Confédération générale du travail (CGT) and Others v Premier ministre and Ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:554
Date12 September 2006
Celex Number62005CC0385
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-385/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 12 septembre 2006 (1)

Affaire C-385/05

Confédération générale du travail (CGT),

Confédération française démocratique du travail (CFDT),

Confédération française de l’encadrement (CGC),

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC),

Confédération générale du travail − Force ouvrière (CGT-FO)

contre

Premier ministre,

Ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Politique sociale – Directives 98/59/CE et 2002/14/CE – Licenciements collectifs – Information et consultation des travailleurs – Mode de calcul des seuils de travailleurs employés – Exclusion des travailleurs appartenant à une certaine catégorie d’âge»





I – Introduction

1. Une législation nationale peut-elle, pour la mise en œuvre de certaines dispositions du droit du travail, exclure du décompte des effectifs des entreprises certaines catégories de travailleurs, nonobstant les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (2) et celles de la directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs (3)?

2. Tel est, en substance, l’objet des deux questions posées à la Cour par le Conseil d’État (France), à la suite de recours en annulation, introduits par cinq syndicats français, à l’encontre de l’ordonnance nº 2005-892, du 2 août 2005, relative à l’aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises (ci‑après l’«ordonnance nº 2005‑892») (4). Je tiens d’ores et déjà à faire observer que la présente affaire donne l’occasion à la Cour d’interpréter pour la première fois la directive 2002/14, parfois aussi appelée directive «Vilvoorde» (5).

II – Cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. La directive 98/59

3. Aux fins de l’application de la directive 98/59, l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci dispose:

«a) on entend par ‘licenciements collectifs’: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres:

i) soit, pour une période de trente jours:

– au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,

– au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 travailleurs,

– au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs;

ii) soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement employés dans les établissements concernés;

b) on entend par ‘représentants des travailleurs’: les représentants des travailleurs prévus par la législation ou la pratique des États membres.

Pour le calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs, à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq.»

4. L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que «[l]orsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord».

5. Par ailleurs, selon l’article 3 de la directive 98/59, l’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente. Une copie de cette notification est adressée aux représentants des travailleurs, lesquels peuvent ainsi adresser leurs observations éventuelles à l’autorité publique compétente.

2. La directive 2002/14

6. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/14 prévoit que cette dernière «a pour objectif d’établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l’information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté».

7. L’article 2, sous d), de la directive 2002/14 énonce qu’il faut entendre par «‘travailleur’, toute personne qui, dans l’État membre concerné, est protégée en tant que travailleur dans le cadre de la législation nationale sur l’emploi et conformément aux pratiques nationales».

8. L’article 3 de la directive 2002/14 dispose:

«1. La présente directive s’applique, selon le choix fait par les États membres:

a) aux entreprises employant dans un État membre au moins 50 travailleurs, ou

b) aux établissements employant dans un État membre au moins 20 travailleurs.

Les États membres déterminent le mode de calcul des seuils de travailleurs employés.

[…]»

9. À cet égard, le dix-neuvième considérant de la même directive précise que le cadre général qu’elle institue a, en particulier, «pour but d’éviter toutes contraintes administratives, financières et juridiques qui feraient obstacle à la création et au développement de petites et moyennes entreprises» et que, pour ce faire, «[i]l semble adéquat de limiter le champ d’application de la présente directive, selon le choix fait par les États membres, aux entreprises employant au moins 50 travailleurs ou aux établissements employant au moins 20 travailleurs».

10. L’article 4 de la directive 2002/14 prévoit que, dans le respect des principes énoncés à l’article 1er de cette dernière et sans préjudice des dispositions et/ou pratiques en vigueur plus favorables aux travailleurs, les États membres déterminent les modalités d’exercice du droit à l’information et à la consultation au niveau approprié.

11. L’article 9, paragraphe 1, de cette même directive expose que cette dernière ne porte pas atteinte aux procédures d’information et de consultation spécifiques visées à l’article 2 de la directive 98/59.

12. Enfin, l’article 11 de la directive 2002/14 indique:

«1. Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 23 mars 2005, ou s’assurent que les partenaires sociaux mettent en place à cette date les dispositions nécessaires par voie d’accord, les États membres devant prendre toutes les dispositions nécessaires pour leur permettre d’être toujours en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

[…]»

B – La législation nationale

13. En vertu de l’article L. 421-1 du code du travail français, la mise en place de délégués du personnel est obligatoire pour tous les établissements où sont occupés au moins onze travailleurs.

14. En outre, en vertu des articles L. 321-1 à L. 321-17 du code du travail français, la consultation des travailleurs lors de la mise en œuvre d’une procédure de licenciement pour motif économique est prévue dès lors qu’une entreprise emploie plus de dix travailleurs.

15. Avant l’adoption de l’ordonnance nº 2005-892, l’article L. 620‑10 du code du travail français était libellé comme suit:

«Pour la mise en œuvre des dispositions du présent code, les effectifs de l’entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes:

Les salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise.

Les salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée, les salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée, d’un contrat de travail temporaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure sont exclus du décompte des effectifs lorsqu’ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.

Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail.»

16. L’article 1 de l’ordonnance nº 2005-892 a introduit un nouvel alinéa à l’article L. 620-10 du code du travail français. Cet alinéa dispose:

«Le salarié embauché à compter du 22 juin 2005 et âgé de moins de vingt-six ans n’est pas pris en compte, jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de vingt-six ans, dans le calcul de l’effectif du personnel de l’entreprise dont il relève, quelle que soit la nature du contrat qui le lie à l’entreprise. Cette disposition ne peut avoir pour effet la suppression d’une institution représentative du personnel ou d’un mandat d’un représentant du personnel. Les dispositions du présent alinéa sont applicables jusqu’au 31 décembre 2007.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

17. Pour remédier à la situation de l’emploi en France, le Premier ministre a présenté au Parlement, dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, un plan d’urgence pour l’emploi. Afin que ces mesures puissent entrer en vigueur dès le 1er septembre 2005, le gouvernement a demandé à être habilité à légiférer par voie d’ordonnance.

18. La loi nº 2005-846, du 26 juillet 2005, a ainsi autorisé, en son article 1, le gouvernement à prendre, par ordonnance, toute mesure visant, notamment, à «aménager les règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en œuvre des dispositions relatives au droit...

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