Arrêts nº T-751/17 of Tribunal General de la Unión Europea, May 14, 2019

Resolution DateMay 14, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-751/17

Accès aux documents - Règlement (CE) no 1049/2001 - Lettre adressée par la Commission aux autorités françaises concernant le protocole d’indemnisation du groupe EDF dans le cadre de l’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim - Refus d’accès - Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers - Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit - Présomption générale de confidentialité - Intérêt public supérieur

Dans l’affaire T-751/17,

Commune de Fessenheim (France),

Communauté de communes Pays Rhin-Brisach, établie à Volgelsheim (France),

Conseil départemental du Haut-Rhin, établi à Colmar (France),

Conseil régional Grand Est Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, établi à Strasbourg (France),

représentés par Me G. de Rubercy, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Buchet et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par Mme E. de Moustier, MM. B. Fodda et J.-L. Carré, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 18 octobre 2017 refusant l’accès au courrier qu’elle a adressé aux autorités françaises le 22 mars 2017, concernant le projet de protocole d’indemnisation du groupe Électricité de France (EDF) au titre de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

  1. Antécédents du litige

    1 Les requérants, la commune de Fessenheim, la communauté de communes Pays Rhin-Brisach, le conseil départemental du Haut-Rhin et le conseil régional Grand Est Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, sont quatre collectivités territoriales françaises sur le territoire desquelles se situe la centrale nucléaire de Fessenheim (ci-après la « centrale »), exploitée par Électricité de France (EDF).

    2 Le 8 avril 2017, le gouvernement français a adopté le décret no 2017-508, portant abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale (JORF du 9 avril 2017, texte no 3).

    3 Le 2 mai 2017, les requérants ont, en application du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), adressé à la Commission européenne une demande d’accès à la « décision » par laquelle celle-ci aurait « approuvé, au regard du droit européen des aides d’État, le projet de protocole d’indemnisation d’EDF par la France au titre de la fermeture de la centrale ». Selon les requérants, cette « décision » avait été adressée par la Commission aux autorités françaises par courrier du 24 mars 2017.

    4 Par courrier du 16 juin 2017, la Commission a refusé de donner accès au courrier en cause, qui datait, en réalité, du 22 mars 2017, au motif qu’il faisait partie d’un dossier administratif ouvert dans le cadre du contrôle des aides d’État et que, à ce titre, il était couvert par une présomption générale selon laquelle la divulgation d’un tel document porterait en principe atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, laquelle constituerait une exception au principe de l’accès aux documents en vertu de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Elle a également invoqué l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

    5 Le 27 juin 2017, les requérants ont adressé, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, une demande confirmative à la Commission, dont celle-ci a accusé réception le 28 juin 2017.

    6 Par courrier du 18 juillet 2017, la Commission a informé les requérants qu’elle devait prolonger de quinze jours ouvrables le délai initial d’examen de cette demande, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, parce qu’elle n’avait pas pu clôturer les consultations nécessaires à cet examen. Elle précisait, en outre, que le nouveau délai expirerait le 10 août 2017.

    7 Dans un courrier du 18 août 2017, la Commission a confirmé que le délai avait expiré le 10 août 2017, mais a indiqué qu’elle n’était toujours pas en mesure de répondre à la demande confirmative.

    8 Dans un courrier du 18 octobre 2017, la Commission a précisé que le projet de protocole d’indemnisation d’EDF (ci-après le « projet de protocole d’indemnisation ») avait fait l’objet d’une prénotification par les autorités françaises et que, dans le courrier du 22 mars 2017 sur lequel portait la demande d’accès, elle avait estimé que, à ce stade, il n’existait pas d’objection, au regard du droit de l’Union européenne relatif aux aides d’État, à ce projet. Elle a en outre confirmé le rejet de la demande d’accès à ce document sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision attaquée »).

  2. Procédure et conclusions des parties

    9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2017, les requérants ont introduit le présent recours.

    10 Par acte déposé au greffe le 28 février 2018, la République française a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 9 avril 2018, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République française a déposé son mémoire et les requérants ont déposé leurs observations dans le délai imparti.

    11 Par ordonnance du 4 octobre 2018, le Tribunal a, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 de son règlement de procédure, ordonné à la Commission de produire le courrier du 22 mars 2017. Ce document a été transmis au Tribunal le 17 octobre 2018 et n’a pas été notifié aux requérants ni à la République française, conformément à l’article 104 du règlement de procédure.

    12 Le 17 décembre 2018, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, posé des questions écrites aux parties. Les parties y ont répondu dans le délai qui leur était imparti.

    13 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 janvier 2019.

    14 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    - annuler la décision attaquée ;

    - enjoindre à la Commission de communiquer la lettre du 22 mars 2017 dans un délai d’une semaine à compter de l’arrêt à intervenir ;

    - condamner la Commission aux dépens.

    15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    - rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

    - déclarer irrecevable la demande d’injonction ;

    - condamner les requérants aux dépens.

    16 La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    - rejeter le recours ;

    - condamner les requérants aux dépens.

  3. En droit

    A. Sur l’objet de la demande d’accès

    17 Dans la requête, les requérants indiquent que le recours concerne le refus opposé par la Commission à la demande d’accès portant sur la lettre que celle-ci a adressée aux autorités françaises le 22 mars 2017 relativement au projet de protocole d’indemnisation.

    18 Dans la réplique, les requérants affirment que leur demande d’accès portait non seulement sur la lettre de la Commission du 22 mars 2017, mais également sur le projet de protocole d’indemnisation.

    19 Pour déterminer l’objet de la demande d’accès, il convient de se référer au courrier adressé par les requérants à la Commission le 2 mai 2017, qui contient leur demande initiale.

    20 Or, selon ce courrier, la demande d’accès formulée par les requérants portait seulement sur la lettre de la Commission du 22 mars 2017, et non sur le projet de protocole d’indemnisation.

    21 L’objet de la demande d’accès, ainsi circonscrit, est confirmé par la demande confirmative que les requérants ont adressée à la Commission le 27 juin 2017.

    22 Il y a donc lieu de considérer que le refus de la Commission portait sur une demande d’accès à son courrier du 22 mars 2017, dans lequel elle a estimé que, à ce stade, il n’existait pas d’objection, au regard des règles concernant les aides d’État, au projet de protocole d’indemnisation (ci-après le « document litigieux »).

    B. Sur la demande d’injonction

    23 Dans leur deuxième chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal d’enjoindre à la Commission de leur communiquer le document litigieux dans un délai d’une semaine à compter de l’arrêt à intervenir.

    24 Lors de l’audience, les requérants ont cependant renoncé à ce chef de conclusions.

    25 Il n’y a donc pas lieu pour le Tribunal d’examiner cette demande.

    C. Sur la demande en annulation

    26 Dans leur premier chef de conclusions, les requérants demandent l’annulation de la décision attaquée, par laquelle la Commission a confirmé le rejet de la demande d’accès au document litigieux.

    27 À l’appui de cette demande, les requérants invoquent trois moyens, tirés, le premier, de la violation du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9), du règlement no 1049/2001 et de la directive 2006/111/CE de la Commission, du 16 novembre 2006, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO 2006, L 318, p. 17), le deuxième, de la violation de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, le troisième, de la violation de l’article 47 de la même charte.

    1. Sur le premier moyen,...

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