Finanzamt Bergisch Gladbach v Werner Skripalle.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:98
Date27 February 1997
Celex Number61996CC0063
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-63/96
EUR-Lex - 61996C0063 - FR 61996C0063

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 27 février 1997. - Finanzamt Bergisch Gladbach contre Werner Skripalle. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Dispositions fiscales - Sixième directive TVA - Base d'imposition - Relations personnelles entre le fournisseur et le bénéficiaire des prestations. - Affaire C-63/96.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-02847


Conclusions de l'avocat général

1 Lorsqu'un propriétaire d'immeubles les donne en location à une société proche moyennant un loyer qui ne couvre pas, en réalité, les dépenses exposées pour l'acquisition et l'entretien des immeubles, mais qui correspond aux loyers courants sur le marché pour ce type de biens immobiliers, un État membre peut-il néanmoins considérer le montant de ces dépenses comme constituant la base d'imposition d'une telle opération locative, aux fins de la TVA? Pour répondre à cette question posée par le Bundesfinanzhof, la Cour doit essentiellement interpréter l'article 27 de la sixième directive du Conseil et examiner, en particulier, la proportionnalité d'une mesure adoptée en application de cet article (1).

I - Les faits et le contexte juridique

Les dispositions juridiques applicables

i) La sixième directive

2 Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la directive «... les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» sont soumises à la TVA. L'article 6, paragraphe 1, définit la «prestation de services» comme «toute opération qui ne constitue pas une livraison d'un bien au sens de l'article 5». La «base d'imposition» des opérations soumises à la TVA est définie à l'article 11 de la sixième directive. Pour les opérations effectuées à l'intérieur du territoire d'un État membre, l'article 11, lettre A, énonce la règle générale suivante:

«1. La base d'imposition est constituée:

a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous ... c) ... par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations.

...

c) pour les opérations visées à l'article 6, paragraphe 2, par le montant des dépenses engagées par l'assujetti pour l'exécution de la prestation de services.

...»

3 La règle dite du «montant des dépenses» pour déterminer la «base d'imposition» s'applique aux cas particuliers de consommation privée visés à l'article 6, paragraphe 2, qui prévoit ce qui suit:

«Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a) l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée;

b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence».

4 L'article 27 de la sixième directive constitue l'unique disposition du titre XV, intitulé «Mesures de simplification». Il permet aux États membres, sous les conditions qu'il énonce, de déroger à d'autres dispositions de la directive. L'article 27, paragraphe 5, concerne le maintien en vigueur de mesures de droit interne existantes qui peuvent ne pas être compatibles avec la sixième directive. L'article 27, paragraphes 1 à 4, concerne les nouvelles mesures dérogatoires et est libellé comme suit:

«1. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales. Les mesures destinées à simplifier la perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de façon négligeable, sur le montant de la taxe dû au stade de la consommation finale.

2. L'État membre qui souhaite introduire des mesures visées au paragraphe 1 en saisit la Commission et lui fournit toutes les données utiles d'appréciation.

3. La Commission en informe les autres États membres dans un délai d'un mois.

4. La décision du Conseil sera réputée acquise si, dans un délai de deux mois à compter de l'information visée au paragraphe 3, ni la Commission ni un État membre n'ont demandé l'évocation de l'affaire par le Conseil».

ii) La législation allemande

5 En Allemagne, l'Umsatzsteuergesetz 1980 (loi sur la taxe sur le chiffre d'affaires de 1980, ci-après l'«UStG») a mis le droit allemand en conformité avec la sixième directive (2). En ce qui concerne la base d'imposition dans le cadre de la TVA, l'article 10, paragraphe 1, de l'UStG définit de manière générale la «rémunération» comme «tout ce que le preneur de services débourse pour obtenir la prestation, déduction faite toutefois de la taxe sur le chiffre d'affaires».

6 En cas de consommation privée, l'article 10, paragraphe 4, déroge à ce principe général. La base d'imposition est constituée, en application du sous-paragraphe 2, par les «coûts afférents à l'exécution de ces opérations» (3).

7 En application de l'article 10, paragraphe 5, de l'UStG, la base d'imposition prévue en cas de consommation propre s'applique également aux prestations effectuées à titre onéreux entre personnes proches. Le paragraphe 5 est ainsi rédigé:

«Le paragraphe 4 est applicable mutatis mutandis:

1) aux livraisons et autres prestations effectuées par des sociétés de personnes au sens de l'article 1er, paragraphe 1, points 1 à 5, de la loi relative à l'impôt sur les sociétés, par les associations de personnes non dotées de la personnalité juridique ainsi que par les communautés dans le cadre de leur entreprise, en faveur de leurs actionnaires, sociétaires, membres, associés ou proches de ceux-ci ainsi que par des entrepreneurs individuels en faveur de leurs proches

...

lorsque la base d'imposition au sens du paragraphe 4 est supérieure à la rémunération au sens du paragraphe 1».

La procédure devant la juridiction nationale

8 La partie demanderesse et intimée au principal (ci-après le «demandeur») est propriétaire d'un immeuble de rapport qu'elle a fait construire elle-même et de divers appartements. Elle a donné ces biens en location à une société à responsabilité limitée (ci-après le «locataire») dont les associés étaient constitués de son épouse et de son fils majeur. Chacun des associés détenait 50 % des parts, mais son épouse était le gérant de la société locataire, seule habilitée à la représenter. Les parties au principal ont admis que les loyers convenus entre le demandeur et le locataire correspondaient aux loyers normaux du marché pour les biens immobiliers comparables du même secteur.

9 Un litige est né concernant le montant de la TVA dû par le demandeur sur ces loyers, dans la mesure où le loyer convenu était inférieur à ce que l'on appelle la «base minimale d'imposition» (Mindestbemessungsgrundlage) applicable en vertu des dispositions combinées de l'article 10, paragraphe 5, point 1, et de l'article 10, paragraphe 4, point 2, de l'UStG, précités. Le demandeur a été imposé, à la suite d'un contrôle spécifique afférent à la TVA, par le Finanzamt (services fiscaux) Bergisch Gladbach conformément à cette base d'imposition.

10 Après avoir exercé sans succès un recours administratif, le demandeur a saisi le Finanzgericht (tribunal du contentieux fiscal) qui a fait droit à sa demande. Bien qu'il ait en réalité estimé que le locataire n'était pas un proche du demandeur au sens de l'article 10, paragraphe 5, point 1, de l'UStG, le Finanzgericht a également jugé que l'article 10, paragraphe 5, point 1, était d'interprétation stricte et était donc inapplicable lorsque la rémunération convenue pour les prestations fournies correspond aux prix du marché pour de telles prestations. Se référant en particulier à l'exposé des motifs fourni par le gouvernement allemand, lors de la présentation au parlement, en 1978, du projet de loi qui devait devenir l'UStG, le Finanzgericht a jugé que la base minimale d'imposition prévue à l'article 10, paragraphe 5, doit s'appliquer lorsque l'entrepreneur fournit un bien ou une prestation «pour une rémunération anormalement basse» (zu unangemessen niedrigen Entgelten) afin d'exclure des utilisations qui échapperaient partiellement à l'impôt (4). Cependant, il a estimé que cette disposition n'était pas destinée à s'appliquer aux prestations effectuées entre des personnes proches moyennant une rémunération conforme au marché, car de telles opérations ne se distinguent pas, selon le Finanzgericht, de celles effectuées entre des personnes non proches.

11 Le Finanzamt a introduit un recours contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (cour financière fédérale, ci-après la «juridiction nationale»). La juridiction nationale constate que l'application de la base minimale d'imposition a pour conséquence - dans la mesure où elle est supérieure à la rémunération convenue - de faire supporter au prestataire le supplément de TVA, puisqu'il ne s'agit pas d'une taxe sur la rémunération susceptible d'être répercutée sur le bénéficiaire des prestations. La juridiction nationale a admis que les loyers convenus correspondaient au taux du marché, tout en étant inférieurs aux «dépenses engagées» (Kostenmiete) déterminées sur la base des frais exposés hors taxe, et a également admis, à la différence du Finanzgericht, que le locataire était une personne proche du demandeur au sens de l'article 10, paragraphe 5, de l'UStG...

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