European Commission v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:534
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-43/12
Date10 September 2013
Celex Number62012CC0043
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
62012CC0043

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 10 septembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑43/12

Commission européenne

contre

Parlement européen,

Conseil de l’Union européenne

«Directive 2011/82/UE — Échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière — Choix de la base juridique — Article 87, paragraphe 2, sous a), TFUE — Article 91, paragraphe 1, sous c), TFUE»

1.

Par le présent recours, la Commission européenne conteste la base juridique sur laquelle a été adoptée la directive 2011/82/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière ( 2 ) (ci-après la «directive»).

2.

Cette directive met en place un système d’échange d’informations qui permet à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel une infraction aux règles de circulation routière a été commise d’obtenir, auprès de l’État membre d’immatriculation, les données qui lui permettront d’identifier la personne responsable de l’infraction constatée.

3.

Initialement, la Commission avait fondé sa proposition de directive du Parlement européen et du Conseil facilitant l’application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière ( 3 ) sur l’article 71, paragraphe 1, sous c), CE, lequel correspond désormais à l’article 91, paragraphe 1, sous c), TFUE.

4.

Cette dernière disposition fait partie du titre VI de la troisième partie du traité FUE, relatif aux transports. Elle est ainsi rédigée:

«En vue de réaliser la mise en œuvre de l’article 90 et compte tenu des aspects spéciaux des transports, le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne], statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social [européen] et du Comité des régions [de l’Union européenne], établissent:

[…]

c)

les mesures permettant d’améliorer la sécurité des transports;

[…]»

5.

Après de longues et difficiles négociations ayant conduit à réduire le contenu de la directive, le Conseil a considéré que la directive devait être adoptée non pas dans le cadre de la politique commune des transports, mais sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, TFUE, lequel fait partie du chapitre 5 («Coopération policière») du titre V («L’espace de liberté, de sécurité et de justice») de la troisième partie du traité FUE. En accord avec le Parlement, c’est cette base juridique qui a été finalement retenue.

6.

L’article 87, paragraphe 1, TFUE dispose que l’«Union développe une coopération policière qui associe toutes les autorités compétentes des États membres, y compris les services de police, les services des douanes et autres services répressifs spécialisés dans les domaines de la prévention ou de la détection des infractions pénales et des enquêtes en la matière».

7.

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, TFUE:

«Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire peuvent établir des mesures portant sur:

a)

la collecte, le stockage, le traitement, l’analyse et l’échange d’informations pertinentes;

[…]»

8.

Au soutien de sa position selon laquelle la directive aurait dû être fondée sur l’article 91, paragraphe 1, sous c), TFUE, la Commission met en avant le fait que la directive a pour objectif principal l’amélioration de la sécurité routière et que cet objectif relève de la politique commune des transports. Le mécanisme d’échange d’informations mis en place par la directive ne serait qu’un moyen pour atteindre un tel objectif.

9.

Elle fait également valoir que l’article 87, paragraphe 2, TFUE a un champ d’application limité à la matière pénale, de sorte que cette disposition ne pourrait servir de base juridique que pour la création d’un système d’échange d’informations concernant des infractions pénales. Pour définir ce que recouvre la notion de matière pénale en droit de l’Union, une référence aux qualifications retenues en droit national devrait être maintenue. Seules les infractions faisant formellement partie du droit pénal des États membres pourraient donc faire l’objet d’un échange d’informations au titre de l’article 87, paragraphe 2, TFUE.

10.

Eu égard à la conception ainsi retenue par la Commission du champ d’application de cette disposition, le mécanisme d’échange d’informations mis en place par la directive ne relèverait pas, selon elle, de la coopération policière au sens de l’article 87 TFUE. En effet, les infractions routières qui sont visées par la directive ne seraient pas exclusivement qualifiées d’«infractions pénales» dans les droits des États membres. Un examen des systèmes juridiques de ces États ferait ainsi apparaître que ces infractions relèvent tantôt du droit administratif, tantôt du droit pénal desdits États. Le constat selon lequel des infractions routières peuvent être considérées dans certains États membres comme constituant des infractions administratives empêcherait donc l’Union européenne de mettre en place, sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, TFUE, un système d’échange d’informations relatif aux infractions routières.

11.

Le Parlement et le Conseil contestent l’approche défendue par la Commission, de même que tous les États membres qui sont intervenus dans le cadre du présent recours ( 4 ).

12.

Pour les raisons que nous allons à présent développer, nous pensons également que la Commission défend une conception trop restrictive du champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, TFUE et que cette disposition constituait bien la base juridique correcte du système d’échange d’informations mis en place par la directive.

I – Notre appréciation

13.

Le présent recours invite à déterminer si un système d’échange d’informations permettant d’identifier les personnes ayant commis une infraction routière dans un État membre autre que leur État d’immatriculation relève ou non de la coopération policière régie par l’article 87 TFUE, alors même qu’un tel système vise à améliorer la sécurité routière et que les infractions en cause ne sont pas qualifiées d’«infractions pénales» dans l’ensemble des États membres.

14.

Nous précisons d’emblée, même si cela peut être considéré comme allant de soi, que la détermination de la base juridique appropriée pour l’adoption de la directive ne doit en aucune façon être influencée par les particularités institutionnelles qui distinguent encore, après le traité de Lisbonne, le titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice des autres politiques sectorielles. Nous pensons, en particulier, au protocole (no 21) sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande à l’égard de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, annexé aux traités UE et FUE, ainsi qu’au protocole (no 22) sur la position du Danemark, annexé aux mêmes traités.

15.

Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte. Si l’examen d’une mesure démontre qu’elle poursuit deux finalités ou qu’elle a deux composantes et si l’une de ces finalités ou de ces composantes est identifiable comme étant principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante ( 5 ).

16.

Comme l’indique son article 1er, la directive «vise à assurer un niveau élevé de protection de tous les usagers de la route dans l’Union en facilitant l’échange transfrontalier d’informations concernant les infractions en matière de sécurité routière et, partant, l’application des sanctions, lorsque lesdites infractions ont été commises dans un État membre autre que celui où le véhicule a été immatriculé».

17.

En visant ainsi à assurer un niveau élevé de protection à tous les usagers de la route dans l’Union, il est incontestable que le législateur de l’Union poursuit l’objectif d’améliorer la sécurité dont doivent bénéficier ces usagers lorsqu’ils empruntent les routes des États membres, en réduisant le nombre de tués et de blessés ainsi que les dégâts matériels. Cet objectif est mis en avant notamment aux considérants 1, 6, 15 et 26 de la directive.

18.

Il est vrai que, comme le précise le considérant 1 de la directive, l’«amélioration de la sécurité routière est un objectif central de la politique des transports de l’Union». Il peut, d’ailleurs, être déduit de la jurisprudence de la Cour que le législateur de l’Union est habilité, sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, sous c), TFUE, à adopter des dispositions communes tendant à améliorer la sécurité routière ( 6 ).

19.

Pour autant, le constat selon lequel la directive vise à améliorer la sécurité routière ne nous paraît pas suffisant pour faire entrer celle-ci dans le champ de la politique des transports et l’exclure du champ de la coopération policière régie par l’article 87 TFUE.

20.

En effet, l’objectif visant à assurer un niveau élevé de protection pour tous les usagers de la route dans l’Union nous paraît également pouvoir être rattaché à celui poursuivi dans le cadre du titre V de la troisième partie du traité FUE, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à savoir, aux termes de l’article 67, paragraphe 3, TFUE, atteindre...

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