Arrêts nº T-502/16 of Tribunal General de la Unión Europea, November 20, 2019

Resolution DateNovember 20, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-502/16

Fonction publique - Fonctionnaires - Assassinat d’un fonctionnaire et de son épouse - Obligation d’assurer la sécurité du personnel au service de l’Union - Responsabilité d’une institution dans le préjudice moral des ayants droit d’un fonctionnaire décédé - Mère, frère et sœur du fonctionnaire - Recours en indemnité - Recevabilité - Qualité pour agir sur le fondement de l’article 270 TFUE - Personne visée au statut - Délai raisonnable

Dans l’affaire T-502/16,

Stefano Missir Mamachi di Lusignano, demeurant à Shanghai (Chine), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (2), représentés par Mes F. Di Gianni, G. Coppo et A. Scalini, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme B. Eggers, MM. G. Gattinara et D. Martin, puis par M. Gattinara et Mme R. Striani, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, en substance, à la condamnation de la Commission à verser aux ayants droit de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano, aux ayants droit de M. Livio Missir Mamachi di Lusignano, à Mme Anne Jeanne Cécile Magdalena Maria Sintobin, à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano diverses sommes en réparation de préjudices moraux résultant de l’assassinat de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano et de son épouse, survenu le 18 septembre 2006 à Rabat (Maroc), où M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano se trouvait pour raisons de service,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents et J. Passer (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1 M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Alessandro Missir » ou le « fonctionnaire défunt ») a été assassiné le 18 septembre 2006 avec son épouse à Rabat (Maroc), où il devait prendre ses fonctions de conseiller politique et diplomatique à la délégation de la Commission européenne. L’assassinat a été commis dans une maison meublée louée par cette délégation pour M. Alessandro Missir, son épouse et leurs quatre enfants.

2 Le 12 mai 2009, à la suite d’une demande du 25 février 2008 et d’une réclamation du 10 septembre 2008 déposées au titre de l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), M. Livio Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Livio Missir »), père de M. Alessandro Missir, a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire F-50/09, devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, visant à la réparation, premièrement, du préjudice matériel subi par les enfants de M. Alessandro Missir, en leur nom, deuxièmement, du préjudice moral subi par ces enfants, en leur nom, troisièmement, du préjudice moral subi par lui-même en tant que père de M. Alessandro Missir, en son nom, et, quatrièmement, du préjudice moral subi par M. Alessandro Missir, au nom de ses enfants, ceux-ci venant aux droits de leur père.

3 Par arrêt du 12 mai 2011, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (F-50/09, ci-après l’« arrêt de première instance », EU:F:2011:55), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme étant irrecevable pour ce qui est des préjudices moraux (points 87 à 91) et non fondé pour ce qui est des préjudices matériels (points 97 à 227).

4 Le 27 juillet 2011, l’arrêt de première instance a fait l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal, enregistré sous le numéro d’affaire T-401/11 P. L’arrêt du 10 juillet 2014, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (T-401/11 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:T:2014:625), annulant l’arrêt de première instance, a fait l’objet d’un réexamen et d’une annulation partielle par la Cour (arrêt du 10 septembre 2015, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C-417/14 RX-II, ci-après l’« arrêt sur réexamen », EU:C:2015:588). Sur renvoi après réexamen, le Tribunal a rendu l’arrêt du 7 décembre 2017, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T-401/11 P RENV-RX, ci-après l’« arrêt sur renvoi », EU:T:2017:874), dans lequel il s’est prononcé sur les moyens qu’il n’avait pas examinés dans l’arrêt sur pourvoi.

5 Le 16 septembre 2011, parallèlement au litige constitué des instances successives dans les affaires F-50/09 et T-401/11 P et à la suite de l’arrêt de première instance par lequel le Tribunal de la fonction publique avait rejeté le recours dans l’affaire F-50/09 comme irrecevable, pour non-respect de la procédure précontentieuse, s’agissant des préjudices moraux (voir point 3 ci-dessus), sans toutefois se prononcer sur la compétence du Tribunal de la fonction publique pour examiner de tels préjudices, M. Livio Missir et les enfants du fonctionnaire assassiné, auxquels se sont joints la mère, le frère et la sœur de ce fonctionnaire, ont introduit, à titre conservatoire, un recours enregistré sous le numéro d’affaire T-494/11 devant le Tribunal, visant à la réparation de préjudices moraux et fondé sur les articles 268 et 340 TFUE. Toutefois, à la suite du désistement des parties requérantes, ce recours a été radié, par ordonnance du 25 novembre 2015, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T-494/11, non publiée, EU:T:2015:909).

6 Le 17 septembre 2011, pour les mêmes raisons tenant au rejet par l’arrêt de première instance des demandes de réparation des préjudices moraux pour des motifs de procédure liés au non-respect de la procédure précontentieuse, M. Livio Missir (substitué après son décès par ses ayants droit) ainsi que les enfants du fonctionnaire assassiné, auxquels se sont joints la mère, le frère et la sœur de ce fonctionnaire (ci-après, pris ensemble, les « requérants »), ont présenté une nouvelle fois des demandes de réparation de préjudices moraux, selon la procédure prévue par l’article 90, paragraphe 1, du statut.

7 Par décision du 17 janvier 2012, la Commission a indiqué aux requérants qu’elle ne pouvait accueillir les demandes d’indemnisation des préjudices moraux visés dans la demande du 17 septembre 2011, aux motifs, d’une part, de la litispendance de ces demandes avec les instances dans les affaires T-401/11 P et T-494/11 pendantes devant le Tribunal et, d’autre part, qu’elles avaient déjà fait l’objet d’un rejet par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et qu’elles étaient donc irrecevables au regard des règles de la procédure précontentieuse.

8 Par lettre du 13 avril 2012, les requérants ont introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 17 janvier 2012.

9 Par décision du 26 juillet 2012, notifiée aux requérants le 31 juillet 2012, la Commission a rejeté la réclamation. La Commission a maintenu sa position concernant la litispendance des demandes d’indemnisation avec les instances dans les affaires T-494/11 et T-401/11 P, qui l’obligerait de s’abstenir de prendre position sur ces demandes, et concernant l’irrecevabilité de ces demandes au regard des règles de la procédure précontentieuse. En tout état de cause, les demandes d’indemnisation ne seraient pas fondées.

Procédure et conclusions des parties

10 Par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 7 novembre 2012, les requérants ont introduit le présent recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro d’affaire F-132/12.

11 Dans ce recours, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

- annuler la décision de l’AIPN du 26 juillet 2012 ;

- condamner la Commission à verser la somme de 463 050 euros à chacun des ayants droit du fonctionnaire assassiné, à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

- condamner la Commission à verser la somme de 308 700 euros à M. Livio Missir, à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

- condamner la Commission à verser la somme de 308 700 euros à Mme Anne Jeanne Cécile Magdalena Maria Sintobin, à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;

- condamner la Commission à verser la somme de 154 350 euros à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Stefano Missir »), à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

- condamner la Commission à verser la somme de 154 350 euros à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « Mme Maria Letizia Missir »), à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;

- condamner la Commission à verser aux ayants droit du fonctionnaire assassiné la somme de 574 000 euros à titre de réparation du préjudice moral que celui-ci a subi durant son agonie ;

- condamner la Commission à verser des intérêts compensatoires ainsi que des intérêts de retard échus entre-temps ;

- condamner la Commission aux dépens.

12 Par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique du 19 décembre 2012, la Commission a soulevé, par acte séparé et en vertu de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, une exception d’irrecevabilité au titre de la litispendance avec les affaires T-401/11 P et T-494/11 et a proposé la suspension de la procédure jusqu’aux décisions mettant fin à l’instance dans ces deux affaires.

13 Le 21 janvier 2013, les requérants ont déposé leurs observations, contestant l’exception de litispendance et ne s’opposant pas à la suspension.

14 Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal de la fonction publique du 6 juin 2013, la procédure a été suspendue jusqu’au prononcé des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T-401/11 P et T-494/11.

15 Dans l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a jugé que la demande en réparation initiale du 25 février 2008 (voir point 2 ci-dessus) visait également des préjudices moraux (arrêt sur pourvoi, point 111). La Cour, dans l’arrêt sur réexamen, a jugé que cette appréciation du Tribunal sur...

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