Arrêts nº T-466/14 of Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, December 15, 2016

Resolution DateDecember 15, 2016
Issuing OrganizationTribunal de Première Instance des Communautés Européennes
Decision NumberT-466/14

Union douanière - Importation de produits dérivés du thon en provenance d’El Salvador - Recouvrement a posteriori de droits à l’importation - Demande de non-recouvrement de droits à l’importation - Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 236 du règlement (CEE) n° 2913/92 - Droit à une bonne administration dans le cadre de l’article 872 bis du règlement (CEE) n° 2454/93 - Erreur non raisonnablement décelable des autorités compétentes

Dans l’affaire T-466/14,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. A. Rubio González, puis par Mme V. Ester Casas, abogado del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Arenas, A. Caeiros et B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2014) 2363 final de la Commission, du 14 avril 2014, constatant que, dans un cas particulier, la remise des droits à l’importation est justifiée pour un certain montant, mais qu’elle ne l’est pas pour un autre montant (REM 02/2013), en tant qu’elle conclut que la remise des droits à l’importation s’élevant à 14 417 193,41 euros n’est pas justifiée,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1 Entre 2007 et 2009, deux sociétés du groupe Calvo, établies en Espagne, Calvo Conservas, SL et Calvo Distribución Alimentaria, SL (ci-après, prises ensemble, le « redevable »), ont importé en Espagne des produits issus de la transformation du thon, à savoir des conserves de thon et des longes de thon congelées, déclarées comme étant originaires d’El Salvador (ci-après les « importations litigieuses »).

2 Le redevable a sollicité des autorités douanières espagnoles l’application du schéma de préférences tarifaires généralisées (ci-après le « SPG ») aux importations litigieuses, ce qui impliquait la suspension du tarif douanier commun d’un taux de 24 %, en produisant des certificats d’origine « formule A » émis par les autorités douanières d’El Salvador et délivrés à la suite d’une demande présentée par l’exportateur, une autre société du groupe Calvo, Calvo Conservas El Salvador, SA de CV qui avait fourni aux autorités douanières d’El Salvador les documents attestant de l’origine des produits pour les besoins du SPG.

3 Sur la base des certificats d’origine présentés par le redevable, les autorités douanières espagnoles ont admis l’origine salvadorienne des produits et accédé à la demande du redevable de bénéficier du traitement tarifaire préférentiel pour les importations litigieuses.

4 Du 8 au 20 novembre 2009, une mission a été menée en El Salvador par des représentants de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et de plusieurs États membres de l’Union européenne en raison de suspicions de fraude à l’importation de produits issus de la transformation du thon.

5 Il découle des rapports de mission de l’OLAF du 2 juin et du 7 décembre 2009 ainsi que du rapport final du 16 septembre 2010 que les règles du SPG n’ont pas été respectées. Plusieurs irrégularités tenant à l’origine des importations litigieuses ont été relevées. Ces irrégularités tenaient à l’usage de certificats d’origine non conformes aux fins du SPG, au non-respect de la condition en vertu de laquelle l’équipage des navires doit être composé de 75 % au moins de ressortissants du pays bénéficiaire ou des États membres pour que le navire soit considéré de la nationalité du pays bénéficiaire, et à l’utilisation de deux pavillons, salvadorien et seychellois, par les thoniers Montelape et Montealegre, appartenant au groupe Calvo, de sorte que ces deux navires devaient être considérés sans nationalité et que, partant, le thon pêché par ces derniers ne pouvait pas être considéré comme étant originaire d’El Salvador.

6 L’irrégularité tenant au double pavillon des thoniers Montelape et Montealegre a fait l’objet d’une mission d’enquête menée par l’OLAF pour vérifier l’utilisation des fonds structurels pour la pêche reçus par une société du groupe Calvo, Calvopesca, SA. Le rapport final de l’OLAF a conclu à l’existence de graves irrégularités concernant ces navires, qui avaient été immatriculés aux Seychelles, afin de bénéficier du financement des fonds structurels pour la pêche, et dont le pavillon a été changé après deux ans d’exploitation pour un pavillon salvadorien, ce dans le but de déclarer les captures comme étant d’origine salvadorienne afin de bénéficier du traitement tarifaire préférentiel du SPG.

7 En 2010, à la suite des rapports de l’OLAF, les autorités espagnoles ont ouvert une procédure de recouvrement a posteriori des droits à l’importation en appliquant aux importations litigieuses le taux de droit commun de 24 %. Le montant des droits de douane réclamés s’est élevé à 15 292 471,19 euros.

8 Le 1er juillet 2011, le redevable a présenté une demande de remise des droits à l’importation en vertu de l’article 236, combiné à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « CDC »).

9 La Commission européenne ayant informé le redevable de son intention de rendre un avis défavorable, celui-ci a, par une lettre du 5 septembre 2012, renoncé à sa demande de remise de droits.

10 Par suite, la Commission a, le 10 septembre 2012, notifié au redevable qu’elle considérait le dossier de remise de droits comme n’étant pas ouvert.

11 Le 16 janvier 2013, les autorités espagnoles ont présenté d’office une demande de remise de droits à la Commission sur le fondement de l’article 236, lu en liaison avec l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

12 Le redevable a considéré que les conditions prévues à l’article 236, lu en liaison avec l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC étaient réunies et a partagé le raisonnement des autorités espagnoles, mais il a, en revanche, marqué son opposition au renvoi du dossier à la Commission, au vu de l’arrêt du 21 mai 2012 de l’Audiencia Nacional (Cour centrale, Espagne), qui avait considéré que le bénéfice du traitement tarifaire préférentiel du SPG pouvait être accordé en l’espèce. Dès lors, selon lui, le dossier aurait dû être renvoyé aux autorités nationales, la Cour pouvant être saisie, le cas échéant, d’une demande de question préjudicielle.

13 Cependant, la Commission a considéré que la décision juridictionnelle espagnole n’avait pas pour effet de l’empêcher d’adopter une décision dans une matière relevant de sa compétence.

14 Les 13 février, 16 juillet et 8 octobre 2013, la Commission a demandé des compléments d’information que les autorités espagnoles ont fournis. Le redevable a pris connaissance de ces demandes d’information et a pu formuler des observations sur les réponses que les autorités espagnoles entendaient présenter.

15 Par une lettre du 10 décembre 2013, conformément à l’article 872 bis du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du CDC (JO 1993, L 253, p. 1), la Commission a invité le redevable à formuler ses remarques sur toute question de fait ou de droit susceptible d’entraîner le rejet de sa demande (ci-après la « communication d’objections »).

16 Par une lettre du 9 janvier 2014, le redevable a soutenu qu’une erreur avait été commise par les autorités salvadoriennes. Il a insisté sur sa bonne foi et son respect des dispositions concernant la déclaration en douane. En outre, il a critiqué l’interprétation de la Commission s’agissant des dispositions relatives au pavillon et a souligné les difficultés de respecter le critère relatif à la composition de l’équipage établi par l’article 68, paragraphe 2, du règlement n° 2454/93. Enfin, il a soutenu que la Commission n’avait pas transmis les bons cachets aux autorités salvadoriennes et n’avait pas respecté les droits de la défense, dans la mesure où elle ne lui avait pas transmis tous les documents sur lesquels elle fonderait sa décision.

17 Le 17 février 2014, conformément à l’article 873 du règlement n° 2454/93, un groupe d’experts composé de représentants des États membres s’est réuni afin d’examiner le dossier.

18 Par la décision C(2014) 2363 final, du 14 avril 2014, la Commission a considéré que, dans un cas particulier, la remise des droits à l’importation était justifiée pour un certain montant, mais qu’elle ne l’était pas pour un autre montant (REM 02/2013) (ci-après « la décision attaquée »).

19 Au considérant 27 de la décision attaquée, la Commission rappelle que, conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, la délivrance de certificats incorrects par les autorités douanières d’un pays tiers constitue une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable par l’opérateur, ce dernier ayant, pour sa part, agi de bonne foi et ayant respecté les dispositions prévues par la réglementation en vigueur concernant la déclaration en douane.

20 Concernant la condition relative au caractère décelable de l’erreur, la Commission constate, au considérant 28 de la décision attaquée, que les autorités salvadoriennes ont commis une erreur en délivrant les certificats d’origine « formule A » en méconnaissance du règlement n° 2454/93. Aux considérants 30 à 32 de la décision attaquée, la Commission affirme n’avoir commis aucune erreur tant en ce qui concerne la remise des cachets aux autorités salvadoriennes qu’en ce qui concerne la communication des documents sur lesquels elle entendait fonder sa décision. Dans le premier cas, elle soutient que, même si une telle erreur devait être établie, elle n’aurait eu d’incidence que si les certificats d’origine avaient été falsifiés. Or tel n’a pas été le cas. Dans...

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