Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:374
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 July 1999
Docket NumberC-96/98
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61998CC0096
EUR-Lex - 61998C0096 - FR 61998C0096

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 8 juillet 1999. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Zones de protection spéciale. - Affaire C-96/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-08531


Conclusions de l'avocat général

1 Dans le présent recours en manquement, la Commission entend faire constater que la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la directive Oiseaux (1), notamment en ne classant pas une proportion suffisamment grande de la superficie totale du Marais Poitevin (ci-après le «Marais») en zone de protection spéciale («ZPS»), en n'adoptant pas un régime de protection suffisant, en permettant la détérioration des habitats et en déclassant une petite partie d'une ZPS déjà notifiée.

I - Les faits et la procédure

2 Il n'est pas contesté que le Marais soit une région d'un intérêt ornithologique exceptionnel, comprenant au total quelque 80 000 hectares (2), située dans les départements français de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime. Il contient des prairies naturelles humides qui fournissent à un grand nombre d'espèces migratrices et nicheuses d'oiseaux sauvages des zones de nidification, d'alimentation et de repos, ainsi que de nombreux autres habitats qui conviennent à la conservation des oiseaux sauvages, tels que les lagunes, les dunes, les polders, les forêts, les tourbières, les haies et bocages, les cours d'eau et autres milieux aquatiques. Le Marais abrite de nombreuses espèces d'oiseaux sauvages menacées inscrites à l'annexe I de la directive; il sert aussi de halte dans la migration ou de zone d'hivernage à d'autres espèces d'oiseaux sauvages et contient des zones humides d'une importance internationale unique pour la migration de l'avifaune de l'Afrique vers l'Europe du nord, qui entrent dans le cadre de la convention de Ramsar. Le Marais est un site essentiel pour le stationnement de plus de 28 espèces migratrices et, tout particulièrement, pour deux espèces: la barge à queue noire et le vanneau huppé. La Baie de l'Aiguillon, en particulier, est une aire d'hivernage pour des milliers d'anatidés (canards).

3 A la suite d'une plainte déposée en 1989 et d'un échange de correspondance, la Commission a envoyé à la République française une lettre de mise en demeure le 23 décembre 1992. Dans sa réponse du 27 septembre 1993 (3), la République française a reconnu l'intérêt ornithologique du Marais et déclaré qu'une superficie de 28 693 hectares (ramenée à 26 250 hectares par une lettre du 7 décembre 1993) avait été classée en ZPS. Elle a aussi informé la Commission que des mesures avaient été prises pour empêcher toute nouvelle détérioration de la zone. Par lettre du 28 juin 1994, la République française a informé la Commission de ce que la superficie de la ZPS du «Marais Poitevin intérieur» précédemment notifiée avait été réduite d'un corridor de 300 mètres afin de permettre la construction de l'autoroute A 83. Par lettre du 8 mars 1995, la République française a informé la Commission de son intention de classer environ 3 500 hectares à l'ouest de la route nationale 137 en ZPS, sans préciser toutefois de délai pour le classement.

4 Le 28 novembre 1995, la Commission a émis un avis motivé constatant que la République française avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la directive et l'invitant à prendre des mesures afin de se conformer à l'avis dans les deux mois. Par lettre du 11 juin 1996, la France a souligné que 3 540 nouveaux hectares avaient été classés en ZPS dans le département de la Charente-Maritime et que, en raison du drainage et de la mise en culture des prairies, il n'était plus possible, sauf de façon marginale, de procéder à de nouvelles désignations. A la suite d'une réunion entre les autorités françaises et les services de la Commission en mai 1997, la République française a transmis à la Commission une décision ministérielle créant un «Grand Site Naturel du Marais Poitevin», un plan d'actions en faveur du Marais ainsi qu'une circulaire relative à la délimitation des zones humides dans le Marais. La Commission a engagé la présente procédure par un recours enregistré au greffe de la Cour le 3 avril 1998.

II - Les dispositions pertinentes du droit communautaire

5 La Cour connaît bien les dispositions de la directive qu'il n'est donc pas nécessaire de reproduire ici in extenso. Les principales obligations en cause sont celles qui sont imposées aux États membres, premièrement, par l'article 4, paragraphes 1 et 2, de «[classer] notamment en zone de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation [des espèces d'oiseaux menacées et migratrices] dans la zone géographique maritime et terrestre d'application de la présente directive» et, deuxièmement, par l'article 4, paragraphe 4, d'éviter la pollution et la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, «pour autant qu'elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article».

6 L'article 7 de la directive Habitats de 1994 (4), qui modifie à certains égards les obligations des États membres au titre de la directive, se lit comme suit:

«Les obligations découlant de l'article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l'article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive 79/409/CEE en ce qui concerne les zones classées en vertu de l'article 4 paragraphe 1 ou reconnues d'une manière similaire en vertu de l'article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive 79/409/CEE si cette dernière date est postérieure.»

7 L'article 6, paragraphe 2, de la directive Habitats oblige les États membres à prendre les mesures appropriées pour éviter «la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d'avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive» dans ces zones désignées. L'article 6, paragraphes 3 et 4, prévoit aussi un nouveau système d'évaluation des projets qui peuvent être autorisés en dépit de leur effet négatif sur les habitats s'ils sont justifiés par «des raisons impératives d'intérêt public majeur».

La Commission a informé la Cour dans la présente procédure que le délai imparti à la République française pour mettre en oeuvre la directive a expiré le 10 juin 1994. Pour des raisons qui seront indiquées ci-après, nous ne pensons pas que l'article 6, paragraphes 2, 3 et 4 de la directive sur les habitats appelle en l'espèce un examen (5).

III - Analyse

(a) Insuffisance des zones classées en ZPS

8 Le premier grief de la Commission est que, à l'expiration de la date de mise en conformité avec l'avis motivé, le 28 janvier 1996, la superficie totale du Marais classée en ZPS était insuffisante au regard des obligations imparties à la République française par l'article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive. A l'appui de ce grief, elle cite trois études menées en 1987, 1989 et 1990, qui évaluent toutes à 57 830 hectares la superficie totale du Marais qui présente un intérêt ornithologique important. Pour la Commission, la «référence la plus pertinente» est toutefois l'inventaire de 1994 des Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux (ci-après «ZICO»), commandé par le gouvernement de la République française, et qui porte le total à 77 900 hectares. La Commission relève aussi que le ministre français de l'environnement avait déclaré en 1995 que le Marais était, par ordre d'importance, la troisième ZICO en France. La Commission soutient que la République française a outrepassé sa marge d'appréciation en ce qui concerne le choix des...

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