selon lequel l'examen de ces arguments n'était pas indispensable parce que le PMU belge ne tirait de toute façon aucun avantage économique de l'accord du 18 mars 1991, de sorte qu'il ne saurait être question de l'existence d'une aide d'État. L'erreur de droit commise par le Tribunal, selon la partie requérante, serait d'avoir considéré que le PMU belge ne tire aucun avantage économique de cet accord.

A - Les arguments des parties

10 Les considérations développées par Ladbroke se divisent en quatre branches, correspondant aux motifs sur lesquels le Tribunal s'est appuyé pour conclure que le PMU belge ne tire aucun avantage économique de l'accord litigieux. La Commission et le gouvernement français répondent à ces arguments dans l'ordre dans lequel ils ont été présentés.

1) Sur la première branche du moyen

11 La partie requérante conteste le point 58 de l'arrêt attaqué, qui se lit comme suit:

«Le Tribunal estime que cette argumentation de la requérante n'est pas de nature à mettre en cause, à elle seule, les appréciations de la Commission. En ce qui concerne, en premier lieu, les recettes réalisées en France par le PMU belge, à supposer, ainsi que le soutient la requérante, que sans l'accord litigieux entre les deux PMU les paris concernés n'auraient pas été engagés, les recettes qui en résultent pour le PMU belge ne sauraient, pour autant, être qualifiées d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. L'ouverture du marché français de prise de paris sur les courses de chevaux, permettant au PMU belge d'accéder, par l'intermédiaire du PMU français, aux parieurs français et d'augmenter ses recettes par les enjeux de leurs paris, constitue, en effet, un choix effectué par le législateur français concernant l'organisation du marché national de prise de paris sur les courses de chevaux et les modalités de l'exercice par le PMU français des droits exclusifs qui lui sont reconnus par la législation nationale concernant la prise de paris sur les courses de chevaux étrangères (voir ci-dessus point 1). Par conséquent, ce choix du législateur français ayant permis la conclusion de l'accord litigieux entre les deux PMU ne saurait être, en soi, mis en cause au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité, pour le seul motif que l'application de l'accord en question peut avoir pour effet d'accroître les recettes, non seulement du PMU français sur les courses étrangères mais aussi du PMU belge sur les paris des courses de chevaux courues en Belgique dont, normalement, il assure lui-même directement la prise.»

12 Sans mettre en doute la faculté pour un État membre d'ouvrir à une entreprise étrangère l'accès à son marché intérieur, la requérante estime que l'avantage économique que cette entreprise tire de l'accès audit marché peut être considéré comme une aide d'État lorsqu'il équivaut à un avantage consenti directement par l'État ou sous la forme d'un transfert d'argent à l'instigation de l'État, en faveur de cette entreprise (6). Dans ces cas, toujours d'après le raisonnement de Ladbroke, il y a lieu de présumer que cet avantage constitue une aide d'État, à moins qu'il ne soit démontré qu'il revêt un caractère de rétribution et qu'il est la contrepartie logique de services fournis par l'entreprise étrangère. C'est pourquoi le Tribunal aurait commis une erreur en négligeant d'analyser les points suivants: premièrement, la mesure dans laquelle, d'une part, le prélèvement sur les paris, dont une fraction est versée au PMU belge, constitue un prélèvement obligatoire...

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