Hans Eckelkamp and Others v Belgische Staat.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:169
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 March 2008
Docket NumberC-11/07
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62007CC0011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 13 mars 2008 (1)

Affaire C‑11/07

Hans Eckelkamp e.a.

contre

Belgische Staat

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Gent (Belgique)]

«Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 58 CE – Restrictions – Impôt sur les successions – Déductibilité de certaines dettes garanties par un mandat hypothécaire – Refus au motif que le de cujus n’était pas résident au moment du décès»





I – Introduction

1. Par la question déférée à la Cour à titre préjudiciel par arrêt rendu le 9 janvier 2007, le hof van beroep te Gent (cour d’appel de Gand, Belgique) entend essentiellement s’entendre dire si la législation belge relative à l’imposition des successions est compatible avec les articles 56 CE et 58 CE relatifs à la libre circulation des capitaux et avec les articles 12 CE, 17 CE et 18 CE relatifs à la liberté, pour les ressortissants de l’Union, d’établir leur résidence dans un autre État membre. De manière plus spécifique, la juridiction de renvoi voudrait savoir si ces dispositions du traité CE s’opposent à une législation d’un État membre qui – aux fins de la détermination de l’assiette de l’impôt dû sur la transmission par succession d’un bien immeuble situé sur le territoire de l’État membre concerné – permet de prendre en compte certaines charges, telles que les dettes garanties par le droit conféré à un créancier de prendre une hypothèque sur cette propriété immobilière si, au moment du décès, le de cujus résidait dans cet État membre, mais ne le permet pas s’il résidait dans un autre État membre.

2. Les questions soulevées dans la présente affaire sont très semblables à celles soulevées dans l’affaire Arens-Sikken (2) – dans laquelle nous présentons également nos conclusions ce jour –, qui concerne aussi une législation nationale en vertu de laquelle, afin de déterminer l’impôt dû sur l’acquisition par voie de succession d’un bien immeuble situé sur le territoire national, certaines charges ne sont pas déductibles lorsque, au moment du décès, le défunt résidait dans un autre État membre.

3. En répondant aux questions posées dans le présent litige, la Cour aura l’occasion de développer la jurisprudence existante relative à l’imposition des successions dans le contexte de la libre circulation des capitaux, et en particulier celle découlant des arrêts Barbier (3) et van Hilten-van der Heijden (4).

II – La législation pertinente

A – Le droit communautaire

4. L’article 56, paragraphe 1, CE (anciennement article 73 B, paragraphe 1, du traité CE) dispose:

«Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»

5. L’article 58 CE (anciennement article 73 D du traité CE) dispose:

«1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

[...]

3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.»

6. L’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité (article ultérieurement abrogé par le traité d’Amsterdam) (5), se réfère à treize catégories différentes de mouvements de capitaux. La onzième catégorie, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», mentionne:

«[…]

D. Successions et legs

[…]»

B – La législation nationale

7. S’agissant de l’impôt sur les successions, la fixation du taux d’imposition, de l’assiette, des exonérations et réductions d’impôt relève de la compétence des différentes Régions du Royaume de Belgique.

8. L’article 1er du code des droits de succession de la Région flamande (ci‑après le «code») dispose ce qui suit:

«Il est établi:

1° un droit de succession sur la valeur, déduction faite des dettes, de tout ce qui est recueilli dans la succession d’un habitant du Royaume;

2° un droit de mutation par décès sur la valeur des biens immeubles situés en Belgique recueillis dans la succession d’un non-habitant du Royaume.

Est réputé habitant du Royaume celui qui, au moment de son décès, y a établi son domicile ou le siège de sa fortune.»

9. Conformément à l’article 15 du code, le droit de succession est dû sur l’universalité des biens, en quelque lieu qu’ils se trouvent, appartenant au défunt ou à l’absent, déduction faite des dettes.

10. L’article 18 du code, relatif aux non-résidents, est libellé comme suit:

«Le droit de mutation par décès est dû sur l’universalité des immeubles situés en Belgique, appartenant au défunt […], et ce sans distraction des charges.»

11. En vertu de l’article 29 du code, pour être admise au passif, la dette doit encore exister le jour du décès, ce qui peut être prouvé par tous les moyens de droit admissibles pour un acte créancier et débiteur.

12. L’article 40 du code prévoit que le délai pour le dépôt de la déclaration de succession est de cinq mois à compter de la date du décès, si celui-ci est survenu en Belgique et de six mois si le décès est survenu dans un autre pays d’Europe.

13. Aux termes de l’article 41 du code:

«Le délai pour le dépôt de la déclaration de succession peut être prolongé par le directeur général de l’enregistrement et des domaines.

La déclaration déposée au cours du délai fixé par la loi ou prolongé par le directeur général peut être rectifiée aussi longtemps que ce délai n’est pas expiré, à moins que les intéressés n’aient expressément renoncé à cette faculté dans une déclaration déposée dans sa forme légale.»

14. L’article 48, paragraphe 1, du code comporte des tableaux indiquant les tarifs applicables aux droits de succession et de mutation par décès. Son paragraphe 2, quatrième alinéa, est libellé comme suit:

«Les dettes et les frais funéraires sont déduits par priorité des biens meubles et des biens visés à l’article 60 bis, à moins que les déclarants prouvent qu’il s’agit de dettes spécialement contractées pour acquérir ou conserver des biens immeubles.»

15. Il n’existe pas de conventions bilatérales de double imposition en matière d’impôts sur les successions entre le Royaume de Belgique et la République fédérale d’Allemagne.

III – Les antécédents du litige, la procédure et la question préjudicielle

16. Hans, Natalie, Monica, Saskia, Thomas, Jessica et Joris Eckelkamp, les appelants dans la procédure au principal, sont les héritiers du de cujus (ci-après mentionnés conjointement comme les «héritiers»), Mme Reintges Hildegard Eckelkamp (ci-après «Mme Eckelkamp»), qui est décédée à Düsseldorf le 30 décembre 2003.

17. Mme Eckelkamp avait, le 13 novembre 2002, signé un document dans lequel elle reconnaissait qu’elle était redevable d’une dette vis-à-vis d’un des demandeurs, M. Hans Eckelkamp. En outre, dans un acte notarié du 5 juin 2003, elle a conféré à ce dernier un mandat pour hypothéquer un bien immeuble situé à Knokke-Heist (Belgique), à titre de garantie de paiement de cette dette, d’un montant de 220 000 euros, majorés de 11 000 euros en intérêts.

18. Le 29 juin 2004, les héritiers ont introduit la déclaration de succession de Mme Eckelkamp (ci-après la «déclaration de succession» ou la «déclaration») en reprenant dans l’actif ce bien immeuble pour une valeur de 200 000 euros. Dans le passif, la déclaration indiquait «NIHIL».

19. Sur la base de la déclaration – et donc sans prendre en compte la dette de Mme Eckelkamp à M. Hans Eckelkamp –, les droits de mutation par décès redevables ont été estimés, dans une décision du 14 juillet 2004, à 110 000,04 euros.

20. Il ressort du dossier que, avant l’introduction de la déclaration de succession, il y avait eu un échange de courriers électroniques entre un des demandeurs au principal et l’administration fiscale belge, dans laquelle cette dernière avait indiqué que le droit de mutation par décès (applicable lorsque le défunt était un non-résident) était dû sur le bien immeuble situé en Belgique, et ce sans déduction de charge, et que, en conséquence, la dette litigieuse ne devait pas être mentionnée dans la déclaration.

21. Après qu’ils eurent payé les droits de succession, le 7 octobre 2004, les héritiers ont formé un recours en matière fiscale demandant, entre autres, l’annulation de la décision du 14 juillet 2004. Ce recours a été rejeté par le jugement rendu le 30 mai 2005 par le rechtbank van eerste aanleg te Brugge (tribunal de première instance de Bruges). Dans son jugement, le rechtbank van eerste aanleg a estimé que le délai prévu à l’article 40 du code pour le dépôt de la déclaration de succession avait en toute hypothèse expiré le 1er juillet 2004, tandis que le recours fiscal n’avait été introduit que le 7 octobre 2004, ce qui implique que la déclaration de succession était définitive et qu’une dette qui n’y était pas mentionnée ne pouvait pas être prise en compte. Le tribunal statuant en première instance estime également que les héritiers auraient dû faire figurer au passif la dette litigieuse, comme une dette à laquelle les dispositions conjointes des articles 1er, 2 et 18 du code devraient ne pas s’appliquer, étant contraires au droit communautaire.

22. Les héritiers ont interjeté appel du jugement de première instance devant le hof van beroep te Gent. À l’appui de leur appel, ils ont invoqué essentiellement l’effet direct du droit communautaire et ils ont soutenu que les autorités administratives étaient obligées de reconsidérer des décisions prises en violation du droit communautaire. Selon les appelants, l’article 41 du code ne peut pas empêcher le droit...

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