Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 5 March 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:180
Date05 March 2020
Celex Number62018CC0674
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 5 mars 2020 (1)

Affaires jointes C674/18 et C675/18

EM

contre

TMD Friction GmbH (C674/18)

et

FL

contre

TMD Friction EsCo GmbH (C675/18)

[demande de décision préjudicielle du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne)]

« Demande de décision préjudicielle – Politique sociale – Directive 2001/23/CE – Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements – Articles 3 and 5 – Directive 2008/94/CE – Maintien des droits des travailleurs en cas d’insolvabilités d’employeurs – Article 8 de la directive 2008/94/CE – prestations de retraite complémentaire – responsabilité du cessionnaire pour les prestations de retraite complémentaire de travailleurs d’une entreprise transférée par un cédant insolvable »






1. Lorsque, en raison de la législation d’un État membre, certaines prestations de retraite ne peuvent pas être versées par une institution chargée de protéger les droits à pension des travailleurs d’entreprises insolvables, conformément à l’article 8 de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (2), dans quelles circonstances la responsabilité relative à ces prestations peut-elle, le cas échéant, être imputée au cessionnaire de l’entreprise insolvable, en vertu des articles 3 et/ou 5 de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements (3) ?

2. Voilà en substance la question qui se pose dans les demandes de décision préjudicielle du Bundesarbeitsgericht (Cour fédérale du travail, Allemagne, ci‑après la « juridiction de renvoi »). Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité avec la directive 2001/23 de certaines pratiques entraînant une réduction des prestations de retraite complémentaire des salariés et des anciens salariés, fondées sur le droit allemand, qui interviennent lorsqu’une entreprise est insolvable, et sur l’incidence que cela a sur les responsabilités des cessionnaires.

3. J’ai conclu que cette question est principalement régie par la lex specialis que constitue l’article 5 de la directive 2001/23. En outre, dans les circonstances de l’affaire au principal, la jurisprudence de l’État membre qui dispense les cessionnaires de servir certains droits à pension de travailleurs salariés d’un cédant insolvable liées à des périodes d’emploi accomplies avant la date du transfert, outrepasse la faculté accordée aux États membres par l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/23, de limiter les droits et obligations imposés aux cessionnaires par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23, si les droits en cause ne produisent pas d’effet juridique effectif envers le cédant (4). Si les travailleurs concernés ne sont pas habilités à faire valoir ces droits devant des juridictions nationales afin d’obtenir du cédant le versement des prestations de retraite en cause (5), de telles prestations ne sont pas « dues » avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/23. C’est pourquoi elles ne peuvent pas être exclues des obligations du cessionnaire en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/23.

4. Toutefois, même lorsque la limitation prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/23 est applicable, elle est sujette à deux réserves.

5. Premièrement, l’État membre doit avoir usé de la faculté de limitation accordée à l’article 5, paragraphe 2, sous a), avec le degré de précision et de clarté requis par la jurisprudence de la Cour (6). C’est un point qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

6. Deuxièmement, ainsi que le requiert l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/23, la législation nationale doit assurer une protection « au moins équivalente » à celle prévue par la directive 2008/94. Cela doit être déterminé au regard des critères établis par la Cour dans l’arrêt du 19 décembre 2019, Pensions-Sicherungs-Verein (7) et doit également être vérifié par la juridiction de renvoi.

I. Cadre juridique

A. Droit de l’Union

7. L’article 3, paragraphes 1 et 4, ainsi que l’article 5, paragraphes 1, 2, sous a), et 4, de la directive 2001/23 sont libellés comme suit :

« Article 3

1. Les droits et les obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

4. a) Sauf si les États membres en disposent autrement, les paragraphes 1 et 3 ne s’appliquent pas aux droits des travailleurs à des prestations de vieillesse, d’invalidité ou de survivants au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux de sécurité sociale des États membres.

b) Même lorsqu’ils ne prévoient pas, conformément au point a), que les paragraphes 1 et 3 s’appliquent à de tels droits, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des travailleurs, ainsi que des personnes qui ont déjà quitté l’établissement du cédant au moment du transfert, en ce qui concerne leurs droits acquis ou en cours d’acquisition à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires visés au point a).

… »

« Article 5

1. Sauf si les États membres en disposent autrement, les articles 3 et 4 ne s’appliquent pas au transfert d’une entreprise, d’un établissement ou d’une partie d’entreprise ou d’établissement lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une procédure d’insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d’une autorité publique compétente (qui peut être un syndic autorisé par une autorité compétente).

2. Lorsque les articles 3 et 4 s’appliquent à un transfert au cours d’une procédure d’insolvabilité engagée à l’égard d’un cédant (que cette procédure ait ou non été engagée en vue de la liquidation des biens du cédant), et à condition que cette procédure se trouve sous le contrôle d’une autorité publique compétente (qui peut être un syndic désigné par la législation nationale), un État membre peut prévoir que :

a) nonobstant l’article 3, paragraphe 1, les obligations du cédant résultant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail, qui sont dues avant la date du transfert ou avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, ne sont pas transférées au cessionnaire, à condition que cette procédure entraîne, en vertu de la législation de cet État membre, une protection au moins équivalente à celle prévue dans les situations visées par la directive 80/987/CEE du Conseil du 20 octobre 1980 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur [JO 1980, L 283, p. 23] et, ou sinon, que

4. Les États membres prennent les mesures nécessaires en vue d’éviter des recours abusifs à des procédures d’insolvabilité visant à priver les travailleurs des droits découlant de la présente directive ».

8. L’article 8 de la directive 2008/94 dispose :

« Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui‑ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale ».

B. Droit national

9. L’article 613a du Bügerliches Gesetzbuch (Code civil allemand, ci‑après le « BGB ») est intitulé « Droits et obligations en cas de transfert d’entreprise ». Le paragraphe 1 dispose :

« (1) Lorsqu’une entreprise ou une partie d’entreprise est transférée par acte juridique à un autre propriétaire, ce dernier est subrogé dans les droits et obligations nés des contrats de travail en cours au moment du transfert. Si ces droits et obligations sont régis par les règles juridiques d’une convention collective ou par un accord d’entreprise, ils deviennent partie intégrante du contrat de travail entre le nouveau propriétaire et le travailleur et ne peuvent être modifiés au détriment du salarié avant la fin de l’année suivant la date du transfert ».

10. Selon les décisions de renvoi, en raison de l’article 613a, paragraphe 1, du BGB, le droit allemand prévoit, en principe, que les droits à des prestations de retraite complémentaire du travailleur transféré au cessionnaire en cas de transfert d’une entreprise sont préservés. Toutefois, selon la jurisprudence de la juridiction de renvoi depuis un arrêt du 17 janvier 1980, en vertu des dispositions de l’Insolvenzordnung (loi relative à l’insolvabilité), qui l’emportent, l’article 613a, paragraphe 1, n’est pas applicable dans la mesure où le cessionnaire ne répond pas de la partie de la retraite future au titre d’un régime complémentaire de prévoyance professionnel qui est fondée sur le période d’appartenance à l’entreprise accomplie par le travailleur avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Il en est ainsi en raison de l’application du principe de satisfaction équitable des créanciers. Dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, les dettes doivent être réglées uniquement en conformité avec les dispositions pertinentes de l’Insolvenzordnung.

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