Arrêts nº T-242/12 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, December 17, 2015

Resolution DateDecember 17, 2015
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-242/12

Aides d’État - Aides mises à exécution par la France en faveur de Sernam SCS - Aides à la restructuration et recapitalisation, garanties et abandon de créances par la SNCF envers Sernam - Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur - Application abusive de l’aide - Récupération - Continuité économique - Critère de l’investisseur privé

Dans l’affaire T-242/12,

Société nationale des chemins de fer français (SNCF), établie à Paris (France), représentée par Mes P. Beurier, O. Billard et V. Landes, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. D. Colas et J. Gstalter, puis par MM. Colas et J. Rossi et enfin par M. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Mory SA, en liquidation, établie à Pantin (France),

et

Mory Team, en liquidation, établie à Pantin,

représentées par Mes B. Vatier et F. Loubières, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/398/UE de la Commission, du 9 mars 2012, concernant l’aide d’État SA. 12522 (C 37/08) - France - Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 février 2015,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

  1. Sur la requérante et Sernam à l’époque des faits

    1 Après avoir été créée en 1938 sous un statut de société anonyme, la Société nationale des chemins de fer (SNCF) (ci-après la « SNCF » ou la « requérante ») est devenue un établissement public industriel commercial (EPIC) avec effet au 1er janvier 1983, en application de la loi 82-1153, du 30 décembre 1982, d’orientation des transports intérieurs. La totalité du capital (constitué d’une dotation de l’État et non d’actions) revient à l’État.

    2 Depuis sa création en 1970 par la requérante comme service interne, les activités de l’entreprise Sernam consistent en des activités de messagerie et de transport express de colis et de palettes.

    3 En 1993, une réorganisation a conduit à la création de Sernam Domaine et de la filiale Sernam Transport SA. Sernam Domaine est demeurée un service interne de la SNCF tandis que Sernam Transport a été établie comme filiale à 100 % de la SNCF et détenait à son tour 24 filiales par le biais desquelles elle exerçait ses activités de transport routier.

    4 Le 1er février 2000, Sernam Domaine a été transformée en une nouvelle société en commandite simple, Sernam SCS, disposant d’une personnalité juridique distincte et filiale à 100 % de la SNCF. Sernam SCS détenait notamment les titres de participation de Sernam Transport, devenue sa filiale à 100 %.

    5 En décembre 2001, Sernam SCS est devenue Sernam SA. Sernam comptait en 2005 dix filiales opérationnelles ainsi qu’une société de prestations routières, Sernam Transport Route (anciennement Sernam Transport).

  2. Sur la décision Sernam 1

    6 Par sa décision NN 122/00 (ex N 140/00) du 23 mai 2001 (ci-après « décision Sernam 1 »), la Commission des Communautés européennes a considéré que les mesures d’assistance commerciale et de redressement de Sernam SCS mises en place par la requérante et devant être effectuées entre le début de l’année 2001 et la fin de l’année 2004 constituaient des aides d’État compatibles avec le traité CE. Leur montant total s’élevait à 503 millions d’euros. Elle a également « regretté que la [République française] ait mis à exécution l’aide en question, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité ».

    7 L’aide de 503 millions d’euros était autorisée notamment sur la base d’un engagement de la République française sur le fait que l’entreprise fût vendue. En effet, Sernam SCS devait être reprise à hauteur de 60 % de son capital par Geodis SA. Geodis aurait ainsi dû devenir entièrement responsable des dettes de Sernam SCS de manière illimitée et couvrir les frais supplémentaires de la restructuration à hauteur de 67 millions d’euros. Sernam SCS s’engageait de son côté à réduire le nombre de ses sites d’exploitation de 107 à 72 sur la période allant de 1999 à 2004, à réduire son chiffre d’affaires de 18 %, à réduire son personnel et à effectuer la restructuration avec le budget susmentionné et dans le temps imparti.

  3. Sur la décision Sernam 2

    8 Par courrier du 17 juin 2002, les autorités françaises ont informé la Commission que les aides approuvées par la décision Sernam 1 avaient été exécutées dans des conditions différentes de celles sur la base desquelles la Commission avait pris sa décision.

    9 Par lettre du 30 avril 2003, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’encontre de ces aides [décision intitulée « Aides d’État - France - Invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE concernant l’aide C 32/03 (ex NN 122/2000) - ‘Sernam 2 : Révision des aides à la restructuration’ », JO C 182, p. 2].

    10 La Commission a procédé à une analyse nouvelle de l’ensemble du dossier sur la base d’un plan complet de restructuration actualisé et reflétant les nouvelles circonstances. Elle a analysé les faits nouveaux afin de constater dans quelle mesure ils étaient ou non conformes à la décision Sernam 1 et a vérifié dans quelle mesure l’ensemble de la nouvelle situation de fait au jour de la décision - en comparaison de la décision Sernam 1 - était compatible avec les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2), notamment au regard du principe de l’aide unique.

    11 Par sa décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise Sernam (JO 2006, L 140, p. 1, ci-après « décision Sernam 2 »), la Commission a conclu au non-respect de la décision Sernam 1, ce qui constituait un abus de l’aide, au sens de l’article 1er, sous g), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), et du paragraphe 43 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.

    12 Elle a néanmoins constaté que les autorités françaises avaient rempli plusieurs de leurs objectifs en conformité avec la décision Sernam 1 et que l’aide examinée répondait aux critères de modification d’un plan de restructuration prévus au point 3.2.4 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté. La Commission a donc confirmé que l’aide approuvée par la décision Sernam 1, à hauteur de 503 millions d’euros, était compatible avec le marché commun sous de nouvelles conditions.

    13 Elle a également constaté qu’une aide additionnelle d’un montant de 41 millions d’euros, versée par la requérante à Sernam et conséquence directe de l’application abusive de l’aide approuvée par la décision Sernam 1, devait être déclarée incompatible avec le marché commun et récupérée avec les intérêts.

    14 Le dispositif final de la décision Sernam 2 se lit comme suit :

    « Article premier

  4. L’aide d’État en faveur de la société Sernam, approuvée en mai 2001, à hauteur du montant de 503 millions EUR, est compatible avec le marché commun aux conditions prévues aux articles 3 et 4.

  5. L’aide d’État mise à exécution par la [République française] en faveur de la société Sernam, pour un montant de 41 millions EUR est incompatible avec le marché commun.

    Article 2

  6. La [République française] prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer, auprès de son bénéficiaire, l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, et déjà illégalement mise à sa disposition.

  7. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu’à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

    Article 3

  8. Sous réserve du paragraphe 2, les conditions suivantes devront être respectées :

    1. Sernam ne pourra développer que ses activités d’acheminement de messagerie par voie ferroviaire suivant le concept du Train bloc express (« TBE »). À cet égard, la SNCF garantit d’offrir à tout autre opérateur qui en fait la demande les mêmes conditions que celles accordées à Sernam pour le développement de transport ferroviaire de fret « TBE ».

    2. En revanche, Sernam devra, au cours des deux prochaines années à compter de la date de notification de la présente décision, remplacer intégralement ses moyens propres et services de transport routier par des moyens et services de transport routier d’une ou de plusieurs entreprises juridiquement et économiquement indépendantes de la SNCF et choisies selon une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire.

    Par moyens propres et services de transport routier de Sernam sont visés l’ensemble des moyens routiers - à savoir, les véhicules de transport routier - de la compagnie Sernam en pleine propriété ou en leasing/location ;

    Les entreprises qui reprendront les activités routières de Sernam, devront assurer l’ensemble de la prestation de transport routier avec leurs ressources propres.

  9. Dans le cas où Sernam vend ses actifs en bloc, d’ici au 30 juin 2005, au prix du marché, à une société n’ayant pas de lien juridique avec la...

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