Ufficio IVA di Trapani v Italittica SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:249
Docket NumberC-144/94
Celex Number61994CC0144
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 July 1995
61994C0144

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 13 juillet 1995 ( *1 )

1.

La présente affaire a pour origine une demande de décision préjudicielle formée par la Commissione tributaria centrale, qui invite la Cour à interpréter l'article 10, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme ( 1 ) (ci-après la « directive »). Elle concerne le moment auquel la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA ») est exigible pour les services fournis. La question principale est celle de savoir si une législation nationale qui dispose que la TVA sur tous les services est exigible au moment du paiement du service est compatible avec la directive.

La législation communautaire pertinente

2.

Ainsi qu'il ressort de son intitulé, la directive vise à établir une assiette uniforme de la TVA. En particulier, elle cherche à donner, autant que possible, une définition commune du moment auquel la TVA devient exigible. Elle opère une distinction entre le « fait générateur de la taxe », qu'elle définit, en son article 10, paragraphe 1, sous a), comme « le fait par lequel sont réalisées les conditions légales, nécessaires pour l'exigibilité de la taxe », et la date à laquelle la taxe devient exigible, l'exigibilité étant définie, à l'article 10, paragraphe 1, sous b), comme « le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d'un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe... ». Le premier alinéa de l'article 10, paragraphe 2, énonce la règle générale, à savoir que le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. Toutefois, par la voie d'une dérogation, le troisième alinéa de l'article 10, paragraphe 2, permet aux États membres, dans certaines circonstances, de différer la date à laquelle la taxe devient exigible. Cette disposition est libellée comme suit:

« Par dérogation aux dispositions ci-dessus, les États membres ont la faculté de prévoir que la taxe devient exigible pour certaines opérations ou certaines catégories d'assujettis:

soit au plus tard lors de la délivrance de la facture ou du document en tenant lieu,

soit au plus tard lors de l'encaissement du prix,

soit, en cas de non-délivrance ou de délivrance tardive de la facture ou du document en tenant lieu, dans un délai déterminé à compter de la date du fait générateur. »

3.

Les dispositions suivantes de la directive sont également pertinentes.

L'article 11, lettre C, paragraphe 1, qui dispose:

« En cas d'annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction du prix après le moment où s'effectue l'opération, la base d'imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Toutefois, en cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger à cette règle. »

L'article 22, paragraphe 3, qui dispose:

« a)

Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, et conserver un double de tous les documents émis.

De même, tout assujetti doit délivrer une facture pour les acomptes qui lui sont versés par un autre assujetti avant que la livraison ne soit effectuée ou que la prestation de services ne soit achevée.

b)

La facture doit mentionner, d'une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l'exonération.

c)

Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture. »

La législation nationale

4.

La réglementation italienne en matière de facturation de la TVA sur les prestations de services figure dans le décret du président de la République n° 633 du 26 octobre 1972 (ci-après le « décret présidentiel »). L'article 6, troisième alinéa, dispose:

« Les prestations de services sont considérées comme effectuées au moment du paiement de la contrepartie. »

5.

L'article 21, quatrième alinéa, dispose:

« La facture doit être émise en double exemplaire par la personne qui effectue la cession ou la prestation, au moment de la réalisation de l'opération telle qu'elle résulte de l'article 6... »

6.

L'article 41, quatrième alinéa, dispose:

« Le cessionnaire ou le commettant qui, dans l'exercice de son activité, de son métier ou de sa profession, a acquis des biens ou des services, sans qu'aucune facture soit émise ou avec l'émission d'une facture irrégulière de la part de la personne qui a l'obligation de l'établir, est tenu de régulariser l'opération de la façon suivante:

a)

s'il n'a pas reçu la facture dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle l'opération a été effectuée, il doit présenter dans le délai de 30 jours suivant l'échéance du délai précité, au bureau compétent en ce qui le concerne, un document en double exemplaire comportant les indications prescrites à l'article 21 et doit verser en même temps l'impôt correspondant;

... »

Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi relève qu'à la suite d'une modification du décret présidentiel, qui est intervenue en 1993 et ne s'applique pas dans la présente affaire, l'émission de la facture est à présent soumise à un délai maximal d'un an « après la livraison ».

Les faits

7.

La requérante dans l'affaire au principal, Italittica SpA, est une société italienne exerçant des activités dans le domaine de l'aquaculture. Elle a commandé à Sangiovanni Industrie Riunite (ci-après « Sangiovanni ») la construction d'un bâtiment destiné à ses activités de pisciculture. Ces sociétés ont conclu deux contrats entre la fin de 1977 et 1979. Le coût total de la construction s'est élevé à 544477718 LIT. Sangiovanni a émis trois factures pour un montant total de 206262058 LIT. Le 17 octobre 1980, elle a émis une facture pro forma pour le solde, à savoir 338215680 LIT. Cette facture ne mentionnait pas la TVA payable par Italittica, de sorte que le montant de TVA pertinent ne pouvait faire l'objet d'une déduction. En fait, la facture pro forma a été utilisée pour obtenir des autorités régionales une subvention pour les coûts de construction. Dans son bilan arrêté au 31 décembre 1980, Italittica a inclus la valeur des travaux effectués et a mentionné, sous la rubrique « fournisseurs pour factures à recevoir », une dette payable à Sangiovanni s'élevant au montant figurant sur la facture pro forma.

8.

La Guardia di Finanza a examiné la comptabilité d'Italittica et a établi un rapport daté du 15 avril 1982. Italittica a ensuite payé la dette mentionnée sur la facture pro forma et, le 3 mai 1982, Sangiovanni a émis une facture en bonne et due forme, faisant apparaître la TVA. Par un avis daté du 31 juillet 1982, l'administration locale de la TVA de Trapani a rectifié la déclaration annuelle d'Italittica pour l'année 1980 et lui a infligé une amende de 94700000 LIT pour violation de l'article 41, quatrième alinéa, sous a), du décret présidentiel. Sangiovanni avait l'obligation primaire de facturer la TVA à Italittica et de la verser à l'administration de la TVA. En vertu de l'article 41, quatrième alinéa, sous a), du décret présidentiel, Italittica avait toutefois l'obligation secondaire de payer la taxe à l'administration de la TVA en cas d'émission d'une facture irrégulière qui ne mentionnait pas la TVA, malgré le fait qu'elle était le destinataire, et non le prestataire, du service. Italittica n'a pas payé la taxe parce qu'elle pensait qu'elle ne serait exigible que lorsqu'elle paierait le solde. L'amende lui a été infligée pour violation de cette obligation secondaire.

9.

Italittica a formé un recours contre la décision lui infligeant cette amende devant la Commissione tributaria di primo grado. Elle faisait valoir, en invoquant le troisième alinéa de l'article 6 du décret présidentiel, que la taxe n'était pas exigible, puisqu'elle n'avait pas encore payé le solde. La Commissione tributaria di primo grado a fait droit au recours. La Commissione tributaria di secondo grado di Trapani a confirmé la décision de la Commissione tributaria di primo grado. Elle a estimé que, puisqu'Italittica n'avait pas payé le solde de la dette, la prestation de services n'avait, en vertu de l'article 6 du décret présidentiel, pas été « effectuée » et qu'en conséquence l'article 41, quatrième alinéa, sous a), de ce même décret n'était pas applicable.

10.

L'administration de la TVA a formé un recours devant la Commissione tributaria centrale. Cette juridiction a estimé que l'article 6, troisième alinéa, du décret présidentiel était peut-être incompatible avec la directive, et en particulier avec l'article 10, paragraphe 2, de celle-ci, parce que:

a)

sa portée ne se limite pas à « certaines opérations » ou à « certaines catégories d'assujettis », et il considère, de façon générale, que le paiement de la contrepartie due pour le service fait partie du fait générateur de la taxe, ou à tout le moins du fait qui rend la taxe exigible;

b)

il ne prévoit aucun délai maximal entre le paiement et le fait générateur de la taxe et permet ainsi, de facto, au prestataire et au preneur de services de situer, éventuellement au moyen d'un accord entre eux, le moment de l'exigibilité dans la période d'imposition qui leur convient le mieux (ce qui pourrait aussi avoir un...

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