Opinion of Advocate General Hogan delivered on 29 January 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:49
Date29 January 2020
Celex Number62018CC0762
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 29 janvier 2020(1)

Affaire C762/18

QH

contre

Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria,

autre partie à la procédure :

Prokuratura na Republika Bulgaria

[demande de décision préjudicielle formée par le Rayonen sad Haskovo (tribunal d’arrondissement de Haskovo, Bulgarie)]

Affaire C‑37/19

CV

contre

Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie)]

« Renvois préjudiciels – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Article 7 – Article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi par une décision de justice – Exclusion d’un droit aux congés annuels payés non pris pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de la réintégration dans l’emploi – Absence de droit à une indemnité pécuniaire au titre du congé annuel payé non pris pour cette même période en cas de rupture ultérieure de la relation de travail »






I. Introduction

1. Un travailleur a-t-il droit à un congé annuel payé pour la période comprise entre la date de son licenciement et la date de la réintégration dans son emploi, lorsqu’il est établi que ce licenciement était illégal ? Telle est, en substance, la question qui est commune à ces deux demandes de décision préjudicielle et qui concerne l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2).

2. Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux procédures, la première opposant QH au Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria (Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, ci‑après le « VKS »), et la seconde, CV à son ancien employeur, Iccrea Banca SpA Istituto Centrale del Credito Cooperativo (ci‑après « Iccrea Banca »). Ces demandes de décision préjudicielle, bien qu’elles n’aient pas été jointes aux fins de la phase écrite et de la phase orale de la procédure, soulèvent des questions qui sont semblables. Il est par conséquent judicieux de présenter un seul jeu de conclusions sur ces deux affaires.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La chartedes droits fondamentaux de l’Union européenne

3. L’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), intitulé « Conditions de travail justes et équitables », dispose :

« 1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.

2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. »

2. La directive 2003/88

4. L’article 7 de la directive 2003/88, intitulé « Congé annuel », dispose :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

B. Le droit bulgare

5. En vertu de l’article 224, paragraphe 1, du Kodeks na truda (code du travail), « [e]n cas de rupture de la relation de travail, le travailleur a droit à une indemnité pécuniaire pour les congés annuels payés non pris […], [dès lors que ceux‑ci] ne sont pas prescrits. »

6. L’article 354, paragraphe 1, du code du travail dispose que « [l]a période durant laquelle il n’existait aucune relation de travail est également reconnue comme durée de service, lorsque […] le travailleur s’est trouvé sans emploi en raison d’un licenciement dont l’illégalité a été reconnue par les autorités compétentes et ce, depuis la date du licenciement jusqu’à la date de sa réintégration dans son emploi ».

C. Le droit italien

7. En vertu de l’article 10 du decreto legislativo n. 66 – Attuazione delle direttive 93/104/CE e 2000/34/CE concernenti taluni aspetti dell’organizzazione dell’orario di lavoro (décret législatif nº 66, portant mise en œuvre des directives 93/104/CE (3) et 2000/34/CE (4) concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail), du 8 avril 2003 (GURI nº 87, du 14 avril 2003), la période de congé annuel payé ne peut pas être remplacée par l’indemnité pour congés non pris, sauf en cas de cessation de la relation de travail.

8. L’article 52 du Contratto collettivo nazionale di lavoro (CCNL) del 7.12.2000 per le Banche di Credito Cooperativo, Casse Rurali ed Artigiane (convention collective du 7 décembre 2000 pour les établissements de crédit coopératif, les caisses rurales et de l’artisanat), applicable ratione temporis, stipule que « [l]e droit au congé est un droit auquel il ne peut être renoncé. […] En cas de cessation de la relation de travail, le travailleur qui n’a pas pris, en tout ou en partie, le congé relatif à l’année civile en cours, auquel il a acquis le droit […], a droit à une indemnité correspondant à la rémunération des jours de congé perdus. En cas d’absence du service, la période de congé à laquelle le travailleur a droit est réduite d’autant de douzièmes que de mois d’absence […] ».

9. Conformément à l’article 53 de cette même convention collective, le congé spécial ou les jours de congé accordés au titre des « jours fériés supprimés » et qui n’ont pas été pris durant l’année civile doivent être liquidés sur la base de la dernière rémunération perçue durant l’année de référence.

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

A. L’affaire C762/18

10. QH était employée depuis le 1er septembre 1985 en tant que professeur de musique dans une école primaire. Le 29 avril 2004, le directeur de l’école a décidé de mettre fin à cette relation de travail. QH a introduit un recours contre cette décision et a été réintégrée dans son emploi à la suite d’un jugement devenu définitif du Rayonen sad Plovdiv (tribunal d’arrondissement de Plovdiv, Bulgarie), qui déclarait ce licenciement illégal.

11. Par une décision du 13 novembre 2008, le directeur de l’école a de nouveau mis fin à la relation de travail de QH qui, cette fois, n’a cependant pas introduit de recours contre ce licenciement.

12. Le 1er juillet 2009, QH a introduit devant le Rayonen sad Plovdiv (tribunal d’arrondissement de Plovdiv) un recours contre l’école, dans lequel elle demandait le paiement du montant de 7 125 leva bulgares (BGN) (environ 3 641 euros) à titre d’indemnités au titre de congés annuels payés non pris s’élevant à 285 jours, soit 57 jours par an, pour la période comprise entre le 30 avril 2004 et le 30 novembre 2008. Elle réclamait en outre un montant de 1 100 BGN (environ 562 euros) au titre du retard de paiement des indemnités précitées, pour la période comprise entre le 30 novembre 2008 et le 1er juillet 2009. Ces demandes ont été rejetées par jugement du 15 avril 2010 du Rayonen sad Plovdiv (tribunal d’arrondissement de Plovdiv).

13. QH a interjeté appel de ce jugement devant l’Okrazhen sad Plovdiv (tribunal régional de Plovdiv, Bulgarie), lequel, par jugement du 10 février 2011, l’a confirmé en ce qui concerne le rejet des demandes d’indemnité. QH s’est pourvue en cassation devant le VKS contre le jugement de l’Okrazhen sad Plovdiv (tribunal régional de Plovdiv) ; toutefois, par ordonnance du 25 octobre 2011, le VKS n’a pas autorisé le pourvoi.

14. Sur la question de fond posée par la requérante au principal, à savoir si un travailleur licencié illégalement peut prétendre à une indemnité au titre de congés annuels payés non pris, conformément à l’article 224, paragraphe 1, du code du travail, pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration en vertu d’un jugement devenu définitif, le VKS a déclaré que la réponse donnée par l’Okruzhen Sad Plovdiv (tribunal régional de Plovdiv) était conforme à la jurisprudence contraignante du VKS. Selon cette jurisprudence, durant la période comprise entre la rupture de la relation de travail et l’annulation du licenciement par un jugement définitif et la réintégration du travailleur illégalement licencié dans son emploi antérieur, ce dernier n’a pas fourni de travail véritable au titre de la relation de travail. Par conséquent, pour cette période, ce travailleur n’a pas droit au congé annuel payé sur le fondement de l’article 224, paragraphe 1, du code du travail.

15. QH a ensuite introduit un recours contre le VKS devant la juridiction de renvoi, le Rayonen Sad Haskovo (tribunal d’arrondissement de Haskovo, Bulgarie), visant au paiement d’une indemnité au titre du préjudice matériel subi par la requérante en raison de la violation de droit de l’Union commise par le VKS dans son ordonnance du 25 octobre 2011. Outre la violation de l’article 267 TFUE, QH reproche au VKS de ne pas avoir appliqué l’article 7 de la directive 2003/88 et de ne pas avoir reconnu son droit au congé annuel payé pour la période durant laquelle elle n’avait pas pu en bénéficier en raison de son licenciement illégal.

16. C’est dans ces conditions que, par une décision du 26 novembre 2018 parvenue à la Cour le 4 décembre 2018, le Rayonen Sad Haskovo (tribunal d’arrondissement de Haskovo), ayant des doutes sur la compatibilité de la jurisprudence du VKS avec l’article 7 de la directive 2003/88, a sursis à statuer et déféré à la Cour les questions suivantes, aux fins d’une décision à titre préjudiciel :

« 1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive [2003/88] doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation et/ou une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur qui a été illégalement licencié, puis réintégré...

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