Raymond Beaulande v Directeur des services fiscaux de Nantes.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:348
Docket NumberC-208/91
Celex Number61991CC0208
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 September 1992
EUR-Lex - 61991C0208 - FR 61991C0208

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 septembre 1992. - Raymond Beaulande contre Directeur des services fiscaux de Nantes. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Nantes - France. - Interprétation de l'article 33 de la sixième directive TVA. - Affaire C-208/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-06709


Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par la question préjudicielle qu' il vous pose, le tribunal de grande instance de Nantes vous invite à déterminer si des droits d' enregistrement perçus sur un terrain à bâtir n' ayant pas, contrairement à l' engagement pris à cet égard, été construit dans les quatre années suivant son acquisition ont le caractère de taxe sur le chiffre d' affaires au sens de l' article 33 de la sixième directive du Conseil (1) (ci-après "sixième directive") et sont, en conséquence, incompatibles avec le régime de TVA applicable.

2. Les faits peuvent succinctement se résumer ainsi. M. Beaulande, qui exerçait la profession de constructeur et était donc à ce titre un professionnel assujetti au régime de la TVA, acquérait le 16 janvier 1980 une maison sise à Nantes en prenant l' engagement de la démolir et d' édifier sur son emplacement un immeuble à usage d' habitation dans un délai de quatre ans.

3. Le terrain n' ayant pas été bâti dans le temps prescrit, l' administration fiscale, après avoir rejeté une demande de prorogation de délai formulée par l' intéressé, notifiait le 26 février 1985 à ce dernier un redressement qu' elle mettait en recouvrement pour la somme de 221 700 FF (au titre des droits d' enregistrement) et 73 091 FF (droit supplémentaire de 6 %).

4. M. Beaulande contestait cette modification de son régime d' imposition et formulait, auprès des services fiscaux, une réclamation, qui faisait l' objet d' une décision de rejet le 2 juin 1989.

5. Il assignait alors, le 14 septembre 1989, le directeur des services fiscaux de Loire Atlantique devant le tribunal de grande instance de Nantes en invoquant trois moyens. Le juge a quo rejetait les deux premiers relatifs à l' application du seul droit national et, sur le troisième, posait à la Cour une question préjudicielle visant, en substance, à définir, au regard de la notion communautaire de taxe sur le chiffre d' affaires, la nature des droits d' enregistrement réclamés par l' administration fiscale.

6. Les dispositions nationales et communautaires pertinentes auxquelles nous nous référerons en tant que de besoin figurent au rapport d' audience.

7. En droit français, le système de la TVA immobilière s' est progressivement détaché des traditionnels droits d' enregistrement, qui, à l' origine, avaient vocation à régir toutes les mutations d' immeubles (2). Le développement de l' urbanisation et l' émergence d' un secteur économique important, celui du bâtiment, ont conduit le législateur national (3) à assujettir les opérateurs économiques intervenant de l' acquisition du terrain nu à la première vente de l' immeuble achevé à un impôt neutre, la TVA.

8. Toutefois, les anciens droits d' enregistrement n' ont pas totalement disparu puisque le régime actuel se présente de façon alternative. En effet, si l' article 257-7 , du code général des impôts (ci-après "CGI") inclut dans le champ d' application de la TVA les "opérations concourant à la production ou à la livraison d' immeubles", le marchand de biens ou le constructeur peuvent opter pour l' application de la taxe de publicité foncière ou du droit d' enregistrement au taux de 0,60 % (article 692 du CGI).

9. Dans le cas présent, le requérant, ayant choisi de se placer sous le régime de la TVA immobilière, avait acquitté cette taxe au taux en vigueur et s' était vu exonéré du paiement des droits d' enregistrement sous réserve, conformément à l' article 691 II 1 du CGI (4), de l' engagement de construire dans un délai de quatre ans.

10. Faute d' avoir observé cet engagement, donc d' avoir pu rapporter la preuve de l' exécution des travaux prévus (article 691 II 2 du CGI), M. Beaulande s' est vu réclamer les sommes précitées, en exécution de l' article 1840 G ter du CGI. Toutefois, et conformément à l' article 291 de l' annexe II du CGI, la TVA payée lors de l' achat et non encore déduite a pu être imputée sur les droits d' enregistrement réclamés.

11. On le voit, le régime national ne cumule pas la TVA et les droits d' enregistrement. Dans l' hypothèse où le constructeur s' acquitte de son obligation de bâtir dans le délai imparti, il est assujetti au seul régime de la TVA immobilière et exonéré des droits d' enregistrement. Dans le cas inverse, les droits d' enregistrement, majorés d' un droit supplémentaire de 6 %, lui seront réclamés, étant précisé que la TVA qu' il aurait versée sans pouvoir procéder à déduction s' imputerait sur cette somme. L' opération est alors en quelque sorte rétroactivement placée sous l' empire des droits de mutation. Les deux taxes ne sont donc pas cumulatives, mais bien alternatives.

12. L' article 33 de la directive visé par le juge de renvoi est ainsi libellé:

"Sans préjudice d' autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l' introduction par un État membre de taxes sur les contrats d' assurance, sur les jeux et paris, d' accises, de droits d' enregistrement et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n' ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires."

13. Vous avez été amenés, une dizaine de fois (5), à examiner la compatibilité de...

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