Kingdom of Spain v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:320
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-44/14
Date13 May 2015
Celex Number62014CC0044
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
62014CC0044

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 13 mai 2015 ( 1 )

Affaire C‑44/14

Royaume d’Espagne

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne

«Règlement (UE) no 1052/2013 — Mise en place du Système européen de surveillance des frontières (Eurosur) — Protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne — Développement de dispositions de l’acquis de Schengen — Coopération avec l’Irlande et le Royaume‑Uni»

1.

Une mesure développant l’acquis de Schengen, auquel certains États membres ne participent pas, peut‑elle mettre en place une forme de coopération avec ces États membres et, le cas échéant, à quelles conditions?

2.

C’est là, en substance, la question fondamentale soulevée par le présent recours, par lequel le Royaume d’Espagne demande à la Cour d’annuler l’article 19 du règlement (UE) no 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, portant création du système européen de surveillance des frontières (Eurosur) ( 2 ).

I – Le cadre juridique

A – Le protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen

3.

L’article 4 du protocole (no 19) sur l’acquis de Schengen ( 3 ) dispose:

«L’Irlande et le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord peuvent à tout moment demander de participer à tout ou partie des dispositions de l’acquis de Schengen.

Le Conseil statue sur la demande à l’unanimité de ses membres visés à l’article 1er et du représentant du gouvernement de l’État concerné.»

4.

Dans ses passages pertinents, l’article 5 du protocole de Schengen dispose:

«1. Les propositions et initiatives fondées sur l’acquis de Schengen sont soumises aux dispositions pertinentes des traités.

Dans ce cadre, si l’Irlande ou le Royaume‑Uni n’a pas, dans un délai raisonnable, notifié par écrit au Conseil que l’un ou l’autre souhaite participer, l’autorisation visée à l’article 329 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est réputée avoir été accordée aux États membres visés à l’article 1er ainsi qu’à l’Irlande ou au Royaume‑Uni si l’un ou l’autre souhaite participer aux domaines de coopération en question.

2. Si l’Irlande ou le Royaume‑Uni est réputé, en vertu d’une décision au titre de l’article 4, avoir procédé à une notification, l’un ou l’autre peut cependant notifier par écrit au Conseil, dans un délai de trois mois, qu’il ne souhaite pas participer à une telle proposition ou initiative. Dans ce cas, l’Irlande ou le Royaume‑Uni ne participe pas à l’adoption de ladite proposition ou initiative. […]

[…]»

B – Le règlement no 1052/2013

5.

Aux termes du considérant 1 du préambule du règlement no 1052/2013, la mise en place du Système européen de surveillance des frontières (Eurosur) est «nécessaire en vue de renforcer l’échange d’informations et la coopération opérationnelle entre les autorités nationales des États membres et avec l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne […] [ci‑après l’‘Agence’]. Eurosur fournira à ces autorités et à l’Agence l’infrastructure et les outils nécessaires pour améliorer leur connaissance de la situation et leur capacité de réaction aux frontières extérieures des États membres de l’Union […] aux fins de détecter, de prévenir et de combattre l’immigration illégale et la criminalité transfrontalière, et de contribuer ainsi à assurer la protection de la vie des migrants et à leur sauver la vie.»

6.

Le considérant 15 du préambule énonce que le règlement «contient des dispositions sur la coopération avec les pays tiers voisins, car un échange d’informations et une coopération bien structurés et permanents avec ces pays, notamment dans la région méditerranéenne, sont des facteurs clés pour réaliser les objectifs d’Eurosur».

7.

Le considérant 16 du préambule énonce ensuite que le règlement «comporte des dispositions relatives à la possibilité d’une étroite coopération avec l’Irlande et le Royaume‑Uni, qui pourrait aider à mieux atteindre les objectifs d’Eurosur».

8.

Les considérants 20 et 21 du préambule indiquent que le règlement constitue un développement des dispositions de l’acquis de Schengen auxquelles le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que l’Irlande ne participent pas, conformément aux décisions 2000/365/CE ( 4 ) du Conseil et 2002/192/CE ( 5 ) du Conseil, respectivement. Le Royaume‑Uni et l’Irlande ne participent donc pas à l’adoption du règlement et ne sont pas liés par celui‑ci ni soumis à son application.

9.

L’article 19 (intitulé «Coopération avec l’Irlande et le Royaume‑Uni») dispose:

«1. Aux fins du présent règlement, l’échange d’informations et la coopération avec l’Irlande et le Royaume‑Uni peuvent s’effectuer sur la base d’accords bilatéraux ou multilatéraux entre l’Irlande ou le Royaume‑Uni respectivement et un ou plusieurs États membres voisins ou par l’intermédiaire de réseaux régionaux fondés sur ces accords. Les centres nationaux de coordination des États membres font office de points de contact pour l’échange d’informations avec les autorités correspondantes du Royaume‑Uni et de l’Irlande au sein d’Eurosur. Ces accords, une fois conclus, sont notifiés à la Commission.

2. Les accords visés au paragraphe 1 sont limités à l’échange d’informations suivant entre le centre national de coordination d’un État membre et l’autorité correspondante de l’Irlande ou du Royaume‑Uni:

a)

les informations contenues dans le tableau de situation national d’un État membre dans la mesure transmise à l’Agence aux fins du tableau de situation européen et du tableau commun du renseignement en amont des frontières;

b)

les informations recueillies par l’Irlande et le Royaume‑Uni qui sont pertinentes aux fins du tableau de situation européen et du tableau commun du renseignement en amont des frontières;

c)

les informations visées à l’article 9, paragraphe 9.

3. Les informations fournies dans le cadre d’Eurosur par l’Agence ou par un État membre non partie à un accord visé au paragraphe 1, ne peuvent faire l’objet d’un échange d’informations avec l’Irlande ou le Royaume‑Uni sans l’autorisation préalable de l’Agence ou dudit État membre. Les États membres et l’Agence sont tenus de respecter le refus d’échanger ces informations avec l’Irlande ou le Royaume‑Uni.

4. La transmission ultérieure ou toute autre communication d’informations échangées au titre du présent article à des pays tiers ou à des tiers est interdite.

5. Les accords visés au paragraphe 1 comportent des dispositions relatives aux coûts liés à la participation du Royaume‑Uni et de l’Irlande à la mise en œuvre de ces accords.»

II – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

10.

Par son recours, le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’article 19 du règlement no 1052/2013;

condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.

11.

Le Parlement et le Conseil concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le recours;

condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

12.

Par décision du président de la Cour du 19 mai 2014, l’Irlande, le Royaume‑Uni et la Commission européenne ont été autorisés à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil.

III – Analyse

A – Les principaux arguments des parties

13.

Il semble utile de souligner, d’emblée, que le règlement no 1052/2013 a été adopté sur le fondement de l’article 77, paragraphe 2, sous d), TFUE (mesures nécessaires pour l’établissement progressif d’un système intégré de gestion des frontières extérieures). Aucune des parties à la procédure ne conteste le bien‑fondé de l’emploi de ce fondement juridique. De même, il est constant entre les parties que le contrôle des frontières est un élément de l’acquis de Schengen auquel l’Irlande et le Royaume‑Uni ne participent pas. En conséquence, l’Irlande et le Royaume‑Uni n’ont pas participé à l’adoption du règlement no 1052/2013.

14.

En l’espèce, le Royaume d’Espagne ne soulève qu’un moyen unique tiré de l’illégalité de l’article 19 dudit règlement. Le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que cette disposition viole les articles 4 et 5 du protocole de Schengen. Plusieurs arguments sont invoqués au soutien de cette affirmation. Je résumerai et traiterai ces arguments dans l’ordre qui me paraît être le plus logique.

15.

Premièrement, selon le gouvernement espagnol, l’article 19 du règlement no 1052/2013 viole l’article 5, paragraphe 1, du protocole de Schengen en ce qu’il permet à l’Irlande et au Royaume‑Uni de participer au développement d’une partie de l’acquis de Schengen à laquelle ils n’ont pas souscrit. Or, la Cour a précisé que l’article 5, paragraphe 1, du protocole de Schengen ne s’applique qu’aux propositions et aux initiatives fondées sur un domaine de l’acquis de Schengen auquel un État membre a été admis à participer en application de l’article 4 du même protocole ( 6 ).

16.

Deuxièmement, le gouvernement espagnol souligne que l’article 4 du protocole de Schengen met en place une procédure spécifique pour la participation de l’Irlande et du Royaume‑Uni aux dispositions de l’acquis de Schengen, participation qui est une condition préalable à leur participation au développement dudit acquis. Or, aux yeux du gouvernement espagnol, l’article 19 du règlement no 1052/2013 prive d’effet utile l’article 4 du protocole, en ce qu’il met en place une procédure ad hoc de participation de l’Irlande et du...

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