Ingeniørforeningen i Danmark v Dansk Arbejdsgiverforening.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:675
Docket NumberC-405/08
Celex Number62008CC0405
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 October 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 29 octobre 2009 (1)

Affaire C‑405/08

Ingeniørforeningen i Danmark

contre

Dansk Arbejdsgiverforening

[demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret (Danemark)]

«Politique sociale – Information et consultation des travailleurs – Directive 2002/14/CE – Article 7 – Protection des représentants des travailleurs – Transposition de la directive par un accord collectif – Effets de l’accord collectif sur un travailleur n’étant pas membre de l’organisation syndicale signataire de cet accord – Loi de transposition pour des travailleurs non couverts par l’accord collectif – Protection renforcée des représentants des travailleurs contre le licenciement»





1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Ingeniørforeningen i Danmark (fédération danoise des ingénieurs, ci‑après l’«IDA»), agissant pour M. Holst, ancien employé de la société Babcock & Wilcox Vølund ApS (ci‑après «BWV»), à la Dansk Arbejdsgiverforening (confédération du patronat danois, ci‑après la «DA»), agissant pour BWV, au sujet du licenciement de M. Holst par cette entreprise.

3. Le problème principal que pose cette affaire consiste à déterminer si l’article 7 de la directive 2002/14, aux termes duquel «[l]es États membres veillent à ce que les représentants des travailleurs jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une protection et de garanties suffisantes leur permettant de réaliser d’une façon adéquate les tâches qui leur ont été confiées», implique que ces représentants doivent bénéficier d’une protection renforcée contre le licenciement.

4. Dans les présentes conclusions, nous proposerons, en premier lieu, à la Cour de dire pour droit que la directive 2002/14 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’un travailleur qui n’est pas membre d’une organisation syndicale signataire d’un accord collectif puisse se voir appliquer un tel accord.

5. Nous l’inviterons, en second lieu, à considérer que l’article 7 de la directive 2002/14 doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas que les représentants des travailleurs bénéficient d’une protection renforcée contre le licenciement. Nous préciserons qu’il résulte toutefois de cet article, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette même directive, que les représentants des travailleurs doivent pouvoir faire vérifier, le cas échéant en se fondant sur des dispositions nationales applicables à tous les travailleurs et protégeant ceux‑ci contre le licenciement abusif, si leur licenciement est ou non motivé par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs et, si tel s’avère être le cas, pouvoir faire sanctionner un tel comportement de l’employeur.

I – Le cadre juridique

A – La réglementation communautaire

6. Aux termes de l’article 1er de la directive 2002/14:

«1. La présente directive a pour objectif d’établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté.

2. Les modalités d’information et de consultation sont définies et mises en œuvre conformément à la législation nationale et aux pratiques en matière de relations entre les partenaires sociaux en vigueur dans les différents États membres, de manière à assurer l’effet utile de la démarche.

3. Lors de la définition ou de la mise en œuvre des modalités d’information et de consultation, l’employeur et les représentants des travailleurs travaillent dans un esprit de coopération et dans le respect de leurs droits et obligations réciproques, en tenant compte à la fois des intérêts de l’entreprise ou de l’établissement et de ceux des travailleurs.»

7. Les représentants des travailleurs sont définis à l’article 2, sous e), de la directive 2002/14 comme étant les «représentants des travailleurs prévus par les législations et/ou pratiques nationales».

8. L’article 4, paragraphe 1, de cette directive prévoit que, «[d]ans le respect des principes énoncés à l’article 1er et sans préjudice des dispositions et/ou pratiques en vigueur plus favorables aux travailleurs, les États membres déterminent les modalités d’exercice du droit à l’information et à la consultation au niveau approprié, conformément [à cet] article».

9. L’article 5 de ladite directive dispose, en outre, que «[l]es États membres peuvent confier aux partenaires sociaux au niveau approprié, y compris au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, le soin de définir librement et à tout moment par voie d’accord négocié les modalités d’information et de consultation des travailleurs. Ces accords, et les accords existant à la date figurant à l’article 11, ainsi que les éventuelles prorogations ultérieures de ces accords, peuvent prévoir, dans le respect des principes énoncés à l’article 1er et dans des conditions et limites fixées par les États membres, des dispositions différentes de celles visées à l’article 4».

10. Aux termes de l’article 7 de la directive 2002/14, «[l]es États membres veillent à ce que les représentants des travailleurs jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une protection et de garanties suffisantes leur permettant de réaliser d’une façon adéquate les tâches qui leur ont été confiées».

11. Par ailleurs, l’article 8 de cette directive est libellé comme suit:

«1. Les États membres prévoient des mesures appropriées en cas de non-respect de la présente directive par l’employeur ou les représentants des travailleurs. En particulier, ils veillent à ce qu’il existe des procédures administratives ou judiciaires appropriées pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.

2. Les États membres prévoient des sanctions adéquates applicables en cas de violation des dispositions de la présente directive par l’employeur ou les représentants des travailleurs. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.»

12. Enfin, l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2002/14 prévoit que «[l]es États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à [cette] directive au plus tard le 23 mars 2005, ou s’assurent que les partenaires sociaux mettent en place à cette date les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toutes les dispositions nécessaires pour leur permettre d’être toujours en mesure de garantir les résultats imposés par [ladite] directive. Ils en informent immédiatement la Commission.»

B – La réglementation nationale

1. La loi relative à l’information et à la consultation des travailleurs

13. La directive 2002/14 a été transposée en droit danois par la loi n° 303 relative à l’information et à la consultation des travailleurs (lov nr. 303 om information og høring af lønmodtagere), du 2 mai 2005 (ci‑après la «loi de 2005»), qui est entrée en vigueur le 15 mai 2005.

14. Selon l’article 3 de la loi de 2005, celle‑ci ne s’applique pas si l’obligation d’information et de consultation des travailleurs incombant à l’employeur résulte d’une convention ou d’un accord collectif dont le contenu correspond au moins aux dispositions de la directive 2002/14.

15. L’article 8 de la loi de 2005 dispose que «[l]es représentants des travailleurs qui doivent être informés et consultés en cette qualité sont protégés contre le licenciement et contre toute détérioration de leurs conditions de travail dans les mêmes conditions que les représentants du personnel des mêmes catégories professionnelles ou équivalentes».

16. Il ressort de la décision de renvoi que cette disposition renvoie à la protection générale contre le licenciement des délégués du personnel et des délégués syndicaux inscrite dans la quasi‑totalité des conventions et accords collectifs danois (hors personnel de direction). Cette protection implique que l’employeur a l’obligation de démontrer l’existence de motifs impérieux pour procéder au licenciement de cette catégorie de représentants du personnel et que ce licenciement ne peut pas être évité, par exemple par le licenciement d’un autre travailleur.

2. La loi relative aux employés salariés

17. Tous les travailleurs relevant de la loi relative aux employés salariés (funktionærloven, ci‑après la «FL») bénéficient d’une protection contre le licenciement abusif, en application de l’article 2 b de la FL, qui prévoit une indemnisation pouvant aller jusqu’à six mois de salaire si le licenciement ne peut être considéré avoir de justes motifs au regard du comportement du travailleur ou de la situation de l’entreprise.

18. Il ressort de la décision de renvoi que la protection prévue à l’article 2 b de la FL est moindre que celle dont bénéficie un représentant du personnel en vertu des conventions et accords collectifs prévoyant l’obligation d’établir l’existence de motifs impérieux.

3. Le...

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1 cases
  • Ingeniørforeningen i Danmark v Dansk Arbejdsgiverforening.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2010
    ...C-405/08 Ingeniørforeningen i Danmark, agissant pour Bertram Holst Dansk Arbejdsgiverforening, agissant pour Babcock & Wilcox Vølund ApS (demande de décision préjudicielle, introduite par le Vestre Landsret) «Politique sociale — Information et consultation des travailleurs — Directive 2002/......

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