Combinatie Spijker Infrabouw-De Jonge Konstruktie and Others v Provincie Drenthe.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:515
Date14 September 2010
Celex Number62008CC0568
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Docket NumberC-568/08

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 14 septembre 2010 (1)

Affaire C‑568/08

Combinatie Spijker Infrabouw/De Jonge Konstruktie

van Spijker Infrabouw BV

de Jonge Konstruktie BV

contre

Provincie Drenthe

[demande de décision préjudicielle formée par le Rechtbank Assen (Pays-Bas)]

«Marchés publics – Procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux – Mesures conservatoires – Dommages et préjudices résultant de la violation du droit de l’Union – Critères d’imputation des responsabilités et de quantification du dommage»





1. La demande de décision préjudicielle présentée par le Rechtbank d’Assen (Pays-Bas) porte sur l’interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (2), dans la version modifiée par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 (3) (ci-après la «directive 89/665»).

2. Au moyen des cinq questions qu’il a formulées, la plupart d’entre elles étant elles-mêmes subdivisées en plusieurs sous-questions, le Rechtbank demande à la Cour de statuer sur deux matières clairement distinctes.

3. Il souhaite s’entendre préciser, d’une part, si les voies de recours prévues par la directive 89/665 et, en particulier, par son article premier, paragraphes 1 et 3, et son article 2, paragraphes 1 et 6, font obstacle à une réglementation nationale de la procédure concernant les mesures conservatoires, telle que la réglementation néerlandaise, qui, en matière de marchés publics, confie, en règle générale, la compétence aux juges de la justice civile tout en limitant les échanges de conclusions et les moyens de preuve, et qui, en fin de compte, confère à ces mesures conservatoires un statut autonome par rapport à la procédure au fond qui règle définitivement les relations juridiques entre les parties, de sorte que ces mesures se voient ainsi revêtues d’une certaine vocation de permanence.

4. D’autre part, le Rechtbank se demande si, aux fins de l’application de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/665, c’est-à-dire aux fins «d’accorder des dommages-intérêts aux personnes lésées par une violation», le droit de l’Union fixe des critères permettant d’en imputer la responsabilité, et de déterminer et de quantifier le dommage.

5. La présente affaire fournit donc à la Cour l’occasion de préciser certains termes de la directive 89/665 qui présentent un grand intérêt pour le maintien de la légalité que le droit de l’Union exige dans le contexte de la passation des marchés publics.

I – Les faits

6. La Province de Drenthe (ci-après la «Province») ayant décidé de rénover deux ponts basculants sur la liaison navigable Erica-Ter Appel dans la commune d’Emmen, elle a lancé un appel d’offres en vue de l’adjudication d’un marché public de travaux, appel d’offres publié au Journal officiel de l’Union européenne le 18 juillet 2007 (4).

7. L’Union européenne a accordé une subvention à l’appui de ce projet à condition que les travaux soient réalisés dans un certain délai, dont l’échéance avait été fixée au 1er juillet 2008.

8. Parmi les quatre soumissions qui ont été déposées, la moins- disante était celle de l’entreprise Machinefabriek Emmen BV (ci-après «MFE»), celle de Combinatie Spijker Infrabouw (ci-après «Combinatie») se situant en deuxième position.

9. Le 2 octobre 2007, la Province a fait savoir à Combinatie qu’elle avait l’intention d’adjuger le marché à MFE, parce que son offre était la plus basse.

10. Mécontente de cette décision d’adjudication, Combinatie a, le 18 octobre 2007, cité la Province en référé devant le juge des référés du Rechtbank d’Assen (ci-après le «juge des référés»), auquel elle a demandé de dire pour droit que MFE avait soumis une offre non valide et que c’était donc elle, Combinatie, qui avait remis l’offre la plus basse, et de condamner la Province à lui adjuger le marché lorsqu’elle procéderait à l’adjudication.

11. Nonobstant l’introduction de cette procédure en référé, la Province a fait savoir à tous les soumissionnaires, par lettre du 1er novembre 2007, qu’elle avait décidé de retirer son appel d’offres et, par conséquent, de rapporter la décision d’adjudication qu’elle avait notifiée le 2 octobre 2007, parce qu’il était apparu que la procédure était entachée de certains vices substantiels (5).

12. Combinatie n’en a pas retiré sa demande de référé pour autant. Le 9 novembre 2007, MFE, adjudicataire initiale, est intervenue à la procédure en référé et a conclu à ce qu’il plaise au juge lui attribuer le marché. Lors de sa comparution, la Province a déclaré qu’elle n’adjugerait le marché à aucun des soumissionnaires.

13. Le 28 novembre 2007, le juge des référés a rendu un jugement – exécutoire par provision – dont le passage décisif aux fins de la présente procédure préjudicielle est rédigé dans les termes suivants: attendu que «la Province a fait savoir par lettre du 2 octobre 2007 qu’elle entendait adjuger le marché à [MFE] si aucune procédure conservatoire n’était engagée dans un délai de quinze jours, la Province n’est pas en mesure, à ce stade de la procédure de mise en adjudication et conformément aux principes d’égalité de traitement, de confiance légitime et de bonne foi précontractuelle, de lancer un second appel d’offres et d’adjuger le marché à une personne autre que celle qui avait droit à l’obtenir sur la base de la première procédure d’adjudication» (6), ce qui, dans le dispositif du jugement, s’est traduit par une «interdiction d’adjuger le marché à une autre entreprise que [MFE]».

14. Cinq jours plus tard, à savoir le 3 décembre 2007, la Province a adjugé le marché à MFE.

15. Le 11 décembre 2007, Combinatie a interjeté appel de cette décision devant le Gerechtshof te Leeuwaarden, auquel elle a demandé de suspendre l’exécution de la décision du juge des référés.

16. Par arrêt interlocutoire du 30 janvier 2008, le Gerechtshof de Leeuwaarden a rejeté cette demande de sursis au motif que MFE avait un intérêt protégé à l’exécution du jugement du juge des référés. Bien qu’elle aurait pu poursuivre son recours pour le surplus de ses prétentions afin d’obtenir l’annulation de la confirmation du jugement du juge des référés (7), Combinatie a préféré se désister.

17. Combinatie a alors décidé d’attaquer la Province en réparation des dommages et préjudices qu’elle aurait subis en raison de l’issue de la procédure d’appel d’offres. La citation à comparaître a été émise le 29 février 2008. Le Rechtbank a adressé sa demande de décision préjudicielle à la Cour le 22 décembre 2008.

II – Les questions préjudicielles

18. Dans sa décision de renvoi, le Rechtbank pose en prémisse, élément qui va s’avérer d’une importance particulière, que la décision de la Province de rapporter sa décision d’adjudication du 2 octobre 2007 et de lancer un nouvel appel d’offres était la seule option compatible avec une application correcte du droit des marchés publics.

19. Se fondant sur cette prémisse, il a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes conformément à l’article 267 TFUE:

«1 a) L’article 1er, paragraphes 1 et 3, et l’article 2, paragraphes 1 et 6, de la directive 89/665/CEE doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils sont incompatibles avec un système dans lequel la protection juridique que doit garantir le juge national dans des litiges concernant des marchés publics de droit européen est rendue plus difficile en raison du fait que, dans ce système, dans lequel aussi bien le juge administratif que le juge civil peuvent être compétents à l’égard de la même décision et de ses effets, ces magistrats peuvent rendre des décisions parallèles incompatibles?

b) Est-il licite dans ce contexte que le juge administratif doive se limiter à statuer sur la décision d’adjudication et, dans l’affirmative, pourquoi et à quelles conditions?

c) Est-il licite dans ce contexte que l’Algemene wet bestuursrecht, qui règle de manière générale les recours devant le juge administratif, ne permette pas de saisir celui‑ci lorsqu’il s’agit de décisions relatives à la conclusion d’un marché de travaux par le pouvoir adjudicateur avec un des soumissionnaires et, dans l’affirmative, pourquoi et à quelles conditions?

d) La réponse à la deuxième question est‑elle importante à cet égard?

2 a) L’article 1er, paragraphes 1 et 3, et l’article 2, paragraphes 1 et 6, de la directive 89/665/CEE doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un système dans lequel, pour obtenir une décision rapide, la seule procédure disponible est celle qui se caractérise par le fait qu’elle a, en principe, pour objet de permettre l’adoption d’une mesure d’ordre avec célérité, que les avocats n’ont pas le droit d’échanger des conclusions, que les preuves ne peuvent, en principe, être administrées que par écrit et que les règles légales de la preuve ne sont pas d’application?

b) En cas de réponse négative, cela vaut‑il également lorsque le jugement n’entraîne pas une fixation définitive des rapports juridiques et ne fait pas partie d’un processus décisionnel produisant la chose jugée?

c) Est-il indifférent que le jugement lie uniquement les parties alors qu’il peut y avoir d’autres intéressés?

3) Est-il compatible avec la directive 89/665/CEE qu’un juge des référés enjoigne au pouvoir adjudicateur d’adopter une décision d’adjudication qui, au cours d’une procédure au fond ultérieure, est déclarée incompatible avec les règles européennes des marchés publics?

4 a) En cas de réponse négative, le pouvoir adjudicateur doit‑il être considéré comme en étant responsable et, dans l’affirmative, dans quel sens?

b) Cela vaut‑il également en cas de réponse affirmative à la question?

c) Si ce pouvoir adjudicateur devait réparer le...

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