CRT France International SA v Directeur régional des impôts de Bourgogne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:57
Date04 February 1999
Celex Number61998CC0109
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-109/98
EUR-Lex - 61998C0109 - FR 61998C0109

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 4 février 1999. - CRT France International SA contre Directeur régional des impôts de Bourgogne. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Dijon - France. - Taxe sur la livraison des postes CB - Taxe d'effet équivalent - Imposition intérieure - Applicabilité de l'interdiction aux échanges avec les pays tiers. - Affaire C-109/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-02237


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Par sa demande de décision préjudicielle, présentée en vertu de l'article 177 du traité CE, le tribunal administratif de Dijon (France) a saisi la Cour d'une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 9, 12 et 95 du traité CE. Concrètement, la Cour est invitée à dire si une taxe telle que celle qui a été instituée en vertu de l'article 302 bis X du code général des impôts français sur les livraisons en France de postes émetteurs-récepteurs, connus sous la dénomination CB, est, en violation des articles 9 et 12 du traité, une taxe d'effet équivalant à un droit de douane ou s'il s'agit d'une imposition intérieure conforme à l'article 95 du traité précité.

II - Le cadre législatif

A - Le cadre législatif communautaire

2 L'article 9 du traité dispose ce qui suit:

«1. La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, ainsi que l'adoption d'un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.

2. Les dispositions du chapitre 1, section 1, et du chapitre 2 du présent titre s'appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu'aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.»

3 L'article 12 du traité, quant à lui, prévoit ce qui suit:

«Les États membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent, et d'augmenter ceux qu'ils appliquent dans leurs relations commerciales mutuelles.»

4 En outre, selon l'article 95 du traité:

«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions.

Les États membres éliminent ou corrigent, au plus tard au début de la deuxième étape, les dispositions existant à l'entrée en vigueur du présent traité qui sont contraires aux règles ci-dessus.»

5 Par ailleurs, selon l'article 113, paragraphe 1, du traité CE, «la politique commerciale commune est fondée sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d'accords tarifaires et commerciaux, l'uniformisation des mesures de libération, la politique d'exportation, ainsi que les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions».

6 Enfin, selon l'article 30 du traité CE:

«Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres, sans préjudice des dispositions ci-après.»

B - Le cadre législatif national

7 L'article 302 bis X du code général des impôts français, qui a codifié les dispositions de l'article 83 de la loi n_ 92-1476, du 31 décembre 1992, entrée en vigueur le 1er janvier 1993 (1), disposait (2) que:

«I. Les livraisons en France de postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés, dits postes CB, sont soumises au paiement d'une taxe de 250 FF.

Ne sont pas assujettis à cette taxe les postes CB ayant au maximum 40 canaux, fonctionnant exclusivement en modulation angulaire avec une puissance en crête de modulation de 4 watts maximum.

II. La taxe est due par les fabricants, les importateurs ou les personnes qui effectuent des acquisitions intracommunautaires au sens du 3_ du I de l'article 256 bis à raison des opérations visées au I qu'ils réalisent.

III. La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.»

III - Les faits

8 La société SA CRT France International (ci-après «CRT») importe et vend en France du matériel électronique, notamment des postes CB.

9 A la suite d'une vérification de comptabilité dans la société CRT, le service fiscal compétent a émis, le 25 octobre 1993, un redressement fiscal, entre autres en ce qui concerne la taxe sur les livraisons de postes CB, comme le prévoyait l'article 302 bis X, précité, du code général des impôts. Après le rejet de la réclamation de la société CRT et après de vaines tentatives d'accord, l'administration fiscale a émis, le 18 octobre 1996, un avis de mise en recouvrement à charge de cette société pour un montant de 25 127 160 FF.

10 Le 18 août 1997, la société CRT, contestant les redressements précités, a saisi la juridiction de renvoi d'un recours contre l'avis de recouvrement du montant précité. Dans son recours, elle a fait valoir entre autres que la taxe précitée sur les postes CB n'est pas conforme au droit communautaire dans la mesure où elle constitue une taxe d'effet équivalant à un droit de douane, contraire à l'article 12 du traité de Rome. En revanche, l'administration fiscale a soutenu qu'il s'agit d'une imposition intérieure au sens de l'article 95 du traité précité.

IV - La question préjudicielle

11 Par ordonnance du 24 mars 1998, le tribunal administratif de Dijon, estimant qu'il est indispensable d'obtenir une interprétation pour résoudre le litige au principal, a sursis à statuer et a posé à la Cour de justice la question suivante:

«Les dispositions des articles 9, 12 et 95 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne font-elles obstacle à ce que les autorités nationales mettent à la charge des fabricants, importateurs et personnes qui effectuent des livraisons en France de postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés une taxe dont le régime est fixé par l'article 302 bis X du code général des impôts?»

V - La réponse à la question préjudicielle

12 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande en substance à la Cour d'interpréter le traité, plus précisément de lui indiquer quelle est la qualification juridique de la taxe prévue par l'article 302 bis X, précité, du code général des impôts à la lumière des articles 9, 12 et 95 du traité et, éventuellement, si cette taxe est conforme à ces articles (3).

Nous examinerons cette question préjudicielle sur le fond (B) après avoir d'abord fait certaines remarques préliminaires sur sa recevabilité (A).

A - Sur la recevabilité de la question préjudicielle

13 Bien que ni le gouvernement français, ni la Commission, ni la société CRT ne soulèvent le problème de la recevabilité de la question préjudicielle posée, on pourrait penser à première vue que la juridiction de renvoi ne satisfait pas à l'exigence fondamentale de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile requiert, évidemment aussi en fonction des caractéristiques de chaque affaire concrète et du contenu des questions posées, que le juge national détermine le cadre factuel et réglementaire dans lequel les questions posées s'inscrivent ou, du moins, explique les prémisses logiques sur lesquelles ces questions sont basées (4).

En effet, dans la présente affaire, le tribunal administratif de Dijon n'a pas exposé en détail le cadre juridique et factuel dans lequel s'inscrit la question qu'il pose. Plus précisément, l'ordonnance de renvoi n'analyse pas les éléments et l'évolution du régime de la taxe litigieuse et ne s'efforce pas d'examiner si cette taxe est ou non conforme au droit communautaire. En outre, la juridiction de renvoi ne précise ni quelle est l'origine des postes CB ni s'il existe une production nationale de ces postes, données qui, ainsi qu'il apparaîtra plus loin, sont déterminantes pour répondre à la question préjudicielle.

14 En dépit de cela, il faut faire remarquer que, si la Cour tient compte des éléments du dossier de la procédure au principal et des données qui ressortent des observations écrites déposées devant elle, elle dispose d'informations suffisantes pour pouvoir interpréter les dispositions du droit communautaire dans l'affaire qui fait l'objet de la procédure au principal.

En outre, selon ce qui est admis dans la jurisprudence de la Cour, pour autant que la Cour n'est pas invitée à se prononcer sur un problème hypothétique, il suffit que le dossier transmis par la juridiction nationale et les observations écrites présentées par les parties au principal fournissent à la Cour des informations suffisantes lui permettant d'interpréter les règles de droit communautaire au regard de la situation faisant l'objet du litige au principal, et cela bien que le juge national n'ait pas décrit la situation matérielle et juridique d'une manière exhaustive (5).

15 Sur la base de ces précisions, nous pensons que les insuffisances de l'ordonnance de renvoi ne rendent pas la question préjudicielle irrecevable.

B - Sur le fond

a) En ce qui concerne la qualification juridique de la taxe à la lumière des articles 9, 12 et 95 du traité

16 Les articles 9, 12 et 95 du traité visent à supprimer les discriminations entre les produits importés et les produits nationaux afin de faciliter la libre circulation des marchandises...

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