Solar Electric Holding and Others v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2021:780
Docket NumberT-678/20
Date10 November 2021
Celex Number62020TJ0678
CourtGeneral Court (European Union)
62020TJ0678

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 novembre 2021 ( *1 )

« Aides d’État – Marché de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, incluant l’énergie photovoltaïque – Obligation d’achat par la loi française de l’électricité à un prix supérieur au prix du marché – Rejet d’une plainte – Article 12, paragraphe 1, et article 24, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 – Champ d’application »

Dans l’affaire T‑678/20,

Solar Electric Holding, établie au Lamentin (France),

Solar Electric Guyane, établie au Lamentin,

Solar Electric Martinique, établie au Lamentin,

Société de production d’énergies renouvelables, établie au Lamentin,

représentées par Me S. Manna, avocate,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et A. Bouchagiar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 3 septembre 2020 rejetant la plainte des requérantes du 20 juin 2020 relative à des aides d’État illégales aux installations photovoltaïques des requérantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

La loi no 2000-108, du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (JORF du 11 février 2000, p. 2143) vise à encourager le développement d’énergies renouvelables sur le territoire français. À cette fin, ladite loi a introduit une obligation d’achat qui a été reprise par les articles L.314-1 et suivants du code de l’énergie et selon laquelle Électricité de France (EDF) et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi no 46-628, du 8 avril 1946, sur la nationalisation de l’électricité et du gaz ont une obligation de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l’achat de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, incluant l’énergie photovoltaïque, d’une durée de 20 ans à un prix fixé par arrêté tarifaire ministériel. Jusqu’au 31 décembre 2015, les coûts supportés par EDF et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi no 46-628 en raison de l’obligation d’achat ont fait l’objet, en vertu du décret no 2004-90, du 28 janvier 2004, relatif à la compensation de charges de service public d’électricité, d’un mécanisme de compensation intégrale financé par une contribution au service public de l’électricité prélevée sur les consommateurs d’électricité. Depuis le 1er janvier 2016, ces coûts sont compensés par un compte d’affectation spéciale pour la transition énergétique financé par des taxes sur la consommation de produits énergétiques.

2

Des arrêtés tarifaires, du type de ceux mentionnés au point 1 ci-dessus, ont été adoptés, notamment, le 10 juillet 2006 (ci-après l’« arrêté tarifaire 2006 »), le 12 janvier 2010 (ci-après l’« arrêté tarifaire 1/2010 »), le 31 août 2010 (ci-après l’« arrêté tarifaire 8/2010 »), le 4 mars 2011 et le 9 mai 2017. Même si seul ce dernier arrêté est toujours en vigueur, les autres arrêtés tarifaires, abrogés entretemps, continuent à être applicables dans la mesure où le prix d’achat de l’électricité payé pendant toute la durée du contrat d’achat, soit 20 ans, est celui défini par l’arrêté tarifaire en vigueur au jour où le producteur a formulé une demande complète de raccordement au réseau public.

3

Solar Electric Holding, société holding qui détient à 100 %, comme filiales, Solar Electric Guyane et Solar Electric Martinique, qui sont chargées du développement et de la construction de projets de production d’électricité à partir de sources d’énergie photovoltaïque, respectivement, en Guyane et en Martinique, ainsi que Société de production d’énergies renouvelables (Soproder), qui est chargée de l’exploitation de ces différentes installations photovoltaïques, a conclu avec EDF des contrats d’achat d’électricité sur le fondement des arrêtés tarifaires mentionnés au point 1 ci-dessus. Soproder s’est trouvée dès lors, au sein du groupe formé par ces différentes sociétés, être celle bénéficiant de manière directe et immédiate des tarifs préférentiels définis par lesdits arrêtés.

4

Par arrêt du 18 septembre 2019, la Cour de cassation (France), saisie de demandes d’indemnisation, a jugé que les mesures fondées sur les arrêtés tarifaires 2006 et 1/2010, mettant en œuvre un mécanisme d’obligation d’achat à un prix supérieur à celui du marché, constituaient des aides d’État illégales en ce qu’elles n’avaient pas été notifiées à la Commission européenne conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

5

Par ailleurs, par lettre du 26 mars 2020 adressée aux requérantes, Solar Electric Holding, Solar Electric Guyane, Solar Electric Martinique et Soproder, la Commission a confirmé que les mesures fondées sur les arrêtés tarifaires 2006, 1/2010 et 8/2010 ne lui avaient pas été notifiées.

6

Le 20 juin 2020, les requérantes ont transmis à la Commission le formulaire de plainte relative à des aides d’État illégales, tel que visé à l’article 24, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9). Dans ce formulaire, les requérantes ont indiqué que les régimes d’aides résultant des arrêtés tarifaires 2006, 1/2010 et 8/2010 avaient été mis à exécution alors que la Commission ne s’était jamais prononcée sur leur compatibilité avec le marché intérieur et que l’absence de décision de la Commission créait, selon elles, un vide juridique préjudiciable à l’ensemble des producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie photovoltaïque français, dans la mesure où les revenus tirés des contrats conclus au tarif prévu par lesdits arrêtés seraient susceptibles d’être remis en cause et de faire l’objet de mesures de récupération. Or, selon les informations fournies par les requérantes dans ce formulaire, les mécanismes de soutien à la production d’électricité à partir de sources d’énergie photovoltaïque résultant des arrêtés tarifaires 2006, 1/2010 et 8/2010 seraient compatibles avec le marché intérieur. Tout en invoquant l’article 108, paragraphe 1, TFUE ainsi que l’article 12, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, les requérantes, dans ce formulaire, et plus particulièrement dans les sections 3.4, 8 et 9.3 de celui-ci, ont « demand[é] à la Commission de se prononcer expressément sur la compatibilité des régimes d’aide[s] résultant des[dits] arrêtés ».

7

Par lettre du 1er juillet 2020, les services de la Commission ont formulé plusieurs questions et demandes d’informations complémentaires, auxquelles les requérantes ont répondu par courriel en date du 31 août 2020.

8

Par lettre du 3 septembre 2020, la Commission a rejeté la plainte des requérantes du 20 juin 2020 relative à des aides d’État illégales aux installations photovoltaïques des requérantes (ci-après la « décision attaquée), en indiquant notamment ce qui suit :

« La [direction générale « Concurrence »] considère que votre plainte doit être rejetée en raison du fait que l’objet ne relève pas du champ d’application des articles 12, paragraphe 1, et 24, paragraphe 2, du [règlement 2015/1589] […]

[L]es plaignantes demandent à la Commission de se prononcer sur la compatibilité des régimes d’aide[s], comme si elles représentaient la France dans une procédure de quasi-notification. Ainsi, l’objet de votre plainte ne relève-t-il pas du champ d’application des articles 12, paragraphe 1, et 24, paragraphe 2, du [règlement 2015/1589], et doit pour cette raison être rejetée […]

Nous vous remercions pour les renseignements que vous nous avez transmis. La Commission les enregistrera comme des informations générales relatives au marché. »

Procédure et conclusions des parties

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 novembre 2020, les requérantes ont introduit le présent recours.

10

Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2021.

11

Par décision du 2 février 2021, le Tribunal a décidé, conformément à l’article 83, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire.

12

Par lettre du 15 avril 2021, les requérantes ont sollicité la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure.

13

Le 4 juin 2021, le Tribunal a, à titre de mesure d’organisation de la procédure, posé une question aux parties pour réponse écrite, à laquelle ces dernières ont répondu le 21 juin 2021.

14

Par lettre en date du 9 juillet 2021, les requérantes ont informé le Tribunal qu’elles renonçaient à leur demande d’audience de plaidoiries.

15

Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

16

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner des requérantes aux dépens de l’instance.

En droit

17

À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent trois moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, le deuxième, d’une violation de l’article 12, paragraphe 1, du même règlement et, le troisième, de l’obligation impartie à la Commission de faire appliquer le traité FUE.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589

18

Dans le cadre...

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