Ryanair DAC and Airport Marketing Services Ltd v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:917
Date23 November 2023
Docket NumberC-758/21
Celex Number62021CJ0758
CourtCourt of Justice (European Union)
62021CJ0758

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

23 novembre 2023 ( *1 )

« Pourvoi – Aides d’État – Mesures mises à exécution par la République d’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant cet aéroport – Décision déclarant les mesures d’aide partiellement incompatibles avec le marché intérieur – Article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne – Éléments de preuve présentés au Tribunal après la clôture de la procédure écrite – Recevabilité – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 17, paragraphes 1 et 2 – Pouvoirs de la Commission européenne en matière de récupération de l’aide – Délai de prescription – Degré de précision des mesures interruptives de ce délai – Obligation de motivation – Dénaturation des éléments de preuve – Données pertinentes pour déterminer le montant de l’aide à récupérer »

Dans l’affaire C‑758/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 décembre 2021,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande),

Airport Marketing Services Ltd, établie à Dublin (Irlande),

représentées par M. B. Byrne, solicitor, Me S. Rating, abogado, et Me E. Vahida, avocat,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par Mme K. Blanck, MM. A. Bouchagiar et J. Ringborg, puis par MM. A. Bouchagiar et J. Ringborg, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. M. Ilešič, faisant fonction de président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et D. Gratsias, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme A. Lamote, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 janvier 2023,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1

Par leur pourvoi, Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 septembre 2021, Ryanair e.a./Commission (T‑448/18, ci-après l’ arrêt attaqué , EU:T:2021:626), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation des articles 5 et 6 de la décision (UE) 2018/628 de la Commission européenne, du 11 novembre 2016, concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport (JO 2018, L 107, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »), ainsi que des articles 9 à 11 de cette décision dans la mesure où ils les concernent.

Le droit de l’Union

Le règlement (UE) 2015/1589

2

Le considérant 26 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), énonce :

« Pour des raisons de sécurité juridique, il y a lieu de prévoir, en ce qui concerne les aides illégales, un délai de prescription d’une durée de dix ans à l’issue duquel la récupération de l’aide ne peut plus être ordonnée. »

3

L’article 2 de ce règlement, intitulé « Notification d’une aide nouvelle », dispose, à son paragraphe 2 :

« Dans sa notification, l’État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission [européenne] de prendre une décision [...] »

4

L’article 5 dudit règlement, intitulé « Demande de renseignements adressée à l’État membre notifiant », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné au sujet d’une mesure notifiée conformément à l’article 2 sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. [...]

2. Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements sont communiqués. »

5

L’article 12 du même règlement, qui figure au chapitre III de celui-ci, relatif à la procédure en matière d’aides illégales, est intitulé « Examen, demande de renseignements et injonction de fournir des informations ». Il dispose :

« 1. [...] la Commission peut, de sa propre initiative, examiner les informations concernant une aide présumée illégale, quelle qu’en soit la source.

[...]

2. Le cas échéant, la Commission demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements. L’article 2, paragraphe 2, et l’article 5, paragraphes 1 et 2, s’appliquent mutatis mutandis.

[...]

3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit de façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements [...]. Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. »

6

L’article 17 du règlement 2015/1589, intitulé « Prescription en matière de récupération de l’aide », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.

2. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. [...] »

Le règlement de procédure du Tribunal

7

Le règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015 (JO 2015, L 105, p. 1) prévoit, à son article 76, intitulé « Contenu de la requête » :

« La requête visée à l’article 21 du statut [de la Cour de justice de l’Union européenne] contient :

[...]

f) les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. »

8

Aux termes de l’article 85 de ce règlement, intitulé « Preuves et offres de preuve » :

« 1. Les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires.

2. Les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

3. À titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

4. Sans préjudice de la décision du Tribunal à intervenir sur la recevabilité des preuves produites ou des offres de preuve faites en vertu des paragraphes 2 et 3, le président met les autres parties en mesure de prendre position sur celles-ci. »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

9

Les antécédents du litige et la décision litigieuse, tels qu’ils sont présentés aux points 1 à 39 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

10

Ryanair est une compagnie aérienne. AMS est une filiale de cette dernière, dont la majeure partie de l’activité consiste à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair. L’aéroport de Klagenfurt (Autriche) se trouve en périphérie de la ville du même nom, qui est la capitale du Land de Carinthie. Le propriétaire et exploitant de cet aéroport est Kärntner Flughafen Betriebsgesellschaft mbH (ci-après « KFBG »). Les détenteurs directs et indirects des parts de cette dernière société ont varié au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse, mais il s’est toujours agi d’autorités ou d’entités publiques. KFBG possède une filiale détenue à 100 %, Destinations Management GmbH (ci-après « DMG »), qui fournit différents services à l’aéroport, notamment en tant que consultant pour attirer les compagnies aériennes vers celui-ci.

11

Le 22 janvier 2002, quatre accords pertinents aux fins de la présente affaire ont été conclus. Premièrement, KFBG et Ryanair ont conclu un accord sur les services aéroportuaires (ci-après l’« ASA de 2002 »), entré en vigueur le 27 juin 2002 pour une durée de cinq ans et prévoyant une possibilité de prorogation automatique de cinq ans supplémentaires sous certaines conditions. En vertu de cet accord, Ryanair s’engageait à proposer un service de transport aérien au moins une fois par jour entre l’aéroport de Klagenfurt et l’aéroport de Londres-Stansted (Royaume-Uni) et à verser à KFBG une redevance forfaitaire par rotation. Ryanair devait, en outre, prélever sur chaque billet d’avion un montant fixe par passager au départ, au titre des redevances aéroportuaires, ainsi que la redevance de sécurité, et reverser ces redevances à l’aéroport. Ledit accord prévoyait également les services que cet aéroport devait fournir à Ryanair ainsi que d’autres paiements au profit de KFBG et les obligations auxquelles cette dernière était tenue.

12

Deuxièmement, DMG et Leading Verge.com Ltd (ci-après « LV »), devenue FR Financing (Malta) Ltd, une filiale de Ryanair qui a depuis été liquidée, ont conclu un accord sur les services de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2002 entre DMG et LV »), entré en vigueur le jour de sa conclusion et venant à échéance le 26 juin 2007, avec une possibilité de prorogation automatique de cinq ans supplémentaires sous certaines conditions. Par cet accord, DMG a chargé LV d’établir un plan de...

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