Finanzamt Essen-NordOst v GFKL Financial Services AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:486
Date14 July 2011
Celex Number62010CC0093
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-93/10

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Niilo Jääskinen

présentées le 14 juillet 2011 (1)

Affaire C‑93/10

Finanzamt Essen-NordOst

contre

GFKL Financial Services AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«Rachat de créances douteuses à un prix calculé en fonction de la probabilité de défaillance des débiteurs – Sixième directive TVA – Portée – Article 2, paragraphe 1 – Prestations de services moyennant une contrepartie – Article 13, B, sous d) – Exonération – Recouvrement de créances et affacturage – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d’imposition»






1. La demande de décision préjudicielle porte sur la cession de créances douteuses par une banque (ci-après la «banque») à GFKL Financial Services AG (ci-après «GFKL») moyennant un prix inférieur à la valeur nominale de la créance. Le Bundesfinanzhof souhaite savoir si une telle acquisition relève du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») et, dans l’affirmative, si cela correspond à un «recouvrement de créances» et, dans l’affirmative, quelle doit être la base imposable.

2. Cette demande a été présentée afin de clarifier la portée de l’arrêt MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring (2). Dans cette affaire, la Cour a jugé qu’une activité économique, par laquelle un opérateur rachète des créances en prenant à sa charge le risque de défaillance des débiteurs et, en contrepartie, facture à ses clients une commission, constitue un «recouvrement de créances» (3). Selon la Cour, la prestation de services consiste, dans un tel cas, à décharger le cédant des opérations de recouvrement des créances et du risque de défaut de paiement de celles-ci (4).

3. Les parties s’opposent sur le point de savoir si la présente affaire relève de la jurisprudence MKG, si elle s’en distingue ou s’il conviendrait de reconsidérer cette jurisprudence.

4. Diogène Laërce, auteur d’un ouvrage sur la philosophie grecque qui vécut dans la première moitié du IIIe siècle, y traite de la définition de l’homme de Platon (5). Il raconte comment Platon a été applaudi lorsqu’il a défini l’homme comme «un animal bipède sans plumes». Lorsque Diogène de Synope, ou le Cynique, a plumé un coq et l’a apporté dans l’amphithéâtre en s’exclamant «Voici l’homme de Platon», l’expression «muni de larges ergots» s’est ajoutée à la définition.

5. La définition de la notion de «recouvrement de créances» adoptée par la Cour dans l’arrêt MKG est large et couvre apparemment non seulement les conventions d’affacturage qui faisaient l’objet de cette affaire, mais aussi toute opération de cession d’une créance et du risque de défaillance qui y est lié. En conséquence, à l’instar de la définition de l’homme de Platon, la présente demande de décision préjudicielle offre l’occasion d’affiner encore la définition donnée dans l’arrêt MKG.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. – La sixième directive TVA (6)

6. L’article 2, point 1, de la sixième directive TVA porte sur le champ d’application de ladite directive. Il énonce que «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» sont soumises à la TVA.

7. L’article 4 définit l’«assujetti» comme quiconque accomplissant, d’une façon indépendante, une des activités économiques mentionnées dans cet article quels que soient les buts de cette activité. Les activités économiques sont énumérées à l’article 4, paragraphe 2:

«Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

8. L’article 6, intitulé «Prestations de services», dispose dans sa partie pertinente:

«1. Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.

Cette opération peut consister entre autres:

– en une cession d’un bien incorporel représenté ou non par un titre,

[…]»

9. L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), définit la base d’imposition comme “tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

10. L’article 13 porte sur les exonérations de TVA. En vertu de l’article 13, B, sous d), points 1 à 3 et 5, les opérations suivantes sont exonérées de TVA:

«1. l’octroi et la négociation de crédits ainsi que la gestion de crédits effectuée par celui qui les a octroyés;

2. la négociation et la prise en charge d’engagements, de cautionnements et d’autres sûretés et garanties ainsi que la gestion de garanties de crédits effectuée par celui qui a octroyé les crédits;

3. les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;

[…]

5. les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres, à l’exclusion:

– des titres représentatifs de marchandises,

– des droits ou titres visés à l’article 5, paragraphe 3».

II – L’arrêt MKG

11. M-GmbH importait des véhicules de la marque Mitsubishi et les commercialisait sur le marché allemand par l’intermédiaire de son propre réseau de revendeurs. Factoring KG (devenue par la suite MKG), laquelle, ensemble avec M-GmbH, faisait partie du groupe Trapp-Dries/Mitsubishi, prenait en charge les opérations de financement de M-GmbH. À cet égard, et en vertu d’un contrat d’affacturage, Factoring KG acquérait chaque semaine les créances de M-GmbH sur les revendeurs au prix de la valeur nominale de ces créances en contrepartie d’une commission d’affacturage de 2 % et d’une prime ducroire de 1 % de la valeur nominale des créances ainsi que d’intérêts dont la base de calcul était la situation débitrice quotidienne des revendeurs auprès de Factoring KG.

12. Factoring KG pratiquait à la fois l’affacturage authentique et l’affacturage non authentique puisque i) elle assumait le risque de défaillance lié à certaines des créances sans avoir un droit de recours à l’encontre de M-GmbH en cas de non-paiement (affacturage authentique) et ii) elle s’était également engagée à recouvrer le reste des créances de M-GmbH en bénéficiant d’un droit de recours contre cette dernière (affacturage non authentique). Selon la pratique des autorités fiscales allemandes, l’affacturage authentique n’était pas considéré comme une prestation de services fournie par l’affactureur et par conséquent aucune déduction n’était autorisée. En revanche, l’affacturage non authentique était considéré comme une prestation de services imposable fournie par l’affactureur (7).

13. Le Bundesfinanzhof a posé deux questions préjudicielles demandant, en substance, si l’affacturage authentique constituait une opération imposable ou s’il était exonéré en vertu d’une des dispositions de l’article 13, B , sous d), de la sixième directive TVA.

14. La Cour a jugé qu’un opérateur qui rachète des créances en prenant à sa charge le risque de défaillance des débiteurs et qui, en contrepartie, facture à ses clients une commission exerce une activité économique au sens de la sixième directive TVA. Elle a également jugé qu’une telle activité n’était pas exonérée de TVA car elle constitue un «recouvrement de créances» et qu’elle est donc exclue de l’exonération établie par l’article 13, B, sous d), point 3.

III – Les faits et les questions préjudicielles

15. Le 26 octobre 2004, GFKL a conclu avec la banque un contrat d’achat en vertu duquel elle a acquis des droits de gage immobiliers et des créances provenant de 70 contrats de prêt dénoncés et déclarés échus (ci-après le «portefeuille») (8) d’une valeur nominale de 15 500 915,16 euros moyennant un prix d’achat de 8 034 883 euros.

16. Les objets vendus étaient réputés «gérés ou détenus» pour le compte et au risque de l’acheteur après la date de référence prévue dans le contrat d’achat, à savoir le 29 avril 2004. Les débiteurs de la banque ont été informés de cette opération et du changement de créancier par des «goodbye letters» envoyées par la banque. En outre, les paiements se rapportant aux objets vendus effectués après cette date devaient bénéficier à GFKL. En vertu du contrat d’achat, la banque vendant les créances était expressément exonérée de toute responsabilité au regard de la recouvrabilité des créances et de la valeur économique des garanties.

17. Selon GFKL, l’acquéreur des créances ne fournit pas au vendeur une prestation de services soumise à la TVA. Elle a néanmoins établi une déclaration fiscale provisoire à la suite d’une lettre du Bundesministerium der Finanzen (ministère fédéral des finances) visant à mettre en œuvre l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire MKG.

18. Pour calculer le montant de TVA à déclarer, GFKL est partie du postulat que la contrepartie consistait en la différence entre la «valeur nominale économique» («wirtschaftlicher Nennwert») du portefeuille, telle que convenue entre les parties (à savoir la créance susceptible d’être recouvrée moins les intérêts pour la période au cours de laquelle la créance est susceptible d’être recouvrée au taux de 5,97 %), et le prix d’achat. Les parties ont calculé que la valeur nominale économique de la créance s’élevait à 8 399 808 euros.

19. Ensuite, GFKL a introduit une réclamation contre sa déclaration provisoire de TVA. Le défendeur, le Finanzamt Essen-NordOst (centre des impôts d’Essen...

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1 cases
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    • 27 Octubre 2011
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