Teva Pharmaceutical Industries Ltd and Cephalon Inc. v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2023:651
Date18 October 2023
Docket NumberT-74/21
Celex Number62021TJ0074
CourtGeneral Court (European Union)
62021TJ0074

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

18 octobre 2023 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Marché du modafinil – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets – Restriction de concurrence par objet – Qualification – Restriction de concurrence par effet – Conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Amendes »

Dans l’affaire T‑74/21,

Teva Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Petah Tikva (Israël),

Cephalon Inc., établie à West Chester, Pennsylvanie (États-Unis),

représentées par Mes D. Tayar, S. Ortoli et A. Richard, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, T. Franchoo et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. F. Schalin (rapporteur), président, M. Jaeger, Mme P. Škvařilová-Pelzl, MM. I. Nõmm et D. Kukovec, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1

Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Teva Pharmaceutical Industries Ltd (ci-après « Teva ») et Cephalon Inc., demandent l’annulation de la décision C(2020) 8153 final de la Commission européenne, du 26 novembre 2020, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39686-CEPHALON) (ci-après la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, la suppression ou la réduction du montant des amendes.

I. Antécédents du litige

2

Cephalon est une société biopharmaceutique basée aux États-Unis qui fournit des produits pharmaceutiques à la fois princeps et génériques dans le monde entier. Les activités principales de Cephalon englobent la recherche et le développement ainsi que la mise sur le marché de médicaments, avec un accent particulier mis sur les troubles du système nerveux central, y compris les troubles du sommeil, la douleur, l’oncologie, les maladies inflammatoires et la médecine régénérative.

3

Teva est une multinationale pharmaceutique active dans le développement, la production et la commercialisation de médicaments génériques ainsi que de produits pharmaceutiques innovants et spécialisés, d’ingrédients pharmaceutiques actifs et de produits en vente libre.

4

En octobre 2011, après que la Commission a approuvé la concentration notifiée, par décision C(2011) 7435 final (affaire COMP/M. 6258 – Teva/Cephalon), du 13 octobre 2011, sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), Cephalon a été rachetée par Teva.

A. Produit concerné et brevets concernant celui-ci

5

Le produit concerné par la présente affaire correspond aux médicaments contenant le principe pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») dénommé modafinil. Le modafinil est un agent stimulant de longue durée d’échauffement utilisé pour le traitement de certains troubles du sommeil.

6

Le modafinil a été découvert par le laboratoire Lafon, une entreprise pharmaceutique française, en 1976. Lafon a d’abord enregistré son produit modafinil sous la marque Modiodal, le 24 juin 1992 en France, puis sous les marques Provigil, Vigil ou Modasomil dans d’autres pays.

7

En 1993, Cephalon a obtenu les droits exclusifs sur le modafinil auprès de Lafon et, en 2001, a finalement acquis l’ensemble de la société Lafon. En 1997, Cephalon a commencé à vendre du modafinil sous la marque Provigil au Royaume-Uni. En 2005, elle vendait du modafinil dans plusieurs pays de l’Espace économique européen (EEE).

8

En ce qui concerne l’EEE, les différents brevets nationaux de molécule de Cephalon pour l’IPA du modafinil ont expiré au plus tard en 2003, tandis que la protection des données concernant cet IPA a expiré au plus tard en 2005.

9

Bien que les brevets sur la molécule du modafinil aient expiré, Cephalon détenait encore des brevets secondaires sur la taille des particules et d’autres brevets liés au modafinil ayant une date d’expiration en 2015 dans l’EEE.

10

Le médicament Provigil était le produit le plus important du portefeuille de Cephalon en termes de ventes. Compte tenu de l’arrivée sur le marché des produits génériques dans un avenir proche et pour protéger ses activités dans le domaine en cause, Cephalon a travaillé sur un produit de deuxième génération, dénommé Nuvigil, basé sur l’IPA du modafinil, qu’elle envisageait de mettre sur le marché pour remplacer progressivement le Provigil à partir de 2006, d’abord aux États-Unis, puis dans l’EEE. En outre, Cephalon avait prévu le lancement d’un autre médicament à base de modafinil, dénommé Sparlon. Finalement, Cephalon n’a lancé ni le Nuvigil ni le Sparlon dans l’EEE. Par ailleurs, ce dernier n’a pas reçu d’autorisation aux États-Unis.

11

À la fin de l’année 2002, lorsque quatre sociétés du secteur des génériques, dont Teva, ont demandé une autorisation réglementaire pour commercialiser leurs produits génériques du modafinil aux États-Unis, Cephalon a engagé une procédure de contrefaçon de brevet aux États-Unis.

12

En juin 2005, Teva a lancé son produit générique du modafinil au Royaume-Uni.

13

Le 6 juillet 2005, après un échange de lettres, Cephalon a engagé une procédure judiciaire en matière de brevets contre Teva devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] et a demandé une injonction provisoire pour empêcher Teva de vendre son produit générique du modafinil au Royaume-Uni. Teva a ensuite déposé une demande reconventionnelle en nullité.

14

Avant l’audience sur la demande d’injonction provisoire prévue pour le 11 juillet 2005, Teva a accepté de cesser de vendre des produits génériques du modafinil au Royaume-Uni. En contrepartie, Cephalon a accepté de fournir une garantie de 2,1 millions de livres sterling (GBP) (soit environ 3,07 millions d’euros) au cas où Teva obtiendrait gain de cause lors de la procédure judiciaire et serait en droit de réclamer des dommages et intérêts pour le manque à gagner.

15

Les négociations en vue d’un accord de règlement amiable ont débuté fin novembre 2005.

B. Accord litigieux

16

Le 8 décembre 2005, Cephalon et Teva ont conclu un accord de règlement amiable (ci-après l’« accord de règlement »). L’accord de règlement a été également conclu pour leurs affiliés et a pris effet le 4 décembre 2005.

17

Aux termes de l’accord de règlement, il est prévu, notamment, que, en vertu de l’article 2, Teva s’engage à ne pas entrer de manière indépendante ni concurrencer Cephalon sur le marché du modafinil (ci-après la « clause de non-concurrence ») et à ne pas contester les brevets du modafinil de Cephalon (ci-après la « clause de non-contestation ») (ci-après, prises ensemble, les « clauses restrictives »).

Les articles 2.2 à 2.6 de l’accord de règlement comportent un ensemble de transactions portant sur :

une licence de Teva à Cephalon concernant les droits de propriété intellectuelle de Teva ;

une licence de Cephalon à Teva pour utiliser les données, dites CEP1347, codéveloppées par Cephalon dans le cadre d’études sur le traitement de la maladie de Parkinson ;

la fourniture de l’IPA du modafinil par Teva à Cephalon ;

des paiements par Cephalon à Teva pour les frais de contentieux évités ;

la distribution des produits de Cephalon au Royaume-Uni par Teva.

18

De même, l’accord de règlement prévoit, à son article 3, des droits génériques en faveur de Teva. Aux termes de cet article, Cephalon accorde à Teva une licence non exclusive pour le lancement de son produit générique du modafinil, y compris dans l’EEE, à partir de 2012 (ou plus tôt, dans le cas où une quelconque entité introduirait sur le marché un produit générique du modafinil).

19

Conformément à l’article 4 de l’accord de règlement, Teva et Cephalon se sont engagées à mettre immédiatement fin à leur contentieux au sujet du modafinil aux États-Unis et au Royaume-Uni.

20

L’accord de règlement comprend également les montants ou redevances impliqués dans les différentes transactions mentionnées aux points 17 et 18 ci-dessus.

C. Décision attaquée

21

Le 26 novembre 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

22

La Commission a considéré que les requérantes avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à l’accord de règlement dans le secteur pharmaceutique, contre paiement inversé. L’infraction concernait l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Suède et avait duré du 4 décembre 2005 au 12 octobre 2011, sauf en ce qui concernait la Bulgarie et la Roumanie, où l’infraction avait débuté le 1er janvier 2007, ainsi que la Hongrie, où l’infraction avait pris fin le 14 juin 2011 (article 1er de la décision attaquée).

23

Pour l’infraction susmentionnée, la Commission a infligé à Cephalon et à Teva des amendes s’élevant respectivement à 30480000 euros et à...

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