Ordonnances nº T-468/08 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, December 23, 2008

Resolution DateDecember 23, 2008
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-468/08

Référé – Aides d’État – Décision de la Commission déclarant incompatibles avec le marché commun les aides que la République de Hongrie aurait accordées en faveur de certains producteurs d’électricité au moyen d’accords d’achat d’électricité – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence – Mise en balance des intérêts

Dans l’affaire T‑468/08 R,

AES-Tisza Erőmű kft (AES-Tisza kft), établie à Tiszaújváros (Hongrie), représentée par Mes T. Ottervanger et E. Henny, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Flynn, N. Khan et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de l’article 1er de la décision C (2008) 2223 final de la Commission, du 4 juin 2008, relative à l’aide d’État accordée par la République de Hongrie au moyen d’accords d’achat d’électricité,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Antécédents du litige

1 Au milieu des années 90, le principal objectif de la République de Hongrie dans le secteur de l’énergie était de moderniser les infrastructures de la production d’électricité pour garantir la sécurité de l’approvisionnement. Afin d’atteindre un tel objectif, nécessitant de gros investissements en capital, l’État a instauré un système d’accords d’achat d’électricité (ci-après les « AAE ») à long terme dans le but d’inciter les producteurs d’électricité à investir en Hongrie. Dans le cadre de ces AAE, qui ont été conclus entre 1995 et 2001, l’entreprise publique Magyar Villamos Művek (MVM) Rt, s’est engagée, en tant que « acheteur unique », à acheter une quantité déterminée d’électricité à un prix fixe. Ces AAE à long terme ont ainsi permis d’assurer aux producteurs une rentabilisation de leurs investissements.

2 Le marché de l’électricité hongrois a été régi par trois régimes consécutifs. Le premier prévoyait l’obligation pour MVM de veiller à la sécurité des approvisionnements à moindre coût (1992-2002). Le deuxième, entré en vigueur en 2003, a instauré un modèle double, en divisant le marché en deux secteurs, un secteur libéralisé représentant environ 30 % de la production et un secteur de service public approvisionné par MVM et représentant environ 70 % de la production. En vertu de ce régime, les producteurs d’énergie étaient légalement tenus d’offrir la capacité requise à MVM à des prix règlementés pour le secteur de service public. Après la mise en œuvre du troisième régime en 2004, les producteurs d’énergie sont toujours tenus d’approvisionner MVM, mais la réglementation des prix a été supprimée, les prix de l’électricité étant dorénavant déterminés sur la base du calcul des prix prévu dans chaque AAE.

3 La requérante, l’AES-Tisza Erőmű kft, est une filiale hongroise à 100 % du groupe AES, dont la société mère, l’AES Corporation, est établie aux États-Unis. Elle produit de l’électricité en Hongrie dans sa centrale Tisza II depuis 1996, date à laquelle elle a racheté l’ancienne entreprise d’État Tisza dans le cadre du programme de privatisation du gouvernement hongrois. Dans ce contexte, la requérante a aussi repris l’AAE à long terme qui avait été préalablement conclu entre Tisza et MVM. La centrale Tisza II, qui avait été construite entre 1972 et 1978, fonctionne essentiellement au gaz naturel, avec un soutien assuré au fioul. Elle est le fournisseur principal de courant électrique d’ajustement et d’électricité destinée aux heures de pointe pour le système hongrois. Le groupe AES exploite en Hongrie deux autres centrales, à Borsod et à Tiszapalkonya, qui sont actives dans le secteur libéralisé du marché et qui ne bénéficient donc pas d’AAE à long terme.

4 En novembre 2005, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE au regard des AAE à long terme susmentionnés. En effet, elle avait des doutes sur la compatibilité de ces AAE avec le régime communautaire des aides d’État, étant donné qu’ils excluraient tout risque commercial pour les producteurs concernés et placeraient ceux-ci en meilleure position que les autres sur le marché.

5 Le 4 juin 2008, la Commission a adopté la décision C (2008) 2223 final relative à l’aide d’État accordée par la République de Hongrie au moyen d’AAE (ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :

Article 1er

1. Les obligations d’achat telles qu’elles sont définies dans les [AAE] conclus entre [MVM], d’une part, et [la requérante ainsi que six autres producteurs d’électricité], d’autre part, comportent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE] en faveur des producteurs d’électricité.

2. Les aides d’État visées au paragraphe 1 sont incompatibles avec le marché commun.

3. La [République de] Hongrie s’abstiendra d’accorder les aides d’État visées au paragraphe 1 dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 2

1. Les aides d’État visées à l’article 1er seront récupérées par la [République de] Hongrie auprès des bénéficiaires.

[…]

Article 3

1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Hongrie informera la Commission sur les mesures d’exécution qui auront déjà été prises et envisagées, notamment les actes visant à réaliser une simulation appropriée des conditions sur le marché de gros destinée à permettre la détermination des montants à récupérer, des détails de la méthodologie applicable et une description détaillée des données qui seront utilisées à cette fin.

[…]

Article 4

1. Le montant exact des aides d’État à récupérer sera calculé par la [République de] Hongrie sur la base d’une simulation appropriée des conditions du marché de l’électricité de gros qui auraient prévalu si aucun des [AAE] visés à l’article 1er, paragraphe 1, n’avait été en vigueur à partir du 1er mai 2004.

2. Dans un délai de six mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Hongrie calculera les montants à récupérer sur la base de la méthodologie mentionnée au paragraphe 1 et transmettra à la Commission toutes les informations pertinentes relatives à ladite simulation, notamment ses résultats, une description détaillée de la méthodologie appliquée et les données utilisées aux fins de la simulation.

Article 5

La [République de] Hongrie fera en sorte que les aides d’État visées à l’article 1er soient récupérées dans un délai de dix mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 6

La présente décision est adressée à la République de Hongrie.

Procédure et conclusions des parties

6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 octobre 2008, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

7 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

– surseoir à l’exécution de l’article 1er de la décision attaquée, en vertu de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, dans l’attente de l’adoption d’une ordonnance qui mettra fin à la présente procédure de référé, et, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours au principal ;

– condamner la Commission aux dépens.

8 Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 14 novembre 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

– rejeter la demande en référé ;

– condamner la requérante aux dépens.

9 Après le dépôt par la Commission de ses observations, la requérante a été autorisée à présenter une réplique, ce qu’elle a fait par mémoire du 12 décembre 2008. Dans ce mémoire, elle a indiqué, notamment, que sa demande de sursis à exécution ne visait l’article 1er de la décision attaquée que dans la mesure où elle était elle-même concernée par cette disposition. La Commission a pris position sur cette réplique par mémoire du 18 décembre 2008.

En droit

10 En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

11 L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes en référé doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

12 En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune...

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