Peter Schönberger v European Parliament.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2107
CourtCourt of Justice (European Union)
Date17 July 2014
Docket NumberC-261/13
Celex Number62013CC0261
Procedure TypeRecurso de funcionarios
62013CC0261

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 17 juillet 2014 ( 1 )

Affaire C‑261/13 P

Peter Schönberger

contre

Parlement européen

«Pourvoi — Droit de pétition au Parlement européen — Articles 20 TFUE et 227 TFUE — Article 44 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Absence de compétence de la commission des pétitions pour statuer sur les questions soulevées — Décision de classer la pétition — Recours en annulation — Acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter la situation juridique d’un particulier — Article 263 TFUE»

I – Introduction

1.

Conformément à un rapport de la commission des pétitions du Parlement européen (ci‑après la «commission des pétitions»), «la pétition constitue un outil important en tant qu’elle permet à l’individu de faire entendre officiellement sa voix et d’obtenir que les sujets qui le préoccupent soient examinés au sein des institutions de l’[Union]. Elle forme donc un lien direct entre nous, représentants élus, et ceux dont nous entendons défendre les intérêts» ( 2 ). Ainsi que le démontrent les statistiques de la commission des pétitions, cet instrument a effectivement connu un grand succès. En 2013, le nombre des pétitions enregistrées auprès de cette commission a dépassé les 3000, ce qui représente une augmentation de plus de 45 % par rapport à l’année 2012 et un doublement par rapport à l’année 2011 ( 3 ).

2.

Par son pourvoi, M. Schönberger (ci‑après le «requérant») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Schönberger/Parlement (T‑186/11, EU:T:2013:111, ci‑après l’«arrêt attaqué»), qui a rejeté comme irrecevable la demande d’annulation de la décision de la commission des pétitions du 25 janvier 2011 ayant mis fin à l’examen de la pétition présentée par le requérant le 2 octobre 2010 ( 4 ) (ci‑après la «décision attaquée»).

3.

La présente affaire a donc trait à l’interprétation de la portée du droit de pétition, au sens des articles 20 TFUE et 227 TFUE, tel que confirmé par l’article 44 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»). Pour la première fois, la Cour est appelée à trancher la question de savoir si les décisions adoptées par la commission des pétitions relèvent d’un contrôle par le juge de l’Union, au sens de l’article 263 TFUE.

4.

Dans le cadre des présentes conclusions, il convient donc d’analyser l’exercice du droit de pétition à la lumière de la jurisprudence élaborée jusqu’à présent à ce sujet par le Tribunal, en la confrontant à la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’acte attaquable. En effet, l’arrêt attaqué représente une application fidèle de l’arrêt Tegebauer/Parlement ( 5 ) dans lequel le Tribunal s’est livré à une interprétation selon laquelle l’appréciation de la recevabilité d’une pétition doit faire l’objet d’un contrôle juridictionnel, au motif qu’une décision d’irrecevabilité ou de classement sans suite d’une pétition est de nature à affecter l’essence du droit de pétition et constitue, de ce fait, une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE ( 6 ).

5.

D’emblée, je considère que, dans l’arrêt Tegebauer/Parlement (EU:T:2011:466), le Tribunal a appliqué de manière erronée la notion d’un acte attaquable et cette erreur repose, me semble‑t‑il, sur une lecture extensive de la portée du droit de pétition. Or, à mon sens, le droit de pétition constitue un outil de dialogue politique direct, l’expression d’une interaction démocratique entre un citoyen et les élus qui devrait, sauf cas exceptionnel, rester à l’abri de l’intervention du juge de l’Union.

6.

Par conséquent, j’entends, dans les présentes conclusions, inviter la Cour à invalider la jurisprudence Tegebauer/Parlement (EU:T:2011:466) qui constitue le fondement de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, afin de garantir la sécurité juridique des justiciables, la Cour devrait, dans le cadre du présent pourvoi, adopter une position expresse relative à la jurisprudence Tegebauer/Parlement (EU:T:2011:466) soit en l’invalidant, soit en la confirmant. Dans cette dernière hypothèse, le traitement du pourvoi ne présenterait guère de difficulté.

II – Le cadre juridique

7.

Le droit de pétition est reconnu par les articles 20, sous d), TFUE et 227 TFUE en tant qu’expression particulière de la citoyenneté européenne.

8.

Aux termes de l’article 44 de la Charte:

«Tout citoyen de l’Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a le droit de pétition devant le Parlement européen.» ( 7 )

9.

Le traitement des pétitions a été régi par le titre VIII du règlement du Parlement européen (ci‑après le «règlement intérieur»). Les dispositions applicables ratione temporis dans la présente affaire sont les articles 191 à 193 du règlement intérieur ( 8 ). Toutefois, il convient de noter que, à la suite de la modification du règlement intérieur, intervenue en 2011, ces dispositions ont été modifiées et figuraient désormais aux articles 201 à 203 du règlement intérieur (ci‑après le «règlement intérieur modifié») ( 9 ). Enfin, à la suite d’une modification intervenue en juillet 2014, le droit de pétition est actuellement régi par les articles 215 à 218 du règlement intérieur modifié dans le cadre de la 8ème législature ( 10 ). Toutefois, cette dernière modification n’a pas affecté le libellé des dispositions pertinentes par rapport au règlement intérieur modifié.

10.

Aux termes de l’article 191 du règlement intérieur, intitulé «Droit de pétition»:

«1. Tout citoyen de l’Union européenne ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège social dans un État membre a le droit de présenter, à titre individuel ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement européen sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union européenne et qui le ou la concerne directement.

[…]

6. Les pétitions déclarées irrecevables par la commission sont classées. La décision motivée est notifiée au pétitionnaire.

[…]»

11.

L’article 192 du règlement intérieur, intitulé «Examen des pétitions», prévoit:

«1. La commission compétente peut décider d’élaborer des rapports ou se prononcer de toute autre manière sur les pétitions qu’elle a déclaré recevables.

La commission peut, en particulier dans le cas de pétitions visant à modifier des dispositions législatives en vigueur, solliciter l’avis d’une autre commission, conformément à l’article 46.

[…]

3. Dans le cadre de l’examen des pétitions ou de la constatation des faits, la commission peut auditionner des pétitionnaires, organiser des auditions générales ou envoyer des membres sur place pour constater les faits.

[…]

7. Les pétitionnaires sont avisés par le Président du Parlement des décisions prises et de leurs motifs.»

12.

Aux termes de l’article 201, paragraphe 7, du règlement intérieur modifié, les pétitions inscrites sur le rôle général sont renvoyées par le [président du Parlement] à la commission compétente, qui établit si elles sont recevables ou non selon l’article 227 [TFUE].

13.

L’article 201, paragraphe 8, du règlement intérieur modifié prévoit:

«Les pétitions déclarées irrecevables par la commission sont classées. La décision motivée est notifiée aux pétitionnaires. Dans la mesure du possible, d’autres voies de recours peuvent être recommandées.»

14.

L’article 203 bis du règlement intérieur modifié dans la version résultant de la décision du Parlement européen du 22 mai 2012 ( 11 ) régit également le traitement de l’initiative citoyenne.

III – Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15.

Le requérant, ancien fonctionnaire du Parlement, a contesté les points de mérite qui lui ont été attribués dans le cadre de l’exercice de promotion de l’année 2005. À la suite de la plainte introduite le 15 novembre 2008 par le requérant, le Médiateur européen a conclu par décision du 13 juillet 2010 à un acte de mauvaise administration du Parlement en ce que le président du Parlement aurait dû statuer sur la réclamation du requérant.

16.

Le 2 octobre 2010, le requérant a adressé, sur le fondement de l’article 227 TFUE, une pétition au Parlement, dans laquelle il demandait que le Parlement prenne des mesures visant à remédier au constat du Médiateur.

17.

Par la décision attaquée, le président de la commission des pétitions s’est adressé au requérant dans les termes suivants: «[J]e vous informe par la présente que la commission a examiné votre pétition et l’a déclarée recevable conformément au règlement du Parlement européen dans la mesure où elle relève des domaines d’activité de l’Union européenne. Toutefois, la commission des pétitions n’est pas en mesure de traiter votre pétition sur le fond et a donc pris note de vos remarques. Votre pétition sera transmise au directeur général chargé du personnel pour qu’il prenne les mesures appropriées. Je vous prie également de noter que l’examen de votre pétition est ainsi achevé.» Par conséquent, l’examen de la pétition a été clos.

18.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2011, M. Schönberger a demandé l’annulation de la décision attaquée au motif qu’elle mettait un terme au traitement de sa pétition sans procéder à un examen sur le fond.

19.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme irrecevable. En se fondant sur l’arrêt Tegebauer/Parlement (EU:T:2011:466), le Tribunal a jugé que, dès lors que la pétition du requérant a été considérée comme...

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