SF v MV and Others.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62023CJ0020
ECLIECLI:EU:C:2024:389
Date08 May 2024
Docket NumberC-20/23
CourtCourt of Justice (European Union)
62023CJ0020

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

8 mai 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Directive (UE) 2019/1023 – Procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes – Article 20 – Possibilité de remise de dettes – Article 23 – Dérogations – Article 23, paragraphe 4 – Exclusion de classes spécifiques de créances de la remise de dettes – Réglementation nationale excluant les créances fiscales et de sécurité sociale de la remise de dettes – Caractère dûment justifié d’une telle exclusion »

Dans l’affaire C‑20/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal da Relação do Porto (cour d’appel de Porto, Portugal), par décision du 14 décembre 2022, parvenue à la Cour le 16 janvier 2023, dans la procédure

SF

contre

MV,

Instituto da Segurança Social IP,

Autoridade Tributária e Aduaneira,

Cofidis SA – Sucursal em Portugal,

en présence de :

José da Costa Araújo, en qualité d’administrateur judiciaire de SF,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. F. Biltgen (rapporteur), N. Wahl, J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour SF, par Me U. Freitas, advogado,

pour Instituto da Segurança Social IP, par Me A. Serrano, advogada,

pour le gouvernement portugais, par Mmes M. Afonso Brigas, P. Barros da Costa, M. A. de Almeida Morgado, Mmes I. Inverno et A. Rodrigues, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. A. Ballesteros Panizo, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, J. L. Buendía Sierra et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 23, paragraphe 4, de la directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2019, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et l’insolvabilité) (JO 2019, L 172, p. 18), ainsi que de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SF, une personne physique devenue insolvable (ci-après le « débiteur ») à MV, à l’Instituto da Segurança Social IP (institut de sécurité sociale, Portugal), à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) et à Cofidis SA – Sucursal em Portugal au sujet d’une demande de remise de dettes déposée par le débiteur au cours de la procédure d’insolvabilité le concernant.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes des considérants 78 et 81 de la directive sur la restructuration et l’insolvabilité :

« (78)

Une remise de dettes totale ou la fin de la déchéance après une période ne dépassant pas trois ans n’est pas appropriée dans toutes les circonstances, dès lors des dérogations à cette règle, dûment justifiées par des motifs précisés dans le droit national, pourraient devoir être introduites. Par exemple, de telles dérogations devraient être introduites lorsque le débiteur est malhonnête ou a agi de mauvaise foi. Lorsque les entrepreneurs ne bénéficient pas d’une présomption d’honnêteté et de bonne foi en vertu du droit national, la charge de la preuve concernant leur honnêteté et leur bonne foi ne devrait pas rendre leur accès à la procédure inutilement difficile ou onéreux.

[...]

(81)

Lorsqu’il existe une raison dûment justifiée en vertu du droit national, il pourrait être approprié de limiter la possibilité d’une remise pour certaines classes de dettes. Les États membres devraient pouvoir exclure les créances garanties de l’éligibilité pour une remise, seulement à hauteur de la valeur de la garantie déterminée par le droit national, le solde de la dette devant être considéré comme une créance non garantie. Les États membres devraient pouvoir exclure d’autres catégories de dettes dans des cas dûment justifiés. »

4

L’article 2, paragraphe 1, point 10, de cette directive est libellé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

10)

“remise de dettes totale” : l’exécution forcée à l’encontre d’un entrepreneur de ses dettes échues susceptibles de faire l’objet d’une remise est exclue ou les dettes échues ou à échoir susceptibles de faire l’objet d’une remise sont annulées en tant que telles, dans le cadre d’une procédure pouvant comprendre une réalisation d’actifs ou un plan de remboursement, ou encore les deux ».

5

L’article 20 de ladite directive, intitulé « Possibilité de remise de dettes », énonce :

« 1. Les États membres veillent à ce que les entrepreneurs insolvables aient accès à au moins une procédure pouvant conduire à une remise de dettes totale conformément à la présente directive.

Les États membres peuvent exiger que l’activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale pour laquelle les dettes d’un entrepreneur insolvable sont dues ait cessé.

2. Les États membres dans lesquels une remise de dettes totale est subordonnée à un remboursement partiel des dettes par l’entrepreneur veillent à ce que cette obligation de remboursement associée soit fixée en fonction de la situation individuelle de l’entrepreneur et, en particulier, soit proportionnée à ses revenus et actifs disponibles ou saisissables pendant le délai de remise et tienne compte de l’intérêt en équité des créanciers.

3. Les États membres veillent à ce que les entrepreneurs qui ont été libérés de leurs dettes puissent bénéficier des cadres nationaux existants offrant un soutien professionnel aux entrepreneurs, y compris un accès à des informations utiles et actualisées au sujet de tels cadres. »

6

L’article 23 de la même directive, intitulé « Dérogations », prévoit, à son paragraphe 4 :

« Les États membres peuvent exclure de la remise de dettes des classes spécifiques de créances, ou limiter la possibilité de remise de dettes ou encore prévoir un délai de remise plus long lorsque ces exclusions, limitations ou délais plus longs sont dûment justifiés, en ce qui concerne notamment :

a)

les dettes garanties ;

b)

les dettes issues de sanctions pénales ou liées à de telles sanctions ;

c)

les dettes issues d’une responsabilité délictuelle ;

d)

les dettes issues d’obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d’alliance ;

e)

les dettes contractées après l’introduction de la demande de procédure ouvrant la voie à une remise de dettes ou après l’ouverture d’une telle procédure ; et

f)

les dettes issues de l’obligation de payer le coût de la procédure ouvrant la voie à une remise de dettes. »

7

L’article 34, paragraphe 1, de la directive sur la restructuration et l’insolvabilité dispose :

« Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 17 juillet 2021, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive, à l’exception des dispositions nécessaires pour se conformer à l’article 28, points a), b) et c), qui sont adoptées et publiées au plus tard le 17 juillet 2024, et des dispositions nécessaires pour se conformer à l’article 28, point d), qui sont adoptées et publiées le 17 juillet 2026. Ils communiquent immédiatement à la Commission [européenne] le texte de ces dispositions.

Ils appliquent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive à partir du 17 juillet 2021, à l’exception des dispositions nécessaires pour se conformer à l’article 28, points a), b) et c), qui s’appliquent à partir du 17 juillet 2024, et des dispositions nécessaires pour se conformer à l’article 28, point d), qui s’appliquent à partir du 17 juillet 2026. »

8

En application de l’article 35 de cette directive, qui prévoit qu’elle entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, ladite directive est entrée en vigueur le 16 juillet 2019.

Le droit portugais

Le CIRE

9

L’article 235 du Código da Insolvência e da Recuperação de Empresas (code de l’insolvabilité et du redressement des entreprises), approuvé par le Decreto-Lei n.o 53/2004 (décret-loi no 53/2004), du 18 mars 2004 (Diário da República I, série I-A, no 66, du 18 mars 2004), et tel que modifié par la Lei n.o 9/2022 (loi no 9/2022), du 11 janvier 2022 (Diário da República, 1re série, no 7, du 11 janvier 2022) (ci-après le « CIRE »), intitulé « Principe général », est libellé comme suit :

« Si le débiteur est une personne physique, il peut bénéficier de l’exonération des créances formant le passif de l’insolvabilité qui n’ont pas été acquittées au cours de la procédure d’insolvabilité ou dans les trois ans suivant la clôture de celle-ci, dans les conditions énoncées au présent chapitre. »

10

L’article 242, paragraphe 2, du CIRE dispose :

« L’octroi d’avantages particuliers à un créancier de l’insolvabilité par le débiteur ou par un tiers est...

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