Arrêts nº T-45/16 of Tribunal General de la Unión Europea, July 18, 2017

Resolution DateJuly 18, 2017
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-45/16

Dans l’affaire T-45/16,

Nelson Alfonso Egüed, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Me N. Fernández Fernández-Pacheco, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Jackson Family Farms LLC, établie à Santa Rosa, Californie (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 16 novembre 2015 (affaire R 822/2015-2), relative à une procédure d’opposition entre Jackson Family Farms et M. Alfonso Egüed,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er février 2016,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 1er avril 2016,

vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal les 14 et 15 février 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1 La présente affaire porte sur la question de savoir si l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a, dans une décision ayant fait l’objet d’un recours, correctement conclu que le droit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord permettrait, à titre hypothétique, à l’opposante à une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne d’interdire l’usage de la marque plus récente devant les juridictions du Royaume-Uni au titre d’une action en usurpation d’appellation (passing off). L’affaire soulève notamment la question de la date pertinente pour apprécier l’acquisition et la permanence du droit antérieur, en l’espèce le « goodwill » (force d’attraction de la clientèle).

Antécédents du litige

2 Le 23 janvier 2012, le requérant, M. Nelson Alfonso Egüed, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

3 La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4 Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour cette classe, à la description suivante : « Vins et boissons alcooliques en tous genres (excepté la bière) ».

5 La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 56/2012, du 21 mars 2012.

6 Le 21 juin 2012, la société de droit américain Jackson Family Farms LLC a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

7 Après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, l’opposition était fondée sur la marque antérieure non enregistrée BYRON, utilisée dans la vie des affaires pour désigner des vins.

8 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et au titre du délit d’usurpation d’appellation (passing off) en vertu du droit du Royaume-Uni.

9 Le 27 février 2015, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

10 Le 24 avril 2015, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11 Par décision du 16 novembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

12 En particulier, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par Jackson Family Farms suffisaient à prouver que la marque non enregistrée BYRON était utilisée dans la vie des affaires et que la portée de cette utilisation n’était pas seulement locale au Royaume-Uni.

13 La chambre de recours a également conclu que lesdits éléments de preuve, examinés conjointement, prouvaient que Jackson Family Farms exerçait des activités commerciales sérieuses concernant les vins vendus sous la marque BYRON à la date pertinente et que, par conséquent, un « goodwill » avait été établi.

14 En outre, la chambre de recours a pleinement souscrit à la conclusion de la division d’opposition selon laquelle, compte tenu de l’identité des produits en cause et des similitudes existantes entre les signes en cause, les produits du requérant risquaient d’être confondus avec ceux de Jackson Family Farms.

15 La chambre de recours a enfin conclu que, en l’espèce, la présentation trompeuse occasionnerait un préjudice en ce sens que Jackson Family Farms perdrait des ventes, car le consommateur achèterait par erreur les produits du requérant en pensant qu’ils provenaient de Jackson Family Farms.

Conclusions des parties

16 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- annuler la décision attaquée ;

- faire droit à sa demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour tous les produits visés dans les classes 18, 25 et 33 ;

- condamner Jackson Family Farms aux dépens de la procédure.

17 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours en annulation dans son intégralité ;

- condamner le requérant aux dépens exposés par l’EUIPO.

En droit

Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions du requérant

18 Le deuxième chef de conclusions du requérant peut être compris comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée, en ce sens que la marque demandée soit enregistrée.

19 Or, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne.

20 Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [ordonnance du 30 juin 2009, Securvita/OHMI (Natur-Aktien-Index), T-285/08, EU:T:2009:230, points 17 et 20 à 23 ; arrêts du 15 décembre 2011, Mövenpick/OHMI (PASSIONATELY SWISS), T-377/09, non publié, EU:T:2011:753, point 11, et du 28 novembre 2013, Vitaminaqua/OHMI - Energy Brands (vitaminaqua), T-410/12, non publié, EU:T:2013:615, point 17].

21 Partant, il y a lieu de rejeter comme irrecevable le deuxième chef de conclusions du requérant.

Sur le fond

22 À l’appui du recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

Observations liminaires

- Sur le renvoi au droit de l’État membre qui régit le signe invoqué

23 En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, le titulaire d’une marque non enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée remplit quatre conditions. La marque non enregistrée doit être utilisée dans la vie des affaires ; elle doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où la marque était utilisée avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

24 Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée utilisée dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne peut aboutir [arrêt du 30 juin 2009, Danjaq/OHMI - Mission Productions (Dr. No), T-435/05, EU:T:2009:226, point 35].

25 Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée non uniquement locale de la marque antérieure, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union.

26 Ainsi, le règlement n° 207/2009 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement [arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI - General Óptica (GENERAL OPTICA), T-318/06 à T-321/06, EU:T:2009:77, point 33].

27 En revanche, dans l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, il résulte du membre de phrase « lorsque et dans la mesure où, selon [...] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux autres conditions fixées par ce règlement s’apprécient, à la différence des précédentes, au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué.

28 Le requérant juge « surprenant » le renvoi aux législations des États membres et considère que l’application d’une législation étrangère cause une « rupture de l’équité » entre les parties.

29 Or, d’une part, ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est justifié par le fait que le règlement n° 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union européenne la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit de l’État membre qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci...

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