Commission of the European Communities v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:311
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 May 2005
Docket NumberC-176/03
Celex Number62003CC0176
Procedure TypeRecours en annulation - fondé

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 26 mai 2005 (1)

Affaire C-176/03

Commission des Communautés européennes

contre

Conseil de l’Union européenne

«Environnement – Protection par le droit pénal – Base juridique – Décision-cadre 2003/80/JAI – Nullité – Harmonisation des incriminations pénales – Compétence de la Communauté ex-article 175 CE»





I – Introduction

1. La Commission des Communautés européennes, par le biais de l’article 35, paragraphe 6, UE, attaque la décision-cadre 2003/80/JAI du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à la protection de l’environnement par le droit pénal (2) (ci-après la «décision-cadre»). Selon elle, la base juridique choisie est erronée, le fondement normatif devant être trouvé au sein du traité CE et non dans le titre IV du traité UE, comme cela a été fait.

2. Derrière cette problématique succincte se cache une question d’une grande importance, qui intéresse les compétences de la Communauté dès lors que, une fois admis que la tutelle de l’environnement dans l’Union européenne requiert une action concertée par l’incrimination des infractions les plus graves (3), il convient de préciser si l’adoption des mesures de coordination nécessaires relève du troisième pilier, qui incombe au Conseil de l’Union européenne, en vertu de l’article 34, paragraphe 1, sous b), UE, lu en combinaison avec l’article 31, paragraphe 1, sous e), UE ou du premier pilier parce qu’elle constitue une action communautaire au sens de l’article 175 CE (4).

3. Les positions présentées dans les différents mémoires et lors de l’audience apparaissent nettement délimitées, non seulement quant aux prétentions exposées dans chaque cas, mais également en ce qui concerne l’argumentation invoquée. La Commission, le Parlement européen et le Conseil économique et social européen, adoptent la seconde des hypothèses mentionnées, alors que le Conseil et les onze États membres qui le soutiennent (5) défendent la première thèse.

4. Le choix de l’une ou de l’autre position implique des conséquences importantes. Si l’alternative «unioniste» est choisie, la force harmonisatrice est inférieure dès lors que, outre le fait que les décisions-cadres ne présentent pas d’effet direct, leur transposition défaillante ne peut pas faire l’objet d’un recours en manquement, comme celui prévu à l’article 226 CE, sans que, de surcroît, la compétence préjudicielle de la Cour, pour revêtir un caractère obligatoire, soit soumise à l’acceptation des États membres, conformément à l’article 35 UE. Ces considérations expliquent l’intérêt de la Commission à fonder la compétence sur le premier pilier.

5. Avant d’engager l’examen du recours, il convient d’exposer le contexte normatif et les étapes de la procédure introduite devant la Cour.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. Le traité instituant la Communauté européenne

6. L’un des objectifs de la Communauté consiste à atteindre un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement (article 2 CE) en développant une action sectorielle adéquate [article 3, paragraphe 1, sous l), CE] et en intégrant les exigences de sauvegarde de l’environnement dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques communautaires afin de promouvoir le développement durable (article 6 CE).

7. L’article 174 CE énonce les objectifs de l’activité environnementale (paragraphes 1 et 2), ainsi que les critères qui doivent être adoptés pour son élaboration (paragraphe 3), tandis que l’article 175 CE indique les voies d’adoption des dispositions pertinentes (paragraphes 1 à 3), dont le financement et l’exécution incombent aux États (paragraphe 4) qui, en tout état de cause, sont autorisés, aux termes de l’article 176 CE, à arrêter des mesures plus strictes dès lors qu’elles ne sont pas contraires au traité.

8. Par conséquent, l’article 174, paragraphe 4, CE prévoit une responsabilité partagée en la matière (6), qui rend possible la coopération conjointe ou séparée avec les pays tiers et les organisations internationales.

9. S’agissant de la Communauté, la compétence est, en général, exercée à travers la procédure de «codécision» définie à l’article 251 CE, même si, en ce qui concerne les domaines visés à l’article 175, paragraphe 2, CE (7), le Conseil peut intervenir seul, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement, du CESE et du Comité des régions de l’Union européenne.

2. La proposition de directive sur la protection pénale de l’environnement (8)

10. Sur le fondement de l’article 175, paragraphe 1, CE, la Commission a engagé, conformément à l’article 251 CE, une proposition de directive visant à assurer une application plus stricte du droit communautaire en matière de défense de l’environnement par la définition, dans la Communauté, d’un ensemble minimal d’infractions (article 1er).

11. L’article 3 du texte présenté impose l’incrimination de certains agissements (9) exercés, intentionnellement ou par négligence au moins grave, et l’article 4 oblige les États membres à punir la commission, la complicité ou l’incitation de «sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives», y compris des peines privatives de liberté. Il prévoit également, aussi bien pour les personnes physiques que morales, d’autres types de sanctions parmi lesquelles figurent les amendes, la déchéance de certains droits et le placement sous contrôle judiciaire.

B – Le droit de l’Union européenne

1. Le traité sur l’Union européenne

12. L’Union, qui incarne une nouvelle étape dans le processus créant un lien sans cesse plus étroit entre les peuples de l’Europe, est fondée sur les Communautés européennes complétées par les politiques et les formes de coopération instaurées par le traité UE lui-même (article 1er). Ainsi, on distingue trois piliers:

– le premier, intitulé «pilier communautaire»,

– le deuxième, qui comprend la politique extérieure et de sécurité commune (titre V),

– le troisième, qui traite de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (titre VI).

13. Ce dernier pilier a pour objet, sans préjudice des compétences de la Communauté européenne, d’offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, par une action en commun des États membres dans les domaines visés, en vue de prévenir et de lutter contre la délinquance grâce à un rapprochement, en tant que de besoin, des règles pénales nationales, conformément à l’article 31, sous e) (article 29 UE).

14. La collaboration juridictionnelle inclut l’adoption progressive de mesures pour fixer des règles minimales sur les éléments constitutifs des infractions pénales et sur les sanctions applicables en matière de criminalité organisée, de terrorisme et de trafic de drogue [article 31, sous e), UE].

15. L’un des outils prévus à cette fin est la décision-cadre qui favorise le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires nationales. À l’instar des directives relevant du premier pilier, les décisions-cadres imposent un résultat, en laissant aux autorités internes le choix de la forme et des moyens, mais, en revanche, elles n’ont jamais d’effet direct [article 34, paragraphe 2, sous b), UE].

16. Les compétences relevant du troisième pilier peuvent être transférées à la Communauté afin qu’elle les exerce dans le cadre du titre IV du traité CE, en matière de visas, d’asile, d’immigration et des autres politiques relatives à la libre circulation des personnes (article 42 UE).

17. Le contenu du traité UE n’affecte pas les traités constitutifs de la Communauté européenne ni les traités subséquents qui les ont modifiés ou complétés (article 47 UE).

2. La décision-cadre

18. Invoquant les articles 29 UE, 31, sous e), UE et 34, paragraphe 2, sous b), UE, le Conseil, dans le but d’apporter une réponse ferme et concertée aux atteintes à l’environnement (deuxième et troisième considérants), a adopté la décision‑cadre que la Commission attaque.

19. Les articles 2 et 3 de la décision-cadre exigent des États membres qu’ils qualifient d’infractions pénales la commission intentionnelle ou par négligence de certains agissements (10), tandis que l’article 4 étend la répression à la complicité et à l’incitation.

20. Pour sa part, l’article 5, paragraphe 1, prévoit des peines «effectives, proportionnées et dissuasives», parmi lesquelles doivent figurer, au moins dans les cas graves, des peines privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition, et, comme l’indique le paragraphe 2, elles peuvent être accompagnées d’autres sanctions ou mesures (11).

21. L’article 6 régit la responsabilité, par action ou par omission, des personnes morales (12) et l’article 7 définit les peines qu’il convient de leur appliquer (13).

22. Les dispositions présentées montrent que la décision-cadre est pratiquement une copie de la proposition de directive, ce qui est reconnu dans le cinquième considérant, sachant que le septième considérant explique que le Conseil l’a étudiée, mais ne l’a pas adoptée, parce qu’elle dépassait les compétences que le traité CE attribue à la Communauté (14).

23. L’article 8 vise la compétence juridictionnelle fondée sur le territoire, et l’article 9 concerne l’extradition et les poursuites encourues par un État qui ne livre pas ses ressortissants.

III – La procédure devant la Cour

24. Outre la Commission et le Conseil, le Parlement, le CESE, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, le Royaume des Pays‑Bas, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord ont participé à la procédure en qualité d’intervenants et ont également déposé des observations écrites.

25. Lors de l’audience, qui s’est tenue le 5 avril 2005, les représentants de la partie requérante et de...

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