Federal Republic of Germany v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:392
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 June 2006
Docket NumberC-380/03
Celex Number62003CC0380
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉger

présentées le 13 juin 2006 (1)

Affaire C-380/03

République fédérale d’Allemagne

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne


«Directive 2003/33/CE – Publicité et parrainage en faveur des produits du tabac – Base juridique – Article 95 CE – Obligation de motivation – Procédure de codécision – Principe de proportionnalité – Droits fondamentaux – Liberté d’expression»





1. Par le présent recours, la République fédérale d’Allemagne demande à la Cour, en vertu de l’article 230 CE, l’annulation partielle de la directive 2003/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac (2).

2. Ce recours s’inscrit dans le prolongement d’une procédure déjà engagée par cet État membre contre la précédente directive 98/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, dont le titre est identique (3), et qui a abouti à l’annulation totale de celle-ci par un arrêt de la Cour, du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil (4). C’est à la suite du prononcé de cet arrêt que la directive 2003/33 (qui fait l’objet du présent recours) a été adoptée. Par ce nouveau recours (5), la République fédérale d’Allemagne invite la Cour, à titre principal, à préciser la portée de sa jurisprudence quant au choix de la base juridique retenue pour l’adoption de la directive annulée et qui a été renouvelé pour l’adoption de la directive attaquée.

I – Le cadre juridique

3. Nous mentionnerons, tout d’abord, les dispositions du traité CE autour desquelles s’articule le présent recours. Nous retracerons, ensuite, ses antécédents en rappelant la teneur de la directive 98/43, puis, les termes de l’arrêt de la Cour par lequel cette dernière a été annulée. Enfin, nous ferons état de la directive 2003/33 qui lui a succédé et se trouve au cœur de la présente affaire.

A – Les dispositions du traité invoquées par la requérante

4. L’article 95 CE, qui constitue (avec l’article 55 CE concernant la libre prestation des services) la base juridique matérielle sur laquelle se fonde la directive attaquée, prévoit, à son paragraphe 1, que «[s]auf si le […] traité en dispose autrement […], pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 14, [l]e Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur» (6).

5. Quant à l’article 251 CE, auquel l’article 95, paragraphe 1, CE ainsi que l’article 47, paragraphe 2, CE (également visé par la directive attaquée) renvoient, il prévoit une procédure dite «de codécision», en vertu de laquelle le Parlement européen est largement associé au processus de décision du Conseil. Le recours à cette procédure peut aboutir à l’adoption d’un acte dès la première lecture. En effet, l’article 251, paragraphe 2, deuxième alinéa, premier tiret, CE, prévoit que «[l]e Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après avis du Parlement européen s’il approuve tous les amendements figurant dans l’avis du Parlement européen, peut arrêter l’acte proposé ainsi amendé».

6. Selon l’article 254, paragraphe 1, CE, les actes qui sont adoptés conformément à la procédure de codécision prévue à l’article 251 CE sont signés à la fois par le président du Parlement européen et par le président du Conseil.

7. L’article 152, qui figure au titre XIII du traité, intitulé «Santé publique», précise, à son paragraphe 4, premier alinéa, sous c), que «[l]e Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, contribue à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant des actions d’encouragement visant à protéger et à améliorer la santé humaine, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres».

B – La directive annulée

8. La directive annulée a été adoptée sur le fondement des articles 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE), 66 du traité CE (devenu article 55 CE) et 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE).

9. L’adoption de cette directive répondait, aux termes de son premier considérant, au constat selon lequel «il existe des divergences entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité et de parrainage en faveur des produits du tabac [et à l’idée] que cette publicité et ce parrainage dépassant les frontières des États membres, ces disparités sont de nature à créer des entraves à la circulation des produits, supports desdites activités, et à la libre prestation des services en la matière, ainsi qu’à entraîner des distorsions de concurrence, et à faire de cette façon obstacle au fonctionnement du marché intérieur». Face à une telle situation, le deuxième considérant de ladite directive précisait qu’«il y a lieu d’éliminer ces entraves et, à cette fin, de rapprocher les règles relatives à la publicité et au parrainage en faveur des produits du tabac, tout en laissant aux États membres la possibilité de prescrire, sous certaines conditions, les exigences qu’ils estiment nécessaires pour assurer la protection de la santé des personnes».

10. Eu égard à de telles considérations, l’article 3, paragraphe 1, de la directive annulée posait le principe selon lequel «toute forme de publicité (7) ou de parrainage (8) [en faveur des produits du tabac] est interdite dans la Communauté».

11. L’obligation pour les États membres de se conformer à cette interdiction était aménagée dans le temps afin de permettre l’ajustement des pratiques commerciales (9). Dans le prolongement de ladite interdiction était également prohibée, à l’article 3, paragraphe 4, de la directive annulée, «[t]oute distribution gratuite ayant pour but ou pour effet direct ou indirect de promouvoir un produit du tabac».

12. Plusieurs types de promotion des produits du tabac échappaient toutefois au champ d’application de cette directive. C’était le cas de la publicité télévisée (article 3, paragraphe 1) (10), des communications destinées exclusivement aux professionnels participant au commerce du tabac, de la publicité dans les établissements de vente des produits du tabac et de celle insérée dans les publications éditées et imprimées dans les pays tiers qui ne sont pas principalement destinées au marché communautaire (article 3, paragraphe 5, premier, troisième et dernier tirets).

13. En outre, l’article 5 de ladite directive laissait aux États membres la faculté de prescrire, dans le respect du traité, des exigences plus strictes qu’ils estimeraient nécessaires pour assurer la protection de la santé des personnes en matière de publicité ou de parrainage de produits du tabac.

C – L’arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité

14. Comme nous l’avons déjà indiqué, la directive 98/43 (dont nous venons de faire état) a été annulée, dans son ensemble, par l’arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, précité, au seul motif que le choix des articles 100 A, 57, paragraphe 2, et 66 du traité comme base juridique de celle-ci était erroné.

15. Les moyens invoqués en ce sens par la requérante étant considérés comme fondés, la Cour n’a pas jugé utile d’examiner les autres moyens développés par celle-ci (11), tirés respectivement de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, de la méconnaissance des droits fondamentaux, ainsi que des articles 30 et 36 du traité CE (devenus respectivement, après modification, articles 28 CE et 30 CE) et de l’article 190 du traité CE (devenu, après modification, article 253 CE).

16. Le raisonnement de la Cour pour conclure au caractère erroné du choix des articles 100 A, 57, paragraphe 2, et 66 du traité comme base juridique de la directive 98/43 et, partant, à sa nullité, peut se résumer de la manière suivante.

17. À titre liminaire, elle a pris le soin d’indiquer que, si l’article 129, paragraphe 4, premier tiret, du traité CE [devenu, après modification, article 152, paragraphe 4, sous c), CE] exclut toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres visant à protéger et à améliorer la santé humaine, il «n’implique cependant pas que des mesures d’harmonisation adoptées sur le fondement d’autres dispositions du traité ne puissent pas avoir une incidence sur la protection de la santé humaine», tout en précisant que «[l]’article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, [du traité] prévoit d’ailleurs que les exigences en matière de protection de la santé sont une composante des autres politiques de la Communauté» (12). Toutefois, selon la Cour, il n’en demeure pas moins que «le recours à d’autres articles du traité [que l’article 129 du traité] comme base juridique ne saurait être utilisé pour contourner l’exclusion expresse de toute harmonisation énoncée à l’article 129, paragraphe 4, premier tiret, du traité» (13).

18. C’est à la lumière de ces considérations liminaires ainsi que des principes qui doivent traditionnellement guider le recours aux articles 100 A, 57, paragraphe 2, et 66 du traité (14) que la Cour a examiné si le choix de ces derniers comme base juridique de la directive 98/43 était fondé. À cette fin, elle a recherché si cette directive contribuait effectivement, d’une part, à l’élimination d’entraves à la libre circulation des marchandises ainsi qu’à la libre prestation des services et, d’autre part, à la suppression des distorsions de concurrence.

19. S’agissant de l’objectif consistant à éliminer les entraves à la libre circulation des...

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