Arrêts nº T-23/99 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, March 20, 2002

Resolution DateMarch 20, 2002
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-23/99

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 mars 2002 (1) «Concurrence - Entente - Conduites de chauffage urbain - Article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) - Infraction continue - Boycottage - Accès au dossier - Amende - Lignes directrices pour le calcul des amendes -

Non-rétroactivité - Confiance légitime»

Dans l'affaire T-23/99,

LR AF 1998 A/S, anciennement Løgstør Rør A/S, établie à Løgstør (Danemark), représentée par Mes D. Waelbroeck et H. Peytz, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Oliver et É. Gippini Fournier, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d'annulation de la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l'amende infligée par cette décision à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 25 octobre 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
La société LR AF 1998 A/S, anciennement Løgstør Rør A/S, est une société danoise qui, à l'époque des faits, fabriquait et vendait des conduites précalorifugées, utilisées notamment dans le chauffage urbain.

2.
Dans les systèmes de chauffage urbain, l'eau chauffée dans un site central est acheminée, par des conduites souterraines, vers les locaux à chauffer. Étant donné que la température de l'eau (ou de la vapeur) transportée est très élevée, les conduites doivent être calorifugées pour assurer une distribution économique et sans risque. Les conduites utilisées sont précalorifugées et, à cette fin, sont généralement constituées d'un tube d'acier enveloppé d'un tube de plastique, avec une couche de mousse isolante entre les deux.

3.
Les conduites de chauffage urbain font l'objet d'un commerce important entre les États membres. Les plus grands marchés nationaux de l'Union européenne sont l'Allemagne, avec 40 % de la consommation communautaire, et le Danemark, avec 20 % . Avec 50 % de la capacité de fabrication de l'Union européenne, leDanemark est le principal centre de production de l'Union qui approvisionne tous les États membres où est utilisé le chauffage urbain.

4.
Par une plainte datée du 18 janvier 1995, l'entreprise suédoise Powerpipe AB a signalé à la Commission que les autres fabricants et fournisseurs de conduites de chauffage urbain s'étaient réparti le marché européen dans le cadre d'une entente et qu'ils avaient pris des mesures concertées pour nuire à son activité, ou confiner cette activité au marché suédois, ou encore l'évincer purement et simplement du secteur.

5.
Le 28 juin 1995, agissant en vertu d'une décision de la Commission du 12 juin 1995, des fonctionnaires de cette dernière et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés ont procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans dix entreprises ou associations présentes dans le secteur du chauffage urbain, y inclus la requérante (ci-après les «vérifications»).

6.
Ensuite, la Commission a adressé des demandes de renseignements à la requérante et à la plupart des entreprises concernées par les faits litigieux, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

7.
Le 20 mars 1997, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées . Ensuite, une audition des entreprises concernées a eu lieu les 24 et 25 novembre 1997.

8.
Le 21 octobre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/60/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 - Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), rectifiée avant sa publication par une décision du 6 novembre 1998 [C(1998) 3415 final] (ci-après la «décision» ou la «décision attaquée») constatant la participation de diverses entreprises, et, notamment, de la requérante, à un ensemble d'accords et de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) (ci-après l'«entente»).

9.
Selon la décision, un accord a été conclu, à la fin de l'année 1990, entre les quatre producteurs de conduites de chauffage urbain danois sur le principe d'une coopération générale sur leur marché national. Cet accord aurait réuni la requérante ainsi qu'ABB IC Møller A/S, la filiale danoise du groupe helvético-suédois ABB Asea Brown Boveri Ltd (ci-après «ABB»), Dansk Rørindustri A/S, aussi connue sous le nom de Starpipe (ci-après «Dansk Rørindustri»), et Tarco Energi A/S (ci-après «Tarco») (ci-après, les quatre pris ensemble, les «producteurs danois»). L'une des premières mesures aurait consisté à coordonner une augmentation des prix tant pour le marché danois que pour les marchés à l'exportation. Aux fins de partager le marché danois, des quotas auraient été fixés puis appliqués et contrôlés par un «groupe de contact» réunissant les responsablesdes ventes des entreprises concernées. Pour chaque projet commercial (ci-après un «projet»), l'entreprise à laquelle le groupe de contact avait attribué le projet aurait informé les autres participants du prix qu'elle avait l'intention de proposer et ces derniers auraient alors fait une offre plus élevée de façon à protéger le fournisseur désigné par l'entente.

10.
Selon la décision, deux producteurs allemands, le groupe Henss/Isoplus (ci-après «Henss/Isoplus») et Pan-Isovit GmbH, se sont joints aux réunions régulières des producteurs danois à partir de l'automne de 1991. Dans le cadre de ces réunions se seraient tenues des négociations en vue de la répartition du marché allemand. Celles-ci auraient abouti, en août 1993, à des accords fixant des quotas de vente pour chaque entreprise participante .

11.
Toujours selon la décision, il a été convenu d'un accord entre tous ces producteurs, en 1994, afin de fixer des quotas pour l'ensemble du marché européen. Cette entente européenne aurait comporté une structure à deux niveaux. Le «club des directeurs», réunissant les présidents ou des directeurs généraux des entreprises participant à l'entente, aurait attribué des quotas à chaque entreprise tant sur l'ensemble du marché que sur chacun des marchés nationaux, notamment l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas et la Suède. Pour certains marchés nationaux, un «groupe de contact» aurait été institué, composé de responsables locaux des ventes, qui se seraient vu confier la tâche de gérer les accords en attribuant les projets et en coordonnant les soumissions aux appels d'offres.

12.
En ce qui concerne le marché allemand, la décision mentionne que, à la suite d'une réunion des six principaux producteurs européens (ABB, Dansk Rørindustri, Henss/Isoplus, Pan-Isovit, Tarco et la requérante) et de Brugg Rohrsysteme GmbH (ci-après «Brugg») le 18 août 1994, une première réunion du groupe de contact pour l'Allemagne s'est tenue le 7 octobre 1994. Les réunions de ce groupe se seraient poursuivies longtemps après les vérifications de la Commission, à la fin de juin 1995, bien que, à partir de ce moment-là, elles se soient tenues à l'extérieur de l'Union européenne, à Zurich. Les réunions à Zurich se seraient poursuivies jusqu'au 25 mars 1996.

13.
Comme élément de l'entente, la décision cite, notamment, l'adoption et la mise en oeuvre de mesures concertées visant à éliminer la seule entreprise importante à ne pas en faire partie, Powerpipe. La Commission précise que certains participants à l'entente ont recruté des «salariés clés» de Powerpipe et ont fait comprendre à cette dernière qu'elle devait se retirer du marché allemand. À la suite de l'attribution à Powerpipe d'un important projet allemand, en mars 1995, une réunion se serait tenue à Düsseldorf, à laquelle auraient participé les six producteurs susvisés et Brugg. Selon la Commission, il a été décidé, lors de cette réunion, d'instituer un boycottage collectif des clients et des fournisseurs de Powerpipe . Ce boycottage aurait ensuite été mis en oeuvre.

14.
Dans sa décision, la Commission expose les motifs pour lesquels non seulement l'arrangement exprès de partage des marchés conclu entre les producteurs danois à la fin de 1990, mais également les arrangements conclus à compter d'octobre 1991, visés ensemble, peuvent être considérés comme formant un «accord» prohibé par l'article 85, paragraphe 1, du traité. De plus, la Commission souligne que les ententes «danoise» et «européenne» ne constituaient que l'expression d'une seule entente qui a débuté au Danemark mais qui avait, dès le départ, l'objectif, à plus long terme, d'étendre le contrôle des participants à tout le marché. Selon la Commission, l'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres.

15.
Pour ces motifs, la décision a pour dispositif:

Article premier

ABB Asea Brown Boveri Ltd, Brugg Rohrsysteme GmbH, Dansk Rørindustri A/S, le groupe Henss/Isoplus, KE KELIT Kunststoffwerk GmbH, Oy KWH Tech AB, Løgstør Rør A/S, Pan-Isovit GmbH, Sigma Tecnologie di rivestimento Srl et Tarco Energi A/S ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, en participant, de la manière et dans la mesure indiquées dans la motivation à un ensemble d'accords et de pratiques concertées qui a été mis en place, vers novembre ou décembre 1990, entre les quatre producteurs danois, qui a ensuite été étendu à d'autres...

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