Santex SpA v Unità Socio Sanitaria Locale n. 42 di Pavia, and Sca Mölnlycke SpA, Artsana SpA and Fater SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:90
Date07 February 2002
Celex Number62000CC0327
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-327/00
EUR-Lex - 62000C0327 - FR 62000C0327

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 7 février 2002. - Santex SpA contre Unità Socio Sanitaria Locale n. 42 di Pavia, en présence de Sca Mölnlycke SpA, Artsana SpA et Fater SpA. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia - Italie. - Directive 93/36/CEE - Marchés publics de fournitures - Directive 89/665/CEE - Procédures de recours en matière de marchés publics - Délai de forclusion - Principe d'effectivité. - Affaire C-327/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. Dans la présente affaire préjudicielle, le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie), ci-après la «juridiction de renvoi», demande s'il peut ignorer le caractère irrévocable d'un avis de marché de fournitures qui n'a pas fait l'objet d'un recours dans le délai imparti par le droit national, pour pouvoir néanmoins tenir compte, à l'occasion d'un recours (ultérieur) d'un soumissionnaire contre son exclusion lors de l'attribution du marché, du fait qu'une clause de l'appel d'offres enfreint le droit communautaire. Il s'agit concrètement de la justification de la capacité d'un soumissionnaire en vertu de l'article 22 de la directive 93/36/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures . La juridiction de renvoi veut savoir si le principe national de l'inapplication des actes administratifs non conformes à la loi (article 5 de la loi no 2248 du 20 mars 1865) vaut également pour les clauses d'avis de marché contraires au droit communautaire. Elle demande ensuite si ce principe découle également de l'article 6 UE, conjugué avec le droit à une procédure équitable et à un recours effectif conféré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'examen de la demande préjudicielle implique également l'interprétation de la directive 89/665/CEE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux .

II - Faits et procédure

2. Dans la procédure principale, la société Santex SpA (ci-après la «demanderesse») a introduit un recours contre l'Unità Socio Sanitaria Locale n. 42 di Pavia (ci-après la «défenderesse»), pour avoir été exclue d'une procédure d'attribution d'un marché public de fournitures. Elle conteste à cet égard la décision d'attribution du marché ainsi que l'appel d'offres qui comporte, selon elle, une condition d'accès contraire au droit communautaire.

3. Selon la demande préjudicielle, la défenderesse a publié le 23 octobre 1996 au Journal officiel des Communautés européennes un avis de marché pour la «livraison à domicile de produits absorbants pour l'incontinence», pour un montant estimé à 1 067 372 000 ITL par an. L'avis comportait une clause selon laquelle seules seraient admises à concourir les entreprises prouvant avoir réalisé, au cours des trois dernières années, pour des services identiques à ceux sur lesquels portait l'appel d'offres, un chiffre d'affaires total au moins égal à trois fois le montant annuel estimé du marché.

4. La société demanderesse a signalé au directeur de la commission d'adjudication compétente de la défenderesse, par lettre du 25 novembre 1996, que la clause susmentionnée constituait une restriction illicite de la concurrence. Elle indiquait que, les services socio-sanitaires locaux («aziende sanitarie locali») n'ayant introduit ce type de prestation qu'à une date récente, l'application de cette clause excluait de nombreux candidats, dont la société demanderesse, alors même qu'elle avait réalisé, au cours de l'année précédente, un chiffre d'affaires égal à deux fois le montant annuel estimé du marché.

5. La commission d'adjudication de la défenderesse a alors différé l'ouverture des offres et a demandé aux sociétés concernées de lui communiquer des pièces complémentaires, en indiquant que la clause en question pouvait être interprétée comme faisant référence au chiffre d'affaires total des entreprises participantes et que la fourniture de produits identiques à ceux demandés ne constituait donc pas une condition d'admission à soumissionner, mais entrait seulement dans l'évaluation de la qualité .

6. La société Mölnlycke SpA (ci-après «Mölnlycke»), qui était titulaire du marché de fourniture de produits analogues pour la période antérieure, s'est élevée contre cette interprétation. Elle a adressé à la défenderesse une lettre réclamant le strict respect de la clause litigieuse de l'appel d'offres.

7. La défenderesse a alors demandé aux entreprises soumissionnaires de compléter le dossier déjà déposé par la déclaration du chiffre d'affaires qu'elles avaient réalisé grâce aux fournitures de produits identiques, et par la liste des établissements de soins auxquels ils avaient été livrés.

8. L'appel d'offres s'est conclu par l'exclusion de la demanderesse et de deux autres sociétés, et par l'attribution du marché à la société Mölnlycke.

9. La demanderesse, au motif que, si elle avait été admise à soumissionner, elle aurait obtenu le marché, a contesté aussi bien son exclusion de la mise en concurrence et l'adjudication décidée par la suite que l'avis d'appel d'offres, pour violation de la loi et excès de pouvoir.

10. La défenderesse et la société Mölnlycke, qui est intervenue au litige, font valoir que le recours en annulation dirigé contre l'avis d'appel d'offres est tardif, et concluent donc au rejet de la demande, comme non fondée.

11. La juridiction de renvoi a fait droit à la demande accessoire de sursis à exécution des dispositions attaquées, au motif que la violation de principes du droit communautaire de la concurrence était constituée. L'appel d'offres, en établissant le critère d'un chiffre d'affaires déterminé, limitait de manière injustifiée et excessive la participation des entreprises concurrentes. Même si la demande d'annulation de l'avis d'appel d'offres devait être considérée comme tardive, l'application de la clause litigieuse de l'avis d'appel d'offres devrait néanmoins être écartée pour violation du droit communautaire.

12. Cette ordonnance de référé a été annulée par ordonnance de la cinquième chambre du Consiglio di Stato du 29 août 1997, qui n'est motivée ni en fait ni en droit.

13. La procédure en référé étant close, la défenderesse, qui avait dans l'intervalle prorogé son contrat de fourniture antérieur avec la société Mölnlycke, a définitivement conclu le marché avec cette dernière pour la période suivante.

14. Dans le litige principal, la juridiction de renvoi a saisi la Cour d'une demande préjudicielle visant à savoir si les dispositions combinées de l'article 22 de la directive 93/36 ou de l'article 6, paragraphe 2, UE, et des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être interprétées en ce sens que les clauses d'un appel d'offres contraires au droit communautaire peuvent rester inappliquées, même lorsqu'elles n'ont pas été contestées dans les délais prévus par les règles nationales de procédure.

15. Les gouvernements italien, français et autrichien, ainsi que la Commission, ont pris part à la procédure devant la Cour.

III - La demande préjudicielle

16. Dans les motifs de sa demande préjudicielle, la juridiction de renvoi tient pour acquis que la procédure d'appel d'offres comporte une clause illégale au regard du droit communautaire et des dispositions nationales assurant sa transposition . En particulier, le fait d'exiger la fourniture de services identiques durant les trois dernières années pour un chiffre d'affaires égal à trois fois le montant du marché apparaît contraire aux principes de proportionnalité et de non-discrimination entre les entreprises soumissionnaires. Mais elle est néanmoins tenue, en vertu du droit national de la procédure, de statuer d'abord sur l'exception de tardiveté de la demande.

17. L'exception d'irrecevabilité est prise du fait que c'est déjà la clause de l'appel d'offres qui a empêché la demanderesse d'y participer. Elle a ainsi directement et immédiatement affecté son intérêt à prendre part à la procédure, et elle aurait par conséquent dû être attaquée, sous peine de forclusion, dans le délai de 60 jours à compter de la date à laquelle la demanderesse en a eu connaissance, conformément à l'article 36 du décret royal no 1054 du 26 juin 1924 .

18. La juridiction de renvoi estime toutefois que les droits et intérêts des demandeurs dans les procédures de passation des marchés publics doivent bénéficier d'une protection effective, au titre tant de l'application du droit communautaire que du droit interne. C'est pourquoi les clauses des appels d'offres qui restreignent indûment le principe de la participation la plus large possible aux marchés publics ne sauraient être appliquées.

19. À cette fin, on a constamment recouru à deux mécanismes juridiques: d'une part, l'insertion automatique des règles impératives dans le dispositif des appels d'offres, par analogie avec l'article 1339 du code civil italien , et, d'autre part, le principe de l'inapplication prévu par l'article 5 de la loi no 2248 du 20 mars 1865, annexe E , qui reste en vigueur.

20. Selon ce principe, le Consiglio di Stato a jugé, de manière générale, que le juge administratif peut lui aussi - tout comme le juge de l'ordre judiciaire - laisser inappliquée une disposition réglementaire contraire à une norme de rang supérieur et affectant un droit subjectif. Le Consiglio di Stato ne l'a toutefois pas admis dans le cas de l'appel d'offres pour l'attribution de marchés publics qui nous intéresse en l'espèce, faute d'un droit subjectif. L'appel d'offres aurait donc dû être attaqué dans le délai de soixante jours, de sorte que, après l'expiration du délai, les clauses de l'appel...

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