Emeka Nelson and Others v Deutsche Lufthansa AG (C-581/10) and TUI Travel plc and Others v Civil Aviation Authority (C-629/10).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:295
Docket NumberC-629/10,C-581/10
Celex Number62010CC0581
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 May 2012
62010CC0581

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 15 mai 2012 ( 1 )

Affaires jointes C‑581/10 et C‑629/10

Emeka Nelson,

Bill Chinazo Nelson,

Brian Cheimezie Nelson (C‑581/10)

contre

Deutsche Lufthansa AG

[demande de décision préjudicielle formée par l’Amtsgericht Köln (Allemagne)]

et

TUI Travel plc,

British Airways plc,

easyJet Airline Co. Ltd,

International Air Transport Association,

The Queen (C‑629/10)

contre

Civil Aviation Authority

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni)]

«Transport — Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol — Droit à indemnisation en cas de retard de vol — Compatibilité de ce droit avec la convention de Montréal»

1.

Les présentes affaires portent sur l’interprétation et la validité des articles 5, 6 et 7 du règlement (CE) no 261/2004 ( 2 ).

2.

Par les questions qu’ils posent à la Cour, l’Amtsgericht Köln (Allemagne) et la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni), cherchent à savoir, en réalité, si la Cour confirme l’interprétation qu’elle a donnée de ces dispositions dans son arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a. ( 3 ), selon laquelle les passagers de vols retardés peuvent être assimilés aux passagers de vols annulés aux fins de l’application du droit à indemnisation et peuvent ainsi invoquer le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du règlement no 261/2004 lorsqu’ils subissent, en raison d’un vol retardé, une perte de temps égale ou supérieure à trois heures, c’est-à-dire lorsqu’ils atteignent leur destination finale trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue par le transporteur aérien ( 4 ).

3.

Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour de confirmer cette interprétation et de dire pour droit que les articles 5, 6 et 7 de ce règlement sont compatibles avec la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Montréal le 9 décembre 1999 ( 5 ), avec le principe de proportionnalité ainsi qu’avec le principe de sécurité juridique.

I – Le cadre juridique

A – La réglementation internationale

4.

La convention de Montréal a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2001/539/CE ( 6 ) et elle est entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004.

5.

L’article 19 de la convention de Montréal prévoit que le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, ce transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et ses mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

6.

L’article 29 de la convention de Montréal dispose:

«Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d’agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation.»

B – La réglementation de l’Union

7.

Le premier considérant du règlement no 261/2004 indique que l’action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers.

8.

Le quatorzième considérant de ce règlement prévoit que les obligations des transporteurs aériens effectifs devraient être limitées ou leur responsabilité exonérée dans les cas où un événement est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. De telles circonstances peuvent se produire, en particulier, en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations d’un transporteur aérien effectif.

9.

En vertu du quinzième considérant dudit règlement, il devrait être considéré qu’il y a circonstances extraordinaires lorsqu’une décision relative à la gestion du trafic aérien concernant un avion précis pour une journée précise génère un retard important, un retard jusqu’au lendemain ou l’annulation d’un ou de plusieurs vols de cet avion, bien que toutes les mesures raisonnables aient été prises par le transporteur aérien afin d’éviter ces retards ou ces annulations.

10.

L’article 5 du règlement no 261/2004 est rédigé comme suit:

«1. En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés:

[…]

b)

se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

c)

ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7 […]

3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

[…]»

11.

L’article 6 de ce règlement dispose:

«1. Lorsqu’un transporteur aérien effectif prévoit raisonnablement qu’un vol sera retardé par rapport à l’heure de départ prévue:

a)

de deux heures ou plus pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins, ou

b)

de trois heures ou plus pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 km et pour tous les autres vols de 1500 à 3 500 km, ou

c)

de quatre heures ou plus pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b),

les passagers se voient proposer par le transporteur aérien effectif:

i)

l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2), et

ii)

lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue est au moins le jour suivant l’heure de départ initialement annoncée, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

iii)

lorsque le retard est d’au moins cinq heures, l’assistance prévue à l’article 8, paragraphe 1, point a).

2. En tout état de cause, cette assistance est proposée dans les limites fixées ci-dessus compte tenu de la distance du vol.»

12.

L’article 7 du règlement no 261/2004, intitulé «Droit à indemnisation», prévoit, à son paragraphe 1, un montant forfaitaire d’indemnisation en fonction de la distance du vol concerné. Ainsi, en vertu de cette disposition, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à 250 euros pour tous les vols de 1500 km ou moins, à 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 km ainsi que pour tous les autres vols de 1500 à 3500 km et à 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des catégories précédentes.

II – Les faits des litiges au principal

A – L’affaire C‑581/10

13.

M. Nelson a effectué, pour ses deux fils et lui-même, une réservation sur le vol LH 565 Lagos-Francfort-sur-le-Main du 27 mars 2008 de 22 h 50. Le 28 mars 2008, vers 2 heures, ce vol a été annulé à cause d’un défaut technique affectant le système de direction du train avant de l’appareil. M. Nelson et ses deux fils ont alors été hébergés dans un hôtel. Le 28 mars 2008, à 16 heures, ils ont été conduits de l’hôtel à l’aéroport, l’avion ayant été remplacé par un appareil venant de Francfort-sur-le-Main (Allemagne). Le vol Lagos-Francfort-sur-le-Main a finalement eu lieu le 29 mars 2008 à 1 heure. La juridiction de renvoi précise que ce vol avait le même numéro de vol, à savoir LH 565, ainsi que, pour l’essentiel, les mêmes passagers que ceux ayant effectué une réservation sur le vol du 27 mars 2008. L’avion a atterri à Francfort-sur-le-Main le 29 mars 2008 à 7 h 10, soit avec plus de 24 heures de retard par rapport à l’horaire initialement prévu.

14.

M. Nelson estime que ce retard lui ouvre droit, ainsi qu’à ses deux fils, au bénéfice de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004. Il a donc intenté une action devant l’Amtsgericht Köln visant à condamner la compagnie aérienne Deutsche Lufthansa AG au paiement, à chacun d’entre eux, de la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de ce règlement ainsi que de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement.

15.

Deutsche Lufthansa AG estime que, étant donné que le vol a été effectué, il ne peut être qualifié d’«annulé» au sens du règlement no 261/2004. Il s’agirait donc, en l’espèce, d’un vol retardé, pour lequel ce règlement ne prévoirait pas d’indemnisation.

16.

En raison de la décision qui était attendue dans les affaires jointes ayant...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT