Opinion pursuant to Article 218(11) TFEU.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2292
Date13 May 2014
Celex Number62013CP0001
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeProcedimiento de dictamen - acuerdo compatible
Docket Number1/13
62013CP0001

PRISE DE POSITION DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentée le 13 mai 2014 ( 1 )

Avis 1/13

Demande d’avis de la Commission européenne

«Demande d’avis au titre de l’article 218, paragraphe 11, TFUE — Recevabilité — Notion d’‘accord envisagé’ — Accords internationaux dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile — Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants — Compétence exclusive ou partagée de l’Union européenne pour accepter l’adhésion d’un État tiers à cette convention — Conclusion d’un accord international susceptible d’affecter des règles communes du droit de l’Union ou d’en altérer la portée au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE — Domaine déjà couvert en grande partie par des règles du droit de l’Union — Risque d’atteinte à l’application uniforme et cohérente des règles de droit de l’Union et au bon fonctionnement du système qu’elles instituent — Interaction avec le règlement (CE) no 2201/2003»

Table des matières

I – Introduction

II – Le contexte de la demande d’avis

III – La procédure devant la Cour

IV – Sur la recevabilité

A – Sur la qualification des instruments faisant l’objet de la demande d’avis

B – Sur les parties aux accords internationaux en cause

C – Sur l’état d’avancement des accords internationaux en cause

V – Sur le fond

A – Propos introductifs

B – Sur les critères de démarcation de la compétence externe exclusive de l’Union issus de la jurisprudence antérieure au traité FUE

C – Sur le maintien de la pertinence de ces principes jurisprudentiels après l’entrée en vigueur du traité FUE

D – Sur l’application en l’espèce des critères afférents à l’affectation de règles communes

1. Les caractéristiques des accords internationaux en cause

2. L’existence de règles communes dans le domaine couvert par ces accords internationaux

3. Le risque d’affectation de ces règles communes par les accords internationaux en cause

VI – Conclusion

I – Introduction

1.

La présente prise de position a pour objet une demande d’avis soumise à la Cour, au titre de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, par la Commission européenne ( 2 ). Dans cette affaire, la Cour est interrogée sur le point de savoir si l’acceptation de l’adhésion d’un État tiers à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (ci‑après la «convention de La Haye de 1980») ( 3 ) relève ou non de la compétence exclusive de l’Union européenne. La question se pose en particulier au regard des modifications introduites par le traité de Lisbonne quant à la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres, que la Cour est ainsi invitée à clarifier.

2.

D’emblée, il convient de préciser que chacun des États membres de l’Union est partie à la convention de La Haye de 1980, et non l’Union en tant que telle, car cette convention ne permet pas l’adhésion d’organisations internationales. Néanmoins, la Commission a estimé que la faculté d’accepter des États tiers ayant adhéré à cette convention, telle que prévue à l’article 38 de celle‑ci, relevait de la compétence externe exclusive de l’Union et qu’il était donc nécessaire que les États membres y procèdent, non pas individuellement et en leur propre nom, mais simultanément et dans l’intérêt de l’Union. Les propositions de décisions du Conseil que la Commission a présentées en ce sens ont été rejetées par une large majorité des États membres, étant précisé que la plupart d’entre eux avaient déjà accepté l’adhésion d’au moins l’un de ces États tiers.

3.

Pour justifier son approche, qui est contestée tant par le Conseil de l’Union européenne que par presque tous les États membres ayant présenté des observations dans la présente affaire ( 4 ), la Commission, soutenue par le Parlement européen, fait valoir que serait ici en jeu la conclusion d’un accord international qui est susceptible d’affecter des règles communes du droit de l’Union ou d’en altérer la portée au sens de l’article 3, paragraphe 2, TFUE.

4.

En particulier, il existerait un risque de concurrence, voire de conflits, avec le règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 ( 5 ) (ci‑après le «règlement Bruxelles II bis»). En effet, le champ d’application matériel de ce règlement coïncide en partie avec celui de la convention de La Haye de 1980 puisqu’il contient aussi des dispositions relatives aux enlèvements transfrontaliers d’enfants, dont certaines renvoient à ladite convention. À cet égard, la question se pose de savoir si les critères d’appréciation du risque d’affectation de règles communes par un accord international qui ont été définis par la Cour dans sa jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur du traité FUE, restent pertinents en l’espèce.

5.

En tout état de cause, avant de pouvoir déterminer si l’Union détient une compétence externe exclusive ou partagée pour accepter l’adhésion d’un État tiers à ladite convention, la Cour devra examiner si la présente demande d’avis est recevable, ce au sujet de quoi il existe de sérieux doutes.

6.

À ce titre, il conviendra, tout d’abord, de vérifier si les instruments faisant l’objet de la demande d’avis constituent bien des «accords» relevant de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, étant donné que ces instruments sont atypiques, tant de par leur nature que de par leurs parties contractantes, puisqu’il s’agit d’une série de déclarations d’acceptation de l’adhésion d’États tiers à ladite convention qui sont effectuées par les États membres, et non par l’Union elle-même. Dans l’affirmative, au regard du contexte factuel susmentionné, il faudra, ensuite, déterminer si les accords en cause sont toujours «envisagés» au sens de cette disposition et, partant, dans quelle mesure la Cour peut utilement rendre un avis.

II – Le contexte de la demande d’avis

7.

La convention de La Haye de 1980, entrée en vigueur le 1er décembre 1983, a pour objet, aux termes de son article 1er, «d’assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant» et «de faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant».

8.

Entre l’année 2007 et l’année 2011, huit États non membres de l’Union, à savoir la République d’Arménie, la République d’Albanie, la République des Seychelles, le Royaume du Maroc, la République gabonaise, la République de Singapour, la Principauté d’Andorre et la Fédération de Russie, ont successivement déposé des instruments d’adhésion à ladite convention ( 6 ).

9.

Chaque État ayant adhéré à la convention de La Haye de 1980, conformément aux modalités prévues aux premier à troisième alinéas de son article 38 ( 7 ), se trouve lié par celle-ci. Toutefois, il résulte des quatrième et cinquième alinéas dudit article 38 que l’adhésion d’un nouvel État est soumise à une procédure d’acceptation, de sorte qu’elle ne produit ses effets que dans les rapports entre l’État adhérant et les États contractants ayant déclaré accepter cette adhésion ( 8 ).

10.

Bien que seuls les États membres soient parties à la convention de La Haye de 1980, et non l’Union, la Commission a néanmoins considéré que la question de l’enlèvement international d’enfants relevait de la compétence externe exclusive de l’Union, en raison de l’adoption du règlement Bruxelles II bis et de l’intégration du contenu de ladite convention dans ce règlement. Partant, elle a adopté, le 21 décembre 2011, huit propositions de décisions du Conseil concernant les déclarations d’acceptation par les États membres, dans l’intérêt de l’Union, de l’adhésion à cette convention de chacun desdits huit États tiers ( 9 ).

11.

Le Parlement européen a accueilli ces propositions de manière favorable ( 10 ). En revanche, au sein du Conseil, les représentants de la majorité des États membres se sont opposés à ces propositions. Ils ont fait valoir qu’il n’y avait pas, dans le chef du Conseil, d’obligation juridique de les adopter, dès lors qu’une déclaration d’acceptation d’États tiers à la convention de La Haye de 1980 ne relevait pas, selon eux, de la compétence externe exclusive de l’Union, cette convention étant avant tout un instrument de coopération bilatérale entre les États contractants ( 11 ). Le Conseil n’a donc pas adopté les propositions en question.

12.

Par ailleurs, la plupart des États membres ont formulé individuellement des déclarations d’acceptation d’une ou de plusieurs des adhésions en question, pour certains d’entre eux à une date largement antérieure à celle des propositions de la Commission susmentionnées ( 12 ).

13.

Dans ce contexte, la Commission a estimé opportun de saisir la Cour, au titre de l’article 218, paragraphe 11, TFUE, de la présente demande d’avis, déposée le 21 juin 2013, et de poser une question libellée comme suit:

«L’acceptation de l’adhésion d’un pays tiers à la [convention de La Haye de 1980] relève‑t‑elle de la compétence exclusive de l’Union?»

III – La procédure devant la Cour

14.

Des observations écrites ont été déposées par la Commission, le Parlement européen et le Conseil ainsi que par les gouvernements tchèque, allemand, estonien, irlandais, hellénique, espagnol, français, italien, chypriote, letton, lituanien, autrichien, polonais...

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