O2 Holdings Limited and O2 (UK) Limited v Hutchison 3G UK Limited.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:63
Docket NumberC-533/06
Celex Number62006CC0533
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date31 January 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 31 janvier 2008 (1)

Affaire C‑533/06

O2 Holdings Ltd,

O2 (UK) Ltd

contre

Hutchison 3G UK Ltd.

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Directive 84/450/CEE – Publicité comparative – Utilisation de la marque ou d’un signe similaire à la marque d’un concurrent dans une publicité comparative – Applicabilité de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE – Conditions de licéité de la comparaison dans la publicité – Caractère indispensable de la référence à la marque du concurrent»





1. Par la présente demande de décision à titre préjudiciel, la Court of Appeal (England & Wales) (civil Division) (Royaume-Uni) soumet à la Cour des questions portant sur l’interprétation de dispositions contenues dans la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (2), et dans la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (3), telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (4).

2. Lesdites questions sont soulevées dans le cadre d’un litige opposant des entreprises actives dans le secteur de la téléphonie mobile, O2 Holdings Ltd et O2 (UK) Ltd (ci-après, ensemble, «O2»), d’une part, à Hutchison 3G UK Ltd (ci-après «H3G»), d’autre part, à propos d’une campagne publicitaire télévisée menée par cette dernière au Royaume-Uni pour promouvoir ses services de téléphonie mobile.

Le cadre juridique

3. L’article 5 de la directive 89/104, intitulé «Droits conférés par la marque», dispose:

«1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque.

2. Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’État membre et que l’usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

3. Si les conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2 sont remplies, il peut notamment être interdit:

a) d’apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d’offrir les produits, de les mettre dans le commerce ou de les détenir à ces fins, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe;

c) d’importer ou d’exporter les produits sous le signe;

d) d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité.

[…]

5. Les paragraphes 1 à 4 n’affectent pas les dispositions applicables dans un État membre et relatives à la protection contre l’usage qui est fait d’un signe à des fins autres que celle de distinguer les produits ou services, lorsque l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

4. L’article 6 de la directive 89/104, intitulé «Limitation des effets de la marque», prévoit, à son paragraphe 1:

«Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires,

a) de son nom et de son adresse;

b) d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci;

c) de la marque lorsqu’elle est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoires ou pièces détachées,

pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.»

5. La directive 97/55 a introduit dans la directive 84/450, qui ne concernait, à l’origine, que la publicité trompeuse, une série de dispositions en matière de publicité comparative.

6. L’article 2, point 2 bis), de la directive 84/450, telle que modifiée par la directive 97/55 (ci-après la «directive 84/450») (5), définit la «publicité comparative », aux fins de cette directive, «toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent».

7. L’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450 dispose:

«Pour autant que la comparaison est concernée, la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satisfaites:

a) elle n’est pas trompeuse au sens de l’article 2 point 2, de l’article 3 et de l’article 7 paragraphe 1;

b) elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif;

c) elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, dont le prix peut faire partie;

d) elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent;

e) elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent;

f) pour les produits ayant une appellation d’origine, elle se rapporte dans chaque cas à des produits ayant la même appellation;

g) elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents;

h) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés.»

L’affaire au principal et les questions préjudicielles

8. Aux fins de la promotion, en particulier, de ses services de téléphonie mobile, O2 utilise différentes images de bulles. Elle est notamment titulaire, outre de marques constitués de la combinaison de la lettre O et du chiffre 2 (ci-après les «marques O2»), de deux marques figuratives qui représentent chacune une image statique de bulles, enregistrées au Royaume-Uni pour des appareils et des services de télécommunication (ci-après les «marques aux bulles»). Il ressort de la décision de renvoi qu’il est prouvé que les consommateurs associent exclusivement à O2 les images de bulles dans l’eau (en particulier sur fond bleu dégradé) utilisées dans un contexte de téléphonie mobile.

9. H3G offre, au Royaume-Uni, des services de téléphonie mobile caractérisés par le signe «3» seulement depuis mars 2003, alors que d’autres opérateurs, parmi lesquels O2, avaient une position bien établie sur le marché. En mars 2004, H3G a lancé un service prépayé appelé «Threepay» et, dans le courant de la même année, une campagne publicitaire comparative, dans le cadre de laquelle étaient diffusés sur les écrans de télévision des messages publicitaires effectuant une comparaison de prix avec les services d’opérateurs concurrents.

10. O2 a introduit devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, une action en contrefaçon des marques O2 et des marques aux bulles, dirigée contre H3G et visant un message publicitaire télévisé que cette dernière avait fait diffuser, lequel utilisait, en plus de l’image stylisée et animée d’un 3, le terme «O2» ainsi que des images de bulles en mouvement, et dont il découlait, en substance, que le service «Threepay» était moins cher que le service analogue offert par O2 (ci-après la «publicité litigieuse»).

11. Dans le cadre de cette action, O2 a ensuite cessé de faire valoir la contrefaçon des marques O2 (6) et a admis que la comparaison concernant les prix correspondait à la vérité et que, dans son ensemble, la publicité litigieuse n’était en aucune façon trompeuse et, en particulier, ne suggérait aucun type de relation, d’un point de vue commercial, entre O2 et H3G. Le public moyen aurait considéré l’utilisation du signe O2 et des bulles comme une référence à O2 et à son image et aurait compris qu’il s’agissait de la publicité d’un concurrent, 3, qui affirmait que le prix de son service était inférieur (7).

12. L’action en contrefaçon, visant désormais la seule utilisation des images de bulles dans la publicité litigieuse, a été rejetée par jugement du 23 mars 2006. En substance, le juge saisi a considéré que l’utilisation en question relevait, certes, du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104, mais que la publicité en cause était conforme à l’article 3 bis, paragraphe 1, de la directive 84/450, de sorte que les conditions pour l’application de l’exception visée à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 étaient réunies.

13. O2 a fait appel de ce jugement devant la Court of Appeal, en contestant l’application de ladite exception. H3G a contesté à son tour le jugement en question dans la partie où il était déclaré que la publicité litigieuse relevait du champ d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104 et a demandé, en tout état de cause, le rejet de l’appel formé par O2.

14. Afin de résoudre ce litige, la...

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