Arrêts nº T-90/11 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, December 10, 2014

Resolution DateDecember 10, 2014
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-90/11

Concurrence - Ententes - Marché français des analyses de biologie médicale - Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE - Association d’entreprises - Ordre professionnel - Objet de l’inspection et de l’enquête - Conditions d’application de l’article 101 TFUE - Infraction par objet - Prix minimal et entraves au développement de groupes de laboratoires - Infraction unique et continue - Preuve - Erreurs d’appréciation de fait et erreurs de droit - Montant de l’amende - Point 37 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 - Pleine juridiction

Dans l’affaire T-90/11,

Ordre national des pharmaciens (ONP), établi à Paris (France),

Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), établi à Paris,

Conseil central de la section G de l’Ordre national des pharmaciens (CCG), établi à Paris,

représentés par Mes O. Saumon, L. Defalque, T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Castilla Contreras, MM. C. Giolito, B. Mongin, et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Labco, représentée par Mes N. Korogiannakis, M. Coppet et B. Dederichs, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 8952 final de la Commission, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] (Affaire 39510 - Labco/ONP), et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 février 2014,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige et décision attaquée

1 Par sa décision C (2010) 8952 final, du 8 décembre 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] (Affaire 39510 - LABCO/ONP) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté que les requérants, l’Ordre national des pharmaciens (ONP) et ses organes décisionnels, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et le Conseil central de la Section G de l’Ordre national des pharmaciens (CCG) (ci-après, pris ensemble, l’« Ordre »), ont enfreint l’article 101 TFUE en prenant, d’une part, des décisions ayant pour objet d’imposer des prix minimaux sur le marché français des analyses de biologie médicale et, d’autre part, des décisions visant à imposer des restrictions au développement de groupes de laboratoires sur ce marché (article 1er de la décision attaquée), et les a condamnés conjointement et solidairement à une amende de 5 millions d’euros (article 3 de la décision attaquée).

2 Comme décrit aux considérants 44 et 45 de la décision attaquée, l’ONP est un ordre professionnel français auquel l’État français a délégué quatre missions principales qui définissent sa mission de service public. L’ONP et ses conseils sont régis par le code de la santé publique français (ci-après le « CSP ») qui précise en son article L 4231-1 ce qui suit :

L’[ONP] a pour objet :

1) [d]’assurer le respect des devoirs professionnels ;

2) [d]’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession ;

3) [d]e veiller à la compétence des pharmaciens ;

4) [d]e contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins, notamment la sécurité des actes professionnels.

L’[ONP] groupe les pharmaciens exerçant leur art en France.

3 Les activités et missions de l’ONP, le code de déontologie des pharmaciens et l’organisation de l’ONP sont décrits aux considérants 44 à 62 de la décision attaquée. Il en ressort, notamment, que l’ONP établit et tient à jour le tableau national des pharmaciens (ci-après le « tableau »), l’inscription à celui-ci étant une condition légale préalable à l’exercice d’une activité liée à la profession de pharmacien (articles L 4221-1, L 4232-3 et L 4232-16 du CSP).

4 Le marché en cause est celui des services d’analyses de biologie médicale en France. Il est décrit aux considérants 5 à 38 de la décision attaquée. S’agissant des acteurs du marché, la décision attaquée relève que, en France, la biologie médicale est exercée principalement par des pharmaciens, ce qui explique le rôle prépondérant de l’ONP, tandis que l’Ordre des médecins exerce un rôle symétrique sur les médecins biologistes (considérant 11). Les analyses de biologie médicale ne peuvent être effectuées que dans les laboratoires d’analyses de biologie médicale (ci-après également appelés « laboratoires ») sous la responsabilité de leurs directeurs et directeurs adjoints (considérant 12). Les laboratoires sont souvent de petite taille (50 % ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 million d’euros et 30 % fonctionnant sous forme d’entreprises individuelles), même si plusieurs groupes de laboratoires sont actifs en France (considérants 13 et 14).

5 Le principal groupe de laboratoires, à savoir l’intervenant, Labco, un groupe européen de laboratoires actif en particulier en France et en Espagne, ainsi que dans plusieurs autres pays européens, est décrit aux considérants 14 à 17 de la décision attaquée. D’autres groupes de laboratoires importants actifs en France sont Unilabs SA, également actif dans plusieurs pays à l’intérieur et en dehors de l’Union européenne, et la holding financière Générale de santé (considérants 18 et 19). Il existe aussi deux groupes de laboratoires spécialisés, Pasteur Cerba et Biomnis, proposant une gamme de services différente des autres laboratoires dans des créneaux de haute technicité (considérants 20 à 22).

6 Le cadre légal français au sein duquel les laboratoires évoluent est décrit aux considérants 63 à 109 de la décision attaquée.

7 La procédure a été ouverte à la suite d’une plainte déposée, le 12 octobre 2007, par Labco, visant des décisions prises par l’Ordre ayant pour but de freiner le développement de Labco et de limiter sa capacité à concurrencer d’autres laboratoires sur le marché des analyses de biologie médicale, dont les propriétaires élisent les dirigeant de l’Ordre (décision attaquée, considérants 110 et 111).

8 Une inspection a eu lieu les 12 et 13 novembre 2008 dans les locaux de l’Ordre et dans ceux du laboratoire Champagnat-Desmoulins-Philippakis, conformément à l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Les deux décisions à la base de ces inspections, dont la décision C (2008) 6494 de la Commission, du 29 octobre 2008, dans l’affaire COMP/39510, ordonnant à l’Ordre de se soumettre à une inspection (ci-après la « décision d’inspection »), ont été contestées devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2010, CNOP et CCG/Commission, T-23/09, Rec. p. II-5291, et ordonnance du Tribunal du 16 juin 2010, Biocaps/Commission, T-24/09, non publiée au Recueil).

9 Au cours de l’année 2009, la Commission a adressé des demandes de renseignements à l’Ordre ainsi qu’à cinq sociétés d’exercice libéral (SEL) exploitant des laboratoires, auxquelles ceux-ci ont répondu. La communication des griefs a été adoptée le 19 octobre 2009. L’Ordre y a répondu le 11 janvier 2010. L’audition a eu lieu le 10 février 2010. La Commission a envoyé une demande de renseignements supplémentaires à l’Ordre le 26 février 2010, à laquelle celui-ci a répondu.

10 Dans la décision attaquée, la Commission constate, en substance, que l’Ordre a pris des décisions d’association d’entreprises relevant de restrictions de concurrence par objet et constituant une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE ayant débuté à tout le moins dès octobre 2003 et n’ayant vraisemblablement pas pris fin, même après la notification de la communication des griefs. Le comportement visé concerne l’ensemble des décisions de l’Ordre, pris dans l’intérêt économique de la majorité de ses membres et non dans l’intérêt général, ayant pour objets complémentaires et indissociables, d’une part, d’empêcher des groupes de laboratoires de se développer et, d’autre part, de tenter d’imposer un prix minimal sur le marché français des analyses de biologie médicale.

11 S’agissant du calcul du montant de l’amende, la Commission précise que, étant donné que la présente affaire concerne le premier cas depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 1/2003 dans lequel la responsabilité financière des membres d’une association d’entreprises pourrait être invoquée pour garantir le paiement d’une partie de l’amende infligée à l’association, qu’il se peut que les membres n’ont pas pris pleinement conscience de la portée des dispositions légales en cause et que les comportements qui lui sont reprochés n’étaient pas secrets, elle fait application de l’article 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »). Elle s’écarte donc de la méthodologie générale exposée dans celles-ci et fixe le montant de l’amende infligée conjointement et solidairement à l’ONP, au CNOP et au CCG à 5 millions d’euros, montant n’excédant pas 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté.

Procédure et conclusions

12 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2011, l’Ordre a introduit le présent recours.

13 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 22 juillet 2011, Labco et Unilabs ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 8 novembre 2011, ces deux sociétés ont été admises à intervenir. Unilabs ayant informé le Tribunal, par lettre déposée le 19 décembre 2011, qu’elle retirait sa demande d’intervention, celle-ci a été radiée par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 15 février 2012.

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