Criminal proceedings against Guerrino Casati.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1981:164
Date07 July 1981
Celex Number61980CC0203
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket Number203/80
61980C0203

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. FRANCESCO CAPOTORTI,

PRÉSENTÉES LE 7 JUILLET 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.

L'origine de la présente affaire préjudicielle se situe dans le cadre d'un cas de réexportation de devises, précédemment importées dans un État membre par un ressortissant résidant dans un autre État membre, sans que l'importation ait été liée à des contreprestations déterminées. Il s'agit essentiellement d'établir si, et dans l'affirmative comment, un phénomène de ce genre est réglementé en droit communautaire, et si non seulement les restrictions établies en la matière par la loi d'un État membre mais également les sanctions prévues contre celui qui les viole, sont compatibles avec le droit communautaire. Tout cela entraîne la nécessité d'interpréter un certain nombre de dispositions du traité CEE et de normes dérivées relatives aux mouvements de capitaux: réglementation qui soulève des problèmes très importants en raison également de leur nouveauté. Nous observons en effet que la Cour n'a pas eu jusqu'ici l'occasion de se prononcer en matière de circulation des capitaux, abstraction faite de certaines affirmations génériques et incidentes contenues dans les attendus de l'arrêt du 23 novembre 1978 relatif à l'affaire 7/78, Regina/Thompson (Recueil 1978, p. 2247).

Résumons brièvement les faits.

Un procès pénal est pendant devant le tribunal de Bolzano contre M. Guerrino Casati, ressortissant italien résidant en république fédérale d'Allemagne, pour avoir tenté d'exporter, sans l'autorisation prescrite par la législation italienne sur les changes, la somme de 650000 lires et 24000 DM, somme dont il a été trouvé en possession alors qu'il sortait du territoire italien, à la frontière avec l'Autriche. Il s'est justifié en affirmant avoir précédemment importé cette somme en Italie en vue d'acheter des appareils mécaniques (des machines destinées à la fabrication des pâtes et des glaces) qui lui étaient nécessaires pour le restaurant dont il est propriétaire à Cologne, et d'avoir été obligé de réexporter les devises parce que la fabrique où il entedait effectuer son achat était fermée pour cause de congé. Au cours de la procédure, le tribunal de Bolzano a décidé, par ordonnance du 6 octobre 1980, de soumettre à la Cour, sur la base de l'article 177 du traité CEE, huit questions dont nous nous réservons de citer le texte au fur et à mesure que nous les examinerons.

2.

Pour la compréhension correcte des problèmes soulevés par le juge du fond, nous estimons opportun de faire quelques remarques préliminaires au sujet de la réglementation italienne concernant l'importation et l'exportation de devises étrangères par des sujets qui ne résident pas en Italie. Cette réglementation s'inspire du critère consistant à laisser libre l'importation et à soumettre en revanche l'exportation à un contrôle administratif précis. En effet, l'article 14 du décret ministériel du 7 août 1978 dispose: «il est permis d'importer librement, par quelque moyen que ce soit, des titres de créance émis ou payables à l'étranger, ainsi que des billets d'État ou de banque étrangers ayant cours légal»; tandis que, en vertu de l'article 13 b) du même décret, «l'exportation, par des non-résidents, de titre de créance, émis ou payables à l'étranger ..., de billets d'État ou de banque étrangers ... est permise dans les limites de l'importation précédente ... ou du montant légalement acquis en Italie, selon les modalités fixées par le ministre du commerce extérieur». Ces modalités avaient déjà été indiquées dans la circulaire de l'office des changes italien no A/300 du 3 mai 1974, qui, en son article 11, dispose, à propos des devises, que les non-résidents peuvent réexporter les billets d'État et de banque étrangers précédemment importés à condition que, au moment de l'importation, ils aient fait la déclaration de possession de valeurs et de devises (en remplissant le formulaire V 2) ; il s'agit d'une déclaration qui doit être reçue et visée par la douane et restituée au voyageur au moment de son entrée sur le territoire italien. Cela signifie que, en l'absence du formulaire V2 dûment visé, il est interdit à un non-résident de réexporter les devises importées, à moins qu'il ne se munisse d'une autorisation ad hoc de l'office des changes italien. L'exportation éventuelle non autorisée pour une valeur supérieure à 500000 lires est un délit au sens de l'article 1 du décret-loi no 31 du 4 mars 1976 (devenu la loi no 159 du 30 avril 1976 et modifié ultérieurement par la loi no 863 du 23 décembre 1976): la peine prévue est celle de la réclusion d'un à six ans et d'une amende d'un montant allant du double au quadruple de la valeur des devises exportées. La tentative de délit est assimilée au délit accompli. La jurisprudence italienne a appliqué cette règle en qualifiant de contravention pénale la réexportation de devises importées lorsque, à la sortie du territoire de l'État, le voyageur ne se trouve pas en possession du formulaire V 2 qui prouve la provenance légitime des devises: rappelons les arrêts de la Cour de cassation (première chambre pénale) no 1879 du 17 décembre 1979 et no 4779 du 12 avril 1980. Cette orientation a été récemment confirmée par le décret ministériel du 12 mars 1981 sur les règlements monétaires et les rapports financiers avec l'étranger (publié dans la Gazzetta ufficiale italiana no 82 du 24 mars 1981, supplément ordinaire), dont l'article 49, alinéa 1, dispose que, pour pouvoir légalement réexporter des billets d'État et de banque étrangers, «les non-résidents doivent, lors de l'introduction de ces billets sur le territoire de la République, se faire délivrer, à titre de preuve de ce fait, une attestation douanière expresse utilisable, dans le but susdit, dans les six mois à compter de sa délivrance».

3.

Au cours de la procédure orale, le représentant du gouvernement français a fait remarquer que le cas d'espèce concerne une tentative d'exportation de devises effectuée à la frontière entre la République italienne et la République autrichienne. Il y aurait donc une raison de mettre en doute l'applicabilité des règles communautaires sur la libre circulation des capitaux et l'on pourrait estimer que les réponses aux questions formulées par le tribunal de Bolzano ne sont pas destinées à avoir une influence sur la solution de l'affaire pendante devant ce tribunal. En conséquence, la Cour devrait refuser de fournir ces réponses: à l'appui de cette thèse, le représentant du gouvernement français a invoqué l'arrêt de la Cour du 11 mars 1980 dans l'affaire 104/79, Foglia/Novello (Recueil 1980, p. 745), dont il déduit que la Cour ne possède pas de compétence préjudicielle lorsque les questions posées par le juge national sur la base de l'article 177 du traité CEE ne se rattachent pas à un litige effectif.

Nous n'entendons pas prendre position ici sur la portée et sur les implications possibles de ce précédent. Nous nous limiterons à observer que, quelle qu'en soit la valeur, il ne peut pas être utilement invoqué pour soutenir l'incompétence de la Cour dans la présente affaire. En effet, nous croyons qu'il faut absolument exclure, à la suite des résultats de la procédure, que le litige pendant devant le tribunal de Bolzano a été créé artificiellement. D'autre part, nous estimons arbitraire d'étendre la ratio de l'arrêt Foglia/Novello à l'hypothèse bien différente dans laquelle on peut craindre que le juge national parvienne à la conviction, après s'être adressé à la Cour, qu'il est possible de trancher l'affaire au fond en faisant abstraction des règles communautaires dont il a demandé l'interprétation. En réalité, mettre en doute qu'un cas d'espèce déterminé entre dans le champ d'application des règles communautaires auxquelles se réfèrent les questions préjudicielles, équivaut à s'interroger sur l'importance de ces questions, pour la solution de l'affaire principale. Mais la constatation de ce point n'entre pas dans la compétence de notre Cour au titre de l'article 177 cité; c'est exclusivement au juge national qu'il appartient de faire cette constatation. A ce sujet, les précédents jurisprudentiels sont très nombreux: parmi les arrêts les plus récents rappelons celui du 5 octobre 1977 dans l'affaire 5/77, Tedeschi (Recueil 1977, p. 1555); du 16 novembre 1977 dans l'affaire 13/77, G. B. Inno (Recueil 1977, p. 2115); du 29 novembre 1978 dans l'affaire 83/78, Pigs Marketing Board (Recueil 1978, p. 2347); du 14 février 1980 dans l'affaire 53/79, ONFTS/Damiani (Recueil 1980, p. 273).

4.

Par la première question, le juge italien demande «si, après l'expiration de la période de transition, les restrictions aux mouvements de capitaux visées à l'article 67 du traité CEE doivent être considérées comme supprimées, indépendamment des dispositions de l'article 69».

On sait que la liberté de circulation des capitaux est réglementée dans le chapitre 4 du titre III du traité, comprenant les articles 67 à 73. L'article 67, paragraphe 1, dispose: «les États membres suppriment progressivement entre eux, pendant la période de transition et dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les restrictions aux mouvements de capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement». A son tour, l'article 69 dispose: «le Conseil, statuant sur proposition de la Commission qui consulte à cette fin le comité monétaire prévu à l'article 105, arrête, à l'unanimité au cours des deux premières étapes et à la majorité qualifiée par la suite, les directives nécessaires à la mise en œuvre progressive des dispositions de l'article 67».

La question reproduite ci-dessus tient compte évidemment de la jurisprudence de la Cour sur l'effet direct de certaines règles du...

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