Arrêts nº T-31/18 of Tribunal General de la Unión Europea, November 27, 2019

Resolution DateNovember 27, 2019
Issuing OrganizationTribunal General de la Unión Europea
Decision NumberT-31/18

Accès aux documents - Règlement (CE) no 1049/2001 - Documents relatifs à une opération navale menée en Méditerranée centrale en 2017 par Frontex - Navires déployés - Refus d’accès - Article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 - Exception relative à la protection de l’intérêt public en matière de sécurité publique

Dans l’affaire T-31/18,

Luisa Izuzquiza, demeurant à Madrid (Espagne),

Arne Semsrott, demeurant à Berlin (Allemagne),

représentés par Mes S. Hilbrans, R. Callsen, avocats, et M. J. Pobjoy, barrister,

parties requérantes,

contre

Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. H. Caniard et T. Knäbe, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Wägenbaur et J. Currall, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision CGO/LAU/18911c/2017 de Frontex, du 10 novembre 2017, refusant l’accès aux documents contenant des informations relatives au nom, au pavillon et au type de chaque navire déployé par elle dans la Méditerranée centrale dans le cadre de l’opération conjointe Triton entre le 1er juin et le 30 août 2017,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. P. Nihoul, faisant fonction de président, J. Svenningsen et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1 L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après « Frontex ») a été créée en 2004 et est actuellement régie par le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil, du 14 septembre 2016, relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil (JO 2016, L 251, p. 1).

2 Conformément à l’article 1er du règlement 2016/1624, le corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, constitué, selon l’article 3 du même règlement, de Frontex et des autorités nationales des États membres chargées de la gestion des frontières, vise à assurer la gestion européenne intégrée des frontières extérieures, ce qui « implique notamment de s’attaquer aux défis migratoires et aux éventuelles futures menaces à ces frontières, en contribuant ainsi à lutter contre les formes graves de criminalité ayant une dimension transfrontalière, afin d’assurer un niveau élevé de sécurité intérieure au sein de l’Union, dans le plein respect des droits fondamentaux, tout en y préservant la libre circulation des personnes ».

3 Frontex aide les agences de gestion des frontières et les garde-côtes des États membres, notamment en coordonnant ces derniers par le biais des « opérations conjointes » menées avec l’État membre hôte et d’autres États membres. Les règles d’engagement, les ressources, le personnel, le matériel et les infrastructures utilisés par les participants sont établis par le plan d’opération propre à chaque opération.

4 Frontex a lancé l’opération Triton au début du mois de novembre 2014, après avoir reçu une allocation budgétaire supplémentaire de la part de la Commission européenne.

5 L’opération Triton visait à améliorer la surveillance et le contrôle de la sécurité des frontières grâce à des patrouilles communes et aux équipements mis à disposition par les États membres. Sa zone opérationnelle couvrait les eaux territoriales de l’Italie et de Malte ainsi que des zones de recherche et de sauvetage propres à ces deux États membres et allant jusqu’à 138 milles nautiques au sud de la Sicile.

6 L’opération Triton 2017, commencée le 1er janvier 2017, s’est terminée le 31 janvier 2018.

7 Aux termes de l’article 74, paragraphe 1, du règlement 2016/1624, « lorsqu’elle traite les demandes d’accès aux documents qu’elle détient, [Frontex] est soumise au règlement (CE) no 1049/2001 [du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43)] ».

8 En outre, l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2016/1624 prévoit ce qui suit :

L’Agence, de sa propre initiative, entreprend des actions de communication sur les questions qui relèvent de son mandat. Elle met à la disposition du public des informations précises et détaillées sur ses activités.

Ces actions de communication ne peuvent pas nuire aux missions visées au paragraphe 1, notamment par la révélation d’informations opérationnelles qui, si elles étaient rendues publiques, compromettraient la réalisation de l’objectif poursuivi par les opérations. Ces actions de communication sont réalisées sans préjudice de l’article 50 et conformément aux plans de communication et de diffusion correspondants adoptés par le conseil d’administration.

9 Enfin, l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2016/1624, énonce ce qui suit :

[Frontex] assure, de sa propre initiative, une communication sur les questions relevant de ses missions. Elle publie les informations utiles, y compris un rapport d’activité annuel […], et veille notamment, […] à ce que le public et toute partie intéressée reçoive rapidement une information objective, complète, fiable et aisément compréhensible concernant ses travaux. Elle procède à cette information sans révéler d’informations opérationnelles qui pourraient nuire à la réalisation de l’objectif des opérations si elles étaient rendues publiques.

10 Par courriel du 1er septembre 2017, les requérants, Mme Luisa Izuzquiza et M. Arne Semsrott, ont, en application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), introduit auprès de Frontex une demande d’accès à des documents contenant des informations relatives au nom, au type et au pavillon de tous les navires qu’elle avait déployés entre le 1er juin et le 30 août 2017 en Méditerranée centrale dans le cadre de l’opération Triton.

11 Par courrier du 8 septembre 2017, communiqué aux requérants le même jour, Frontex a refusé l’accès aux documents demandés sur le fondement de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), premier tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection de l’intérêt public en matière de sécurité publique.

12 Dans ce courrier, Frontex a indiqué ce qui suit :

Les informations contenues dans le document demandé permettraient, en combinaison avec des informations tombées dans le domaine public telles que celles disponibles sur le site Internet www.marinetraffic.com, d’avoir connaissance de la position actuelle des navires de patrouille.

S’ils étaient en possession de cette information, des réseaux criminels impliqués dans le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains pourraient avoir connaissance des zones et horaires de patrouille, ce qui leur permettrait d’adapter leur mode opératoire afin de contourner la surveillance des frontières et, partant, de franchir la frontière extérieure et d’accéder de manière irrégulière au territoire d’un État membre de l’Union européenne.

La surveillance des frontières vise à lutter contre la migration illégale et le trafic d’êtres humains et à prévenir toute menace pour la sécurité intérieure des États membres et la sécurité publique.

13 Par courriel du 29 septembre 2017, les requérants ont, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, déposé une demande confirmative.

14 Dans leur demande confirmative, les requérants ont fait valoir que, premièrement, les nom, pavillon et type de chaque navire impliqué dans l’opération Sophia du SEAE (Service européen pour l’action extérieure) étaient publiés proactivement en ligne et activement médiatisés, deuxièmement, les nom, pavillon et type de chaque navire impliqué dans l’opération Triton 2016 étaient alors accessibles en ligne et, troisièmement, le 12 septembre 2017, Frontex avait proactivement publié sur Twitter une partie des informations demandées.

15 Par courriel du 17 octobre 2017, Frontex a demandé un délai supplémentaire de quinze jours ouvrables sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

16 Par la décision CGO/LAU/18911c/2017 du 10 novembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), Frontex a confirmé le refus de divulguer les documents demandés au motif que « la divulgation de détails sur l’équipement technique déployé dans les opérations actuellement en cours porterait atteinte à la sécurité publique ».

17 Dans la décision attaquée, Frontex a réaffirmé ce qui suit :

- « [s]ur la base des informations contenues dans les documents demandés, [il pourrait] être possible, en les combinant avec des informations publiquement disponibles sur certains sites Web/outils maritimes, de prendre connaissance de la position actuelle des navires en patrouille »,

- « [e]n possession de ces informations, les réseaux criminels impliqués dans le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains seraient informés des zones et des horaires de patrouille des navires », ce qui « permettrait à ces réseaux criminels d’adapter leur modus operandi afin de contourner la surveillance des frontières et, partant, de franchir la frontière extérieure et d’accéder de manière irrégulière au territoire d’un État membre de l’Union européenne ».

Procédure et conclusions des parties

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

19 Le 27 mars 2018, Frontex a déposé le mémoire en défense.

20 Le 30 mai 2018, les requérants ont déposé la réplique.

21 Le 20 juillet 2018, Frontex a déposé la duplique.

22 Le 1er octobre 2018, Frontex a déposé une demande de huis clos...

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