Arrêts nº T-287/16 of Tribunal General de la Unión Europea, July 20, 2017

Resolution DateJuly 20, 2017
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-287/16

Dans l’affaire T-287/16,

Royaume de Belgique, représenté initialement par M. J.-C. Halleux et Mme M. Jacobs, puis par Mmes Jacobs, L. Van den Broeck et J. Van Holm, en qualité d’agents, assistés de Mes É. Grégoire et J. Mariani, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2016/417 de la Commission, du 17 mars 2016, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2016, L 75, p. 16), en tant qu’elle écarte dudit financement à l’égard du Royaume de Belgique la somme de 9 601 619,00 euros,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

Sur les restitutions pour l’exportation en Ouzbékistan et les exportations frauduleuses (1992-1993)

1 En 1992, la société Générale Sucrière, aux droits de laquelle a succédé la société Saint-Louis Sucre, a vendu un total de 24 000 tonnes de sucre aux sociétés Metelmann et Sucre Export. Selon les contrats de vente, ce sucre était destiné à l’exportation hors de l’Union européenne.

2 Les sociétés Metelmann et Sucre Export ont, par l’intervention de deux intermédiaires, revendu 6 000 tonnes dudit sucre aux sociétés Proud Trading et Shawline Offshore. Les contrats de vente prévoyaient également que le sucre était destiné à un pays tiers, hors de l’Union, et devait quitter le territoire de l’Union sans retard après son chargement.

3 La société Saint-Louis Sucre a chargé les sociétés Belgian Bunkering and Stevedoring et Manufert, devenue la société Manuport Services, des opérations de réception et de chargement à bord des navires du sucre ainsi que des opérations documentaires annexes.

4 Le chargement des navires, à partir du port d’Anvers (Belgique) et à destination de l’Ouzbékistan, a eu lieu entre le 20 janvier et le 29 mars 1993.

5 La société Manuport Services a procédé, pour le compte de la société Saint-Louis Sucre, aux opérations documentaires et a transmis les déclarations d’exportation à l’organisme payeur compétent, à savoir le Bureau d’intervention et de restitution belge (BIRB), alors dénommé l’Office central des contingents et licences (Belgique). Sur la base de ces déclarations, la société Saint-Louis Sucre a obtenu du BIRB le versement d’avances, à valoir sur les restitutions à l’exportation auxquelles elle aurait droit. Ces avances ont été acquises à la société Saint-Louis Sucre, au titre des restitutions à l’exportation, lorsque la preuve a été apportée que le sucre avait effectivement quitté le territoire douanier de l’Union.

6 Par la suite, il a été découvert que, en réalité, les 6 000 tonnes de sucre revendues par les sociétés Metelmann et Sucre Export aux sociétés Proud Trading et Shawline Offshore avaient, après avoir quitté la Belgique via le port d’Anvers, été détournées de leur destination initiale et réimportées frauduleusement sur le territoire de l’Union, en Espagne via le port de Guernica, sur la base d’un document falsifié. La société Saint-Louis Sucre a spontanément informé le BIRB de la découverte de ces réimportations frauduleuses.

Sur la procédure pénale (1994-2004)

7 Les exportations frauduleuses ont fait l’objet d’une procédure pénale. Des poursuites pénales ont ainsi été engagées à l’encontre des deux individus qui avaient agi en tant qu’intermédiaires entre, d’une part, les sociétés Metelmann et Sucre Export et, d’autre part, les sociétés Shawline Offshore et Proud Trading. Par un arrêt du hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique) du 22 octobre 2003, confirmant un jugement du rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen (tribunal de première instance d’Anvers, Belgique) du 21 juin 2001, ces deux individus ont été condamnés pénalement pour faux en écritures, usage de faux et escroquerie.

8 Dans le cadre de cette procédure pénale, le BIRB ainsi que les sociétés Saint-Louis Sucre, Metelmann, Sucre Export et Manuport Services se sont constitués parties civiles contre lesdits individus et ont obtenu leur condamnation de principe à des dommages et intérêts évalués, à titre provisionnel, à 1 cent pour avoir commis une fraude au préjudice de ces parties.

9 Cette condamnation pénale et civile est devenue définitive par arrêt de la Cour de cassation (Belgique) du 22 juin 2004 rejetant les pourvois formés par ces deux individus [Cour de cassation - arrêt N-20040622-19 (P.03.1620.N) du 22 juin 2004].

Sur la procédure civile de récupération (1994-1997 et 1997-2012)

10 Le 16 mars 1994, ayant eu connaissance des exportations frauduleuses, le BIRB a réclamé à la société Saint-Louis Sucre le remboursement d’une somme d’un montant de 167 020 445 francs belges (BEF), correspondant à 4 140 328,68 euros, après avoir établi un décompte rectificatif des restitutions, au motif que les lots de sucre déclarés à l’exportation à Anvers par cette société et dont la preuve de sortie du territoire douanier de l’Union avait été apportée par les documents de contrôle (formulaires T5) avaient été réintroduits dans l’Union sous le couvert de documents (formulaires T2L) falsifiés.

11 La société Saint-Louis Sucre a marqué son désaccord sur la demande en restitution du BIRB, estimant qu’elle n’était pas responsable des exportations frauduleuses.

12 Par lettres des 19 novembre 1996 et 13 février 1997, le BIRB a maintenu sa réclamation, considérant que le sucre en cause n’avait jamais été exporté.

13 Le BIRB ayant réitéré sa demande de paiement de la somme au principal, assortie des intérêts échus depuis le 16 avril 1994, la société Saint-Louis Sucre s’est résolue, le 16 mai 1997, à lui payer, sous toutes réserves et sans reconnaissance préjudiciable, la somme de 5 133 087,54 euros, ce qui lui a permis d’arrêter le cours des intérêts. Ce montant correspond à la somme réclamée par le BIRB et aux intérêts échus pour la période du 16 avril 1994 au 16 mai 1997.

14 À la suite de la réception de ce paiement, le Royaume de Belgique a versé au FEAGA (Fonds européen agricole de garantie) une somme de 4 106 470,28 euros, correspondant à 80 % de la somme payée par la société Saint-Louis Sucre. Il a conservé les 20 % restants, à savoir la somme de 1 026 617,52 euros, conformément au règlement (CEE) n° 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) n° 283/72 (JO 1991, L 67, p. 11).

15 Le 18 juin 1997, la société Saint-Louis Sucre a engagé une procédure civile devant le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) afin de récupérer auprès du BIRB cette somme de 5 133 087,54 euros, augmentée des intérêts moratoires, des intérêts judiciaires et des dépens.

16 Par un jugement du 20 mars 2008, c’est-à-dire après avoir attendu l’issue de la procédure pénale, le tribunal de première instance de Bruxelles a fait droit au recours de la société Saint-Louis Sucre et a condamné le BIRB à rembourser la somme de 5 133 087,54 euros, augmentée des intérêts moratoires, des intérêts judiciaires et des dépens (Tribunal de première instance de Bruxelles - jugement n° 67/04/08 1997/10941/A du 20 mars 2008).

17 Le BIRB a interjeté appel contre ce jugement devant la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), en lui demandant de réformer celui-ci et de ne pas faire droit à la demande originaire de la société Saint-Louis Sucre. À titre subsidiaire, le BIRB a demandé à cette juridiction de poser trois questions préjudicielles à la Cour sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO 1987, L 351, p. 1).

18 Par l’arrêt du 3 mai 2012, signifié le 29 juin 2012, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé le jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 20 mars 2008. En conséquence, elle a condamné le BIRB à payer à la société Saint-Louis Sucre la somme de 10 114 003,39 euros au principal, correspondant à la somme de 5 133 087,54 euros assortie des intérêts à compter du 1er juin 1997, augmentée des intérêts moratoires échus depuis le 7 mars 2011, des intérêts judiciaires et des dépens. Par ailleurs, cette juridiction a jugé, après analyse de la réglementation de l’Union et de la jurisprudence qui y est relative, qu’il n’y avait pas lieu de poser de question préjudicielle à la...

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