Peter Jägerskiöld v Torolf Gustafsson.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:315
Docket NumberC-97/98
Celex Number61998CC0097
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 June 1999
EUR-Lex - 61998C0097 - FR 61998C0097

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 17 juin 1999. - Peter Jägerskiöld contre Torolf Gustafsson. - Demande de décision préjudicielle: Pargas tingsrätt - Finlande. - Libre circulation des marchandises - Notion de "marchandises" - Droit de pêcher au lancer - Libre prestation des services. - Affaire C-97/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-07319


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Cette affaire assez inhabituelle, qui nous est soumise dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction finlandaise, le Pargas tingsrätt (tribunal de première instance, Pargas, ci-après le «juge de renvoi»), soulève la question de savoir si des règles nationales qui régissent les droits de pêche sur des terres privées peuvent constituer des restrictions, contraires au traité CE, à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services.

II - Cadre juridique et matériel

2 La présente affaire résulte d'un litige entre M. Jägerskiöld, propriétaire d'un plan d'eau dans la commune de Kimito (ci-après le «requérant»), et M. Gustafsson (ci-après le «défendeur»), qui a pêché au lancer, en mai 1997, sur le plan d'eau du requérant.

3 Avant 1996, le droit de pêcher et de donner à des tiers un droit de pêche appartenait au propriétaire du plan d'eau (1). La loi n_ 1045, du 12 décembre 1996 (ci-après la «loi de 1996»), a changé la situation en autorisant (sous réserve d'exceptions dénuées de pertinence dans la présente espèce) toute personne à pratiquer la pêche sous la plupart de ses formes, avec une canne, un rouleau, des hameçons et similaire (2) même dans des plans d'eau de propriété privée, sous réserve seulement, pour les pêcheurs âgés de 18 à 65 ans, du paiement d'une redevance, annuelle ou hebdomadaire, due à l'État pour chaque département dans lequel le pêcheur exerce cette activité. Aucune redevance n'est due pour la pêche dans des plans d'eau publics (3). Le défendeur avait obtenu un permis de pêche dans les plans d'eau du requérant. De telles modifications visaient à servir les intérêts des pêcheurs amateurs, dont la demande n'était pas satisfaite au titre du régime précédent, en raison du morcellement du droit de propriété sur les plans d'eau. On voulait également encourager le tourisme de la pêche et assurer une plus grande exploitation des ressources en poisson. Le juge de renvoi compare les permis de pêche à des droits de propriété industrielle, dont les effets sont également normalement limités à un seul territoire national.

4 L'article 89a de la loi de 1982, telle que modifiée par la loi de 1996, prévoit la distribution aux propriétaires de plans d'eau de pêche, proportionnellement à la

charge qu'ils supportent, des recettes des ventes des permis de pêche, après déduction des frais de perception de l'État. Cette distribution n'avait pas encore eu lieu à la date de l'ordonnance de renvoi, mais le juge de renvoi relève que les redevances étatiques étaient nettement inférieures aux prix du marché en vigueur avant les modifications de 1996 et que, même si les propriétaires de plans d'eau étaient encore autorisés à vendre des permis de pêche sur leurs plans d'eau, les ventes avaient fortement diminué. Il en était résulté en fait un monopole d'État. Le requérant fait grief au système de ne comporter aucun mécanisme fiable pour déterminer le niveau réel de pêche sur les plans d'eau de chaque propriétaire, et de tendre à rémunérer de manière disproportionnée les propriétaires des plans d'eau les moins intéressants.

5 Le requérant a demandé que le juge national constate que le défendeur n'avait pas le droit de pêcher dans ses eaux sans son autorisation. Il a fait valoir que la loi de 1996 enfreignait les règles relatives à la libre circulation des marchandises du traité et, alternativement, celles sur la libre prestation des services. Le défendeur ne s'est pas exprimé sur la question de savoir s'il y avait un conflit entre la loi nationale et le droit communautaire. Le juge de renvoi a déféré à la Cour les questions ci-après, en vue d'une décision préjudicielle au titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE):

«1) Le droit de pêcher ou l'autorisation de pêcher au lancer sont-ils des marchandises au sens de l'arrêt 7/68, Commission/Italie (Rec. 1968, p. 617)?

2) La modification intervenue en Finlande de la lagen om fiske 1045/1996 (la loi sur la pêche) constitue-t-elle un obstacle à la libre circulation des marchandises au sens des critères fixés par l'arrêt 8/74, Dassonville (Rec. 1974, p. 837)?

3) L'intérêt récréatif des pêcheurs amateurs constitue-t-il une justification au sens de l'article 36 du traité instituant la Communauté européenne?

4) S'agit-il, dans la présente affaire, de produits agricoles au sens visé à l'article 37, paragraphe 4, du traité de Rome?

5) Ladite disposition est-elle assortie d'un effet direct au sens de l'arrêt 6/64, Costa/ENEL (Rec. 1964, p. 1141)?

6) Les intérêts des agriculteurs ont-ils été suffisamment pris en considération?

7) La modification intervenue en Finlande de la lagen om fiske 1045/1996 est-elle contraire, concernant la pêche au lancer, aux règles sur la libre circulation des marchandises (ou des services) prévues par le traité instituant la Communauté économique européenne?»

III - Observations

6 Des observations écrites et orales ont été présentées par le requérant, la république de Finlande et la Commission. Le défendeur s'est limité à présenter des observations orales.

IV - Analyse

La recevabilité

7 La Commission fait valoir que la demande de décision préjudicielle n'est pas recevable, notamment parce qu'il n'y a pas de litige réel: il est exposé dans l'ordonnance de renvoi que le défendeur ne s'est pas exprimé sur les points de droit communautaire, ce qui indiquerait un acquiescement éventuel (4). En outre, elle prétend que l'ordonnance de renvoi ne contient pas d'informations suffisantes sur les faits, ni une explication suffisante de la pertinence des points de droit communautaire soulevés par le juge de renvoi (5). La république de Finlande fait valoir que l'affaire ne comporte aucun élément transfrontalier susceptible de la faire entrer dans le champ d'application du droit communautaire (6).

8 Les doutes soulevés par la Commission ont été amplifiés par les observations orales du défendeur qui étaient toutes, en fait, des critiques du système des permis de pêche. Bien qu'il ait formellement contesté le bien-fondé du recours, en déclarant que le système était légal, et qu'il ait déclaré qu'il avait intérêt à savoir s'il avait le droit de pêcher au titre de la loi de 1996, il a révélé qu'il était également un propriétaire intéressé par l'exploitation privée des droits de pêche et par la fourniture, à des touristes pêcheurs, de services tels que des logements de vacances. Il a relevé que cela pouvait avoir un effet sur l'activité économique consistant à louer des bungalows de vacances à des touristes, y compris ceux venant de l'étranger. Il lui semblait important de savoir s'il pourrait offrir à l'avenir des possibilités de pêche sur sa propriété à des touristes, et aussi s'il pouvait lui-même pratiquer la pêche sur de tels plans d'eau. C'est pourquoi il avait été d'accord avec le requérant sur la nécessité de demander une décision préjudicielle en l'espèce. Il s'est déclaré d'accord avec l'argument du requérant selon lequel la méthode de distribution des redevances parmi les propriétaires ne tenait pas compte des différents niveaux d'utilisation, par les pêcheurs, des plans d'eau concernés.

9 La Cour a déjà débattu des conséquences d'une action nationale collusoire ayant abouti à une demande de décision préjudicielle dans les deux affaires Foglia (7). La procédure au principal devant les tribunaux italiens concernait une taxe française sur l'importation de vins, dans le contexte de la mise en oeuvre d'une clause, commune à deux contrats connexes pour l'exportation et le transport de vin d'Italie en France, stipulant qu'aucune imposition contraire au droit communautaire ne serait mise à la charge d'une partie...

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